Algérie-Etats-Unis: Les Américains veulent transparence et diversité dans l’économie

Algérie-Etats-Unis: Les Américains veulent transparence et diversité dans l’économie

Ghania Oukazi

  «Le peuple algérien -et en particulier la jeunesse algérienne- est inspirant, passionné et déterminé à tracer son propre chemin. Les Etats-Unis sont à leurs côtés pour les aider à réaliser leurs objectifs et leurs aspirations». 

Les propos sont de l’ambassadeur américain, John Desrocher, en poste à Alger. Il les a tenus lors de la réception qu’il a organisée au siège de son ambassade dans la soirée du dimanche dernier en l’honneur des représentants des entreprises et firmes américaines présentes à la 52ème Foire internationale d’Alger (FIA). C’est ce clin d’œil qu’il a fait au pouvoir actuel pour lui sous-entendre que les Américains observent la situation algérienne et suivent l’évolution du « hirak ». Evolution « d’un peuple et une jeunesse algérienne » que les Etats-Unis affirment, selon lui, «être à leurs côtés pour les aider à réaliser leurs objectifs et leurs aspirations». Ceci, même si beaucoup d’observateurs pensent que le département d’Etat est absent depuis le déclenchement de la crise politique cédant la place à la France au nom d’un jeu de rôles géostratégiques évident.

L’on sait que l’Amérique de Donald Trump joue, depuis quelques mois, le tout pour le tout pour faire passer ce qui est appelé «la transaction ou le deal du siècle», auprès des dirigeants arabes ou comment brader la cause palestinienne de décolonisation en échange d’aides économiques au peuple palestinien affamé par de longues années d’embargo israélien. Trump mène les pays du Golfe et d’autres du Moyen-Orient au pas de charge d’un chantage d’apartheid sioniste. Des tentatives de transformer la cause politique palestinienne en une simple question humanitaire à chaque fois qu’Israël bombarde les territoires occupés et notamment Ghaza, Trump et Netanyahu veulent l’effacer carrément de l’histoire des colonisations en privant les Palestiniens de leur terre contre l’octroi de minables permis de travail et des possibilités infimes d’exploiter leurs propres ressources. Un véritable marché impérialiste. Ceci étant dit, John Desrocher a contourné une question relative à la possibilité d’investissements américains en Algérie en ces temps de crise politique, en soutenant que «nous aspirons profondément à renforcer la coopération économique entre nos deux pays».

Il a notamment souligné qu’«en tant qu’ambassadeur des Etats-Unis en Algérie, je dis toujours aux investisseurs américains : examinez de près l’Algérie. J’ai moi-même constaté le vaste potentiel du marché algérien et la volonté du monde des affaires algérien de se développer et de se diversifier». Le diplomate américain donnera son avis sur la situation économique nationale en décrivant d’une manière implicite l’état dans lequel elle évolue et les obstacles qui empêchent son développement. «Les Etats-Unis estiment que des marchés ouverts et concurrentiels sont la clé du développement économique, de la diversité et de la croissance». Des distinctifs que l’économie nationale n’a jamais eus. «Nous pensons que la transparence, le dynamisme et l’innovation seront la clé de l’avenir économique de l’Algérie», est le message qu’il a adressé aux gouvernants algériens pour qu’ils repensent les règles en vigueur.

L’ambassadeur américain a dit de la FIA que «c’est l’un des événements économiques les plus importants en Afrique et reste la plus grande opportunité pour les entreprises américaines pour manifester leur présence et leur force ici en Algérie». Il a fait savoir à ses invités du dimanche dernier que «le pavillon américain représente la diversité de notre partenariat économique avec les entreprises algériennes». Entreprises qui activent selon lui dans le secteur de l’énergie, de l’agriculture, l’éducation et même dans le secteur de l’alimentaire et de la boisson. La participation américaine à la FIA est organisée cette année en collaboration entre l’ambassade, la chambre américaine de commerce (AmCham Algeria) et le Conseil d’affaires algéro-américain (USABC). L’on apprend de ces deux partenaires dont les responsables étaient présents à la réception de Desrocher que les participants à la FIA représentent plus de 20 entreprises et organisations américaines issues de la défense, l’énergie, l’industrie, la construction, la santé, l’agroalimentaire et le transport. 

