Algérie : entre J.O. de Londres et l’olympiade de la Mar del Plata

Algérie : entre J.O. de Londres et l’olympiade de la Mar del Plata

Beaucoup d’Algériens furent heureux lorsque le jeune Makhloufi, l’enfant de l’Algérie profonde eut remporté cette orpheline médaille dans les olympiades de Londres.

Pendant que Makhloufi s’illustrait à Londres, il y avait une autre olympiade où l’Algérie n’a pas brillé.L’exploit personnel de ce jeune qui mérite d’ailleurs tant de respect et d’encouragement s’est transformé en une carte dont d’aucuns font usage en vue de dissimuler la médiocrité qui gangrène le sport algérien. Pire, d’autres sont même allés loin en prétendant que sa médaille est une prouesse parmi d’autres de son Excellence (fakhamatouhou) même s’il est avéré que le seul qui était chargé aussi bien de l’entraînement que de la formation durant six mois de ce jeune homme fut bel et bien un coach somalien (je vous l’assure, c’est un Somalien). A dire vrai, les détails de l’histoire du héros Makhloufi et les olympiades de Londres ne concernent pas l’auteur de ces lignes mais les Algériens ont-ils vent d’une autre olympiade qui a eu lieu, celle-là, dans une autre ville du monde qui s’appelle Mar del Plata ?

Je ne pense pas que trop de monde en ait entendu parler… y compris l’auteur de cet article jusqu’alors. C’est une pittoresque ville du littoral argentin (son nom signifie « la mer de l’argent »), elle est située en plein océan atlantique et distante d’environ 400 kilomètres de la capitale Buenos Aires. Cette ville a accueilli, il y a quelques jours, une autre olympiade dont le jeune Algérien ne sera guère au courant et dont le peuple ne s’habituera plus à en prendre connaissance et même le gros lot de ses élites, c’est l’olympiade des cerveaux, c’est la compétition où l’on découvre les savants d’avenir, les timoniers des civilisations et les génies des nations, c’est l’olympiade mondiale des mathématiques. Une compétition qui n’a attiré à ce que l’on sait aucun intérêt ni couverture médiatique. Et pourtant, elle est la seule qui puisse faire découvrir le degré d’investissement des nations dans leurs ressources humaines.

Cette olympiade est organisée chaque année durant le mois de juillet sous l’intitulé de « l’olympiade mondiale de mathématiques » dans laquelle chaque pays envoie une équipe composée de ses meilleurs élèves du deuxième et de troisième année du secondaire (six élèves en tout) qui vont se lancer dans une compétition durant quelques jours afin de résoudre une série d’exercices de mathématiques, lesquels, bien que très sélectifs et soigneusement triés, ne nécessitent aucune information évoluée autre que celle que l’élève aurait acquise tout au long de son parcours secondaire. En plus, leur résolution tient essentiellement en l’intelligence du concurrent, ses dons, son intuition, ses capacités d’analyse et surtout « le background » qu’il lui a été inculqué pour traiter ce genre de problèmes.

Dans cette olympiade, il y a aussi des médailles d’or, d’argent et du bronze. C’est une compétition dans laquelle l’on classe les pays sur la base des résultats de chacune de leurs équipes. L’on s’interroge donc quelle en fut la part de l’Algérie et qui fut alors « le Makhloufi » de l’olympiade des mathématiques ? Hélas, il n’y avait pas eu un « Makhloufi » des mathématiques parce que l’Algérie n’y avait pas pris part à l’origine ! En fait, l’Algérie n’a participé dans cette compétition scientifique depuis 1997 qu’une seule fois en 2009. La cause de cette absence a une histoire à la fois loufoque et triste que le professeur Khaled Saâdallah avait exposée à l’époque dans l’un de ses articles. J’essaie d’y revenir succinctement afin de pouvoir dévoiler l’autre visage de la tragédie algérienne, son ridicule ainsi que le crime commis à l’encontre de nos propres enfants.

