Le climat était électrique et les supporters acharnés, des accrochages ont eu lieu, mais sans faire de victimes ni de gros dégâts.
Loin de toute intox, désinformation ou manipulation médiatique, voilà ce que j’ai vu à Khartoum. Lundi 16 novembre, à 19h, heure soudanaise, les premiers groupes des supporters algériens débarquent à l’aéroport international de Khartoum. Calmes, tranquilles, mobilisés et surtout déterminés à apporter leur soutien aux Verts, les fans algériens ont évité de répondre aux premières provocations des Egyptiens présents à l’aéroport qui y avaient placardé les grands posters des Pharaons.
Bien encadrés par les représentants de l’ambassade d’Algérie à Khartoum, les supporteurs algériens quittent l’aéroport pour rejoindre les camps d’hébergement. Mardi matin à l’aube, les supporters algériens sillonnent les grands boulevards de Khartoum. Drapeaux à la main, visages colorés de vert, blanc et rouge, les supporters algériens ont polarisé leur attention sur une seule tâche: supporter les Verts. C’est en cette journée de mardi que les supporters algériens et égyptiens «sont entrés en contact».
Les premières échauffourées ont eu lieu lorsqu’un groupe de supporters égyptiens ont provoqué les Algériens qui assiégeaient l’ambassade d’Algérie à Khartoum. Frustrés et irrités par de petits problèmes d’hébergement et surtout par le fait de ne pas avoir le ticket d’accès au stade, les Algériens ont répondu aux Egyptiens, lesquels n’ont pas tardé à prendre la fuite. Durant toute cette journée de mardi, les Egyptiens se sont faits très discrets. Ils passaient même inaperçus.
Les quelques drapeaux de l’Egypte qui flottaient sont le fait des Soudanais qui les avaient brandis. Le match approche et la tension monte. Le grand jour est arrivé. La frustration a atteint son paroxysme dans les camps des supporters. Et voilà que le soleil se lève pour annoncer le début de ce fameux «mercredi». Les supporters égyptiens arrivent à Khartoum. Bus et minibus sont archi-combles. Ils défilent dans les rues de la ville pour brandir le drapeau égyptien sous les yeux des Algériens.
Vers 11h du matin, les bus transportant les supporters égyptiens sillonnent la rue Abled Monim, où se trouve l’hôtel Taka réservé aux Algériens. A deux mètres seulement des supporters égyptiens, les Algériens n’ont pas voulu attaquer les bus des Egyptiens. Ils se sont suffi, seulement, à les huer et à chanter: «Rana Fe Soudan, machi Fel Kahira», (Nous sommes au Soudan pas au Caire).
Une phrase qui en dit long. Il s’agit, surtout, d’une allusion faite à l’enfer vécu par les Algériens au Caire. C’est une manière de leur dire, que «nous sommes dans un pays neutre…».
Les provocations égyptiennes
Les Egyptiens provoquent et tentent d’intimider les Algériens. Ces derniers ne maîtrisent plus leurs nerfs et ripostent, et commencent à lancer des bouteilles d’eau sur les supporters égyptiens. «Une douche froide et gratuite pour les…». A noter que cette scène s’est déroulée sans la présence des services de sécurité soudanais.
A quelques mètres de là, un groupe d’une soixantaine de supporters égyptiens ont tenté d’attaquer une dizaine d’Algériens. Ces derniers n’ont pas baissé les bras: c’est l’offensive. Finalement, ce sont les Egyptiens qui ont pris la fuite. La poignée de supporters algériens a poursuivi la foule égyptienne jusqu’à leurs chambres d’hôtel. Devant une telle ambiance électrique on craignait le pire. Que va-t-il se passer une fois dans le stade? Cette question était sur toutes les lèvres. Direction Omdorman où se trouve le stade qui abritera la rencontre. Les services de sécurité soudanais ont mis en place un plan d’accès intelligent.
Il s’agit d’éviter, surtout, que les supporters des deux équipes se croisent. Un plan qui a parfaitement fontionné. A une dizaine de mètres du stade, trois bus transportant les supporters égyptiens s’invitent sur le chemin des supporters algériens.