Bensalah inaugure aujourd’hui la 52ème FIA 

Bien que les investissements américains en Algérie soient traditionnellement dans le secteur des hydrocarbures, l’ambassadeur pense qu’«on vise de les diversifier davantage, preuve en est la participation à la Foire d’Alger d’entreprises de plusieurs secteurs économiques». Il lancera que «les Américains veulent être un partenaire dans une économie forte». Le président du Conseil d’affaires algéro-américain a affirmé pour sa part que «toutes les compagnies pharmaceutiques américaines sont représentées en Algérie, il y a aussi celles des nouvelles technologies (…), les hydrocarbures (où il y a quelques compagnies de services), c’est du passé». Il promet qu’ «on essaiera d’avoir plus d’entreprises dans le secteur de l’agriculture à condition que le pays soit prêt à investir». La 52ème Foire internationale d’Alger ouvre ses portes dans la matinée d’aujourd’hui, le mardi 18 juin.

C’est le chef de l’Etat, Abdelkader Bensalah, qui procédera à son inauguration. La présidence de la République n’a accrédité pour la couverture de l’événement que les médias audiovisuels publics pour des considérations évidentes de l’obligation de Bensalah d’éviter les questions «qui fâchent» des journalistes sur la crise politique actuelle et sur son départ ou pas du Palais d’El Mouradia. C’est d’ailleurs en raison de la situation qui prévaut dans le pays que la FIA ne reçoit cette année que 15 pays étrangers contrairement à ses autres éditions où ce nombre de participants dépassait les 30. «Nous avons au total 501 entreprises participantes dont 131 entreprises et 7 firmes étrangères», nous précisait dimanche lors de la réception américaine, Tayeb Zitouni, directeur général de la Safex. 

Conjoncture politique exceptionnelle 

La région Monde arabe sera représentée par la Tunisie, la Syrie, la Jordanie, l’Egypte, le Soudan, la Palestine. L’Europe le sera par la France, l’Allemagne, la République tchèque et la Turquie, l’Asie par la Chine, l’Indonésie, le Pakistan, l’Amérique par les USA, le Brésil, Cuba et enfin l’Afrique par le Sénégal, l’Afrique du Sud, l’Ethiopie, le Mali. 

La Grande-Bretagne est absente cette année de la manifestation parce que, nous dit-on, «elle est en justice avec la Safex pour une affaire de non-paiement de frais des expositions précédentes». Il est noté que les entreprises étrangères n’exposent pas toutes sous pavillon officiel de leurs pays respectifs. «Il y en a qui viennent toutes seules à titre privé», est-il dit. 

L’on a appris que l’Algérie a refusé le visa à un certain nombre de représentants d’entreprises étrangères, notamment de Syrie, du Soudan et de la Palestine. Ce refus est en évidence lié aux difficiles conditions sécuritaires de ces pays. Des «négociations» sont menées jusqu’à aujourd’hui pour tenter de convaincre les autorités consulaires algériennes de délivrer des visas aux hommes d’affaires souhaitant participer à la FIA. 

Eu égard à l’exceptionnalité, la complexité et la sensibilité de la conjoncture politique nationale, l’Algérie a décidé de ne pas faire de la France l’invité d’honneur de cette 52ème édition de la FIA. Pour rappel, la France a été choisie en tant que telle l’année dernière puisque la date de l’ouverture de la FIA le 18 juin 2019 et celle de sa fermeture le 23 juin prochain ont été arrêtées le 6 juin 2018. 

C’est probablement parce qu’ils exposent sur le site le plus grand de la Safex que les Etats-Unis ont demandé à remplacer la France et être désignés par l’Algérie invité d’honneur de la FIA. Mais Alger a préféré différer ce choix pour l’année prochaine.