En 1991, cette olympiade a été organisée en Suède et l’Algérie y avait participé avec son équipe mais en raison du prolongement de celle-ci de son séjour dans le pays organisateur, elle était rendue incapable d’en payer la facture et lui est resté des redevances qui avoisinent les 2000 euros. C’est pourquoi le comité suédois organisateur a été amené à faire des correspondances avec la tutelle (le ministère de l’Éducation nationale) et cela durant des années en vue de faire régler cette somme mais le Ministère concerné n’y avait prêté même pas la moindre importance. Ce qui amené logiquement ledit comité à se référer au comité mondial en 1997, lequel aurait décidé à son tour de geler la participation de l’Algérie jusqu’à ce qu’elle paye ses dettes qui vont de 1997 à 2009 vu que le ministère de Benbouzid reste de marbre à la décision de priver tout un pays de participer à l’olympiade des mathématiques et il s’est avéré même que cette décision aurait été accueillie avec ferveur et lui fut plus qu’un réconfort qui le débarrasserait des soucis de préparation, des péripéties des éliminatoires et par-dessus le marché lui évitera la mise à nu des vices de l’école algérienne.

Mais en 2008, un groupe d’enseignants algériens aurait voulu ressusciter le rituel de l’olympiade des mathématiques et découvert à sa grande surprise l’histoire de la non-participation de l’Algérie à cette compétition à cause de 2000 euros. Oui effectivement 2000 euros. Ironie du sort, le pays qui a dépensé 500 milliards pour une orpheline médaille d’or à Londres, envoyé des aéroplanes dans la fameuse razzia d’Oum Dourmane au Soudan et fait venir en fanfare Mélissa et « Mister Bin » fut incapable de payer la modique somme de 2000 euros! Par patriotisme, ces enseignants ont décidé d’amasser cette somme et de régler la dette contractée mais dès qu’ils ont pris contact avec l’un des mécènes – en qui le savoir tient encore une place du respect et du prestige -, et lui ont raconté toutes ces anecdotes, ce dernier a décidé de payer tout seul toute la facture. Néanmoins, comme l’Algérie est l’unique pays arabe où l’on ne pourrait plus transférer de l’argent à l’étranger, l’un des enseignants qui y réside s’en est chargé. Et cela, convenons-en, c’est une autre facette d’une autre tragédie. Ainsi le comité mondial a-t-il levé les verrous sur la participation de l’Algérie et le ministère a reçu l’invitation pour participer à l’olympiade de 2009 en Allemagne. Le plus curieux, c’est que le ministère ne s’est jamais évertué à s’enquérir sur les détails du règlement de cette affaire mais s’est contenté comme si de rien n’était d’envoyer une équipe d’élèves (sans préparation ni entraînement d’ailleurs) pour y participer, laquelle équipe fut classée en fin du peloton et cela parmi les 104 pays participants alors que l’Iran est venue dans la 15 place, le Bangladesh en 67 place et le Maroc en 74, le Koweït et les Emirates arabes pour leur part sont venues fermer le ban mais avant l’Algérie tout de même.

Certes les élèves algériens qui ont pris part à cette olympiade ne manquent pas d’intelligence en regard de leurs pairs des autres pays mais il n’en reste pas moins qu’ils manquent inévitablement de préparation, d’entraînement et du perfectionnement de leurs compétences. L’olympiade des mathématiques s’est transformé en un véritable terrain de concurrence scientifique entre les nations qui s’ingénient à ressusciter l’âme de leurs peuples et la faire évoluer. Dans ces pays, l’opération de sélection des élèves et leur préparation se fait avant ce rendez-vous de beaucoup de mois, voire de beaucoup d’années. Tout au plus de chevronnés spécialistes veillent-ils à mener à bout tous ces préparatifs tout en faisant mûrir l’intelligence des participants.