La riposte algérienne
Ni la police, et encore moins l’armée égyptienne n’ont empêché les fans des Fennecs à s’en prendre aux Egyptiens. Les bus des Egyptiens ont été ciblés par les pierres des Algériens. Plusieurs carreaux de bus ont sitôt volé en éclats. A peine cette scène passée, trois Egyptiens se sont introduits au milieu de la grande foule des Algériens, en brandissant le drapeau égyptien et chantant à la gloire de leur équipe. Les trois Egyptiens étaient à cinq mètres des Algériens qui, par miracle, n’ont pas voulu les agresser. C’est un miracle, dans la mesure où ils ont promis de venger le sang des Algériens qui a coulé au Caire. Cet acharnement a été confirmé sur les gradins. Les Algériens menacent et promettent l’enfer aux Egyptiens à la sortie du stade.
Les inconditionnels des Verts avec des gestes disent aux Egyptiens: «On se retrouve à la sortie du stade après la fin du match» et encore des gestes qui signifient: «On va vous égorger». Devant de telles menaces, les présents au stade la Forteresse rouge du club El Merrikh, prient Allah que le match finisse sans compter de victime. Le match débute. Les accrochages passent des camps des supporters pour gagner les esprits des joueurs. La peur se multiple.
Un simple incident entre joueurs peut enflammer le stade. Les minutes passent, les yeux des supporters ne scrutent que le carré vert. Les Verts ouvrent le score. Les supporters algériens éclatent de joie et se mettent dans une ambiance de fête. La joie prend le dessus sur l’esprit de vengeance. L’arbitre siffle la fin de la rencontre. Les Verts iront au Mondial de Johannesburg de 2010! Les supporters algériens savourent la victoire et font la fête dans les tribunes et même sur le terrrain. En ces moments de grande liesse, la police soudanaise évacue déjà les supporters égyptiens, tout en fermant les portes de sortie aux Algériens.
Il a fallu attendre jusqu’à ce que tous les gradins des Egyptiens soient vides et que tous les Egyptiens quittent le stade, pour voir les premiers groupes de supporters algériens quitter le stade. Au retour comme à l’aller, les services de sécurité optent pour le même plan: faire en sorte qu’il n’y ait aucun contact entre les supporters des deux camps. Un plan qui a bien réussi.
Les Algériens gagnent, ainsi, Khartoum pour faire la fête avant de rejoindre les camps à une heure tardive de la nuit. Ce n’est pas tout. Quelques-uns ont préféré rejoindre l’aéroport avec l’espoir de trouver un vol vers Alger. Dans le chemin menant vers l’aéroport, les supporters des deux équipes se sont croisés une nouvelle fois. Les supporters algériens ont refait la même chose qu’au stade. C’est-à-dire s’en prendre aux bus des Egyptiens comme l’ont fait ces derniers au Caire contre les Algériens.
Le démenti du Soudan
C’est ce que témoignent même les responsables de sécurité du Soudan. Ces derniers démentent formellement, les informations erronées rapportées par les médias égyptiens, selon lesquelles les Algériens ont agressé des supporters égyptiens ont rapporté que les Algériens ont agressé avec des couteaux et des sabres les supporters égyptiens qui se trouveraient dans un état comateux.
Les hauts responsables soudanais infirment de tels événements. Dans un tel climat, il convient de rendre un grand hommage aux autorités soudanaises et particulièrement aux services de sécurité de ce pays. Ils ont donné une véritable leçon d’hospitalité et de fraternité aux Egyptiens. C’est un exemple à suivre.
Les Soudanais ont réservé un accueil chaleureux à leurs invités. Ils n’ont pas fait de distinction entre les deux peuples. Au nom de la fraternité arabe, les Soudanais ont ouvert les bras aux Algériens et aux Egyptiens.
De l’avis de tous ceux qui étaient présents à Khartoum, les autorités soudanaises méritent «une note complète» sur tous les plans. Voilà, donc, ce qui s’est réellement passé à Khartoum, avant, pendant et après le match.
De notre envoyé spécial à Khartoum, Tahar FATTANI