En effet, la participation de l’Algérie en 2009, après 12 années d’absence, fut la dernière, après qu’elle aurait arrêté de prendre part à la compétition. Et pourtant rien ne l’y empêche. Mais celui qui en scrute bien les résultats décèle les vraies raisons de l’abstention du Ministère de Benbouzid de prendre part à l’olympiade qui, sans doute, révélera non seulement le côté sombre mais aussi la médiocre prestation du système éducatif algérien et le degré de dégénérescence du niveau d’enseignement. Aussi serait utile et pertinent de faire ici quelques comparaisons et d’exposer quelques statistiques qui montrent comment les pays évolués mettent les bouchées doubles pour investir dans le potentiel de leurs enfants et les poussent au paroxysme de la performance scientifique afin de gravir les marches qu’avaient empruntées avant eux les vieilles civilisations très versées dans les mathématiques alors que notre pays se débat chaque jour dans le noir de la médiocratie éducative et privilégie la politique du quantitatif sur celle du qualitatif. L’Algérie a participé 13 fois dans les olympiades des mathématiques, elle a fermé le ban du classement mondial dans ses deux dernières participations (1997 et 2010), et fini pénultième en 1990 et 1991 tandis que les meilleures participations de l’Algérie sont en 1986 et 1988 où elle est classée 21 grâce à une médaille d’argent et deux de bronze.

Si l’on se réfère à d’autres pays musulmans et arabes, l’on remarque qu’il y a un grand décalage en qualité et en quantité. L’Iran, ce pays que d’aucuns qualifient de religieux et d’obscurantiste, aurait rapidement pris le pli de réaliser d’extraordinaires performances. Elle avait, en fait, participé 27 fois depuis 1985 et fut à le tête du classement mondial en 1998. A son actif, 36 médailles d’or, 77 d’argent et 31 de bronze. Il est à noter que ce pays se classe souvent et cela depuis plus de 15 ans parmi les dix premiers. C’est le cas également de la Turquie, laquelle ne cesse ces dix dernières années de faire des collections d’or et de remporter les meilleures place sur le podium du savoir. Nos deux pays voisins, le Maroc et la Tunisie s’entend, bien qu’ils soient en deçà des performances de la Turquie et de l’Iran, sont loin de pâtir de la même honteuse situation de l’Algérie. A lui seul, le Maroc a engrangé 4 médailles d’argent et 32 de bronze dans 30 participations. Quant à la Tunisie, elle a participé 21 fois et remporté une seule médaille d’or, 4 d’argent et 13 de bronze.

Peut-être serait-il intéressant en ce lieu de signaler la participation de la Syrie cette année, oui la Syrie et l’obtention de l’un des membres de son équipe d’un tableau d’honneur.

Incontestablement, la vraie surprise, c’est l’Arabie Saoudite. Sa première participation fut en 2004 et elle était le plus souvent classée en queue du peloton mais dès 2009, elle a commencé à remporter des médailles jusqu’à ce qu’elle ait pu être classée 29 cette année devançant même la France, l’Allemagne et Israël. Elle a à son actif deux médailles d’argent et 7 de bronze, récoltées dans les trois dernières participations. Ce qui constitue un saut qualificatif surprenant. En dépit de la régression du niveau d’enseignement en Arabie Saoudite, les olympiades des mathématiques ont attiré une particulière attention de la part des responsables en raison du « prestige » et de l’éclat qu’elles donnent comme preuve du succès de leur système éducatif devant l’opinion publique. Pour cela, de colossaux efforts ont été consentis de leur part afin de sélectionner la crème des élèves et les soumettre à l’entraînement intensif des spécialistes sans pour autant prendre en considération la substance du processus éducatif ou une remise en question du système éducatif de façon à ce que les résultats soient réellement expressifs du niveau d’enseignement, ce qui est, du reste, très malheureux.

Tout au plus serait-il important de mettre en relief le fait que ces pays qui sortent victorieux des olympiades en réalisant des exploits scientifiques enseignent leurs enfants en leur langue mère et l’on n’en a plus trouvé parmi eux aucun qui essaie de coller les échecs de son passé à la langue d’enseignement parce que l’expérience a prouvé que le couac est ailleurs. En fait, on a voulu par le biais de cette analyse mettre le point sur l’autre facette de la tragédie algérienne. Dans notre pays, les décideurs se sont évertués depuis plus d’une décennie à gaver le peuple par des réformes qui sont plus proches du travail de sape que d’autre chose et tendent à gonfler les résultats de la réussite et satisfaire les voeux de la société en engouffrant les étudiants titulaires de diplômes du baccalauréat dont la crédibilité est entaché d’irrégularité et des moyennes gonflées dans les universités, ce qui nous pousse en toute logique à se poser des questions pertinentes: Pourquoi l’Algérie n’envoie-t-elle pas ces excellents élèves pour participer à cette olympiade des mathématiques comme ont participé leurs pairs de d’autres pays afin que nous puissions constater de visu le degré de succès des réformes de Benzaghou et de Benbouzid? Le vrai défi de Benbouzid ou de son successeur serait d’envoyer une équipe de la crème des élèves en Algérie afin de pouvoir participer dans la prochaine olympiade en Colombie (après l’avoir préparé bien sûr). Il ne serait jamais question ici de douter ou de minimiser les capacités de nos enfants et jeunes mais force est de constater que la réussite scientifique n’est pas l’unique résultante d’une l’intelligence innée mais est aussi produit d’un système éducatif sain, jumelé à un entraînement et un perfectionnement des dons congénitaux, ce qui fait cruellement défaut d’ailleurs dans notre système à nous dans la mesure où un système de cours de soutien (rattrapage), du rachat, de la couleur des tabliers, du gavage dans l’apprentissage, des résultats gonflés à l’extrême n’est fait que pour enterrer les compétence et non pour les forger. Ironie du sort, il est une chose qui attriste le coeur quand on sait qu’un pays dévasté par la guerre civile comme la Syrie a participé avec une équipe aussi complète qu’homogène…tandis que l’on trouve un autre pays, détenteur d’un excédent financier faramineux et qui de surcroît dépense des milliards de dollars pour commercialiser médiatiquement l’étiquette du aussi bien du développement que de la stabilité et dont les ministres de l’éducation s’enorgueillissent du nombre des réussites, tristement timoré ou incapable d’envoyer une petite poignée d’élèves pour se lancer dans une compétition comme leurs pairs dans bien d’autres pays du monde? Ou s’agit-il seulement d’un acte prémédité? L’olympiade des mathématiques est une noble compétition qui ne nécessite pas un pactole d’argent ni ne draine une importante médiatisation. Elle est dépourvue des offres de publicité, des droits de diffusion suspects et des scandales à répétition du dopage, c’est une compétition où il n’y a plus de place au népotisme ni aux interventions, où le pauvre est égal au riche, où l’on saurait découvrir à quel point les nations mettent à profit leur potentiel humain et estiment le savoir à sa juste valeur.

Elle est également le carrefour où se rencontrent les génies d’avenir et les bâtisseurs des civilisations. C’est pourquoi on ne devrait plus tomber des nues si l’on voit l’Iran s’échiner à perfectionner son programme du nucléaire pour l’avenir alors que l’Algérie se noie encore davantage dans les ténèbres du pétrole et du gaz. Il faut que le peuple algérien sache que tous les indicateurs et les arguments prouvent à merveille que ce qui se trame contre lui en plein jour, ce n’est même pas dans la nuit, dépasse les limites de l’erreur et de l’intelligence. Il est incontestablement une opération de sabotage concertée des fondements de la nation et une tentative de faire régresser les algériens au stade des « Indigènes » de l’époque coloniale. Le comble, c’est que cette fois-ci, nos compatriotes sont submergés par un analphabétisme avec des diplômes scientifiques virtuels. Que Dieu atteste de mon témoignage…

Sin Jim, texte traduit par Kamal Guerroua