Algérie: des lanceurs d’alerte veulent préparer l’après-pétrole

Algérie: des lanceurs d’alerte veulent préparer l’après-pétrole
algerie-des-lanceurs-dalerte-veulent-preparer-lapres-petrole.jpg

De nouveaux centres d’analyse s’efforcent d’appeler les autorités à changer de cap et à préparer l’après-pétrole en Algérie. Pour l’instant, la rente énergétique tue dans l’oeuf tout projet de réforme.

Ils se comptent sur les doigts d’une main. De nouveaux laboratoires d’idées – les think tanks chers au monde anglo-saxon – ont fait leur apparition, depuis peu, dans le paysage algérien. Les deux plus importants, Nabni (Notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées) – un acronyme qui peut être compris aussi comme le mot arabe correspondant à « construire » – et Care (Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise), ont des noms qui désignent bien leur vocation.

Il s’agit de groupes de réflexion issus du patronat privé, de l’université et de la technocratie locale. En se créant une place dans le débat national depuis le milieu des années 2000, ils tentent de convaincre le pouvoir de prêter attention à leur effort de prospective.

« Algérie Titanic »

Pour ce faire, ils ont adopté la formule « Algérie Titanic »: le pays est assimilé à un navire qui, s’il ne change pas de cap et n’entreprend pas à temps les changements nécessaires à sa survie, heurtera l’iceberg qui le fera couler.

« Avec une réserve de change de 200 milliards de dollars et une dette inexistante, l’Algérie a tout l’air d’être à flot pour longtemps. Or, en réalité, elle risque de faire naufrage », affirme Slim Othmani, fabricant de jus de fruits et animateur de Care. Pour cet entrepreneur, il est urgent que les Algériens préparent enfin l’après-pétrole et constituent un vrai tissu économique, aujourd’hui quasi inexistant. « Nous n’avons que 220 petites et moyennes entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse les 2 millions d’euros », déplore-t-il. « Il est urgent, renchéritAbdelkrim Boudra, porte-parole de Nabni, que nous inversions la tendance actuelle, qui consiste à importer ce que nous consommons. »

Le 26 janvier dernier, ce collectif a rendu public un important rapport, intitulé « Algérie 2020 ». « Nous avons, explique Abdelkrim Boudra, dressé le bilan de l’évolution de l’Algérie entre 1962 et 2012, et nous l’avons positionnée, dans un benchmark [comparatif] international de 15 pays comparables. » Leur analyse porte non seulement sur l’économie, mais aussi sur l’ensemble des questions de gouvernance. A lire ce texte, si rien n’est entrepris en 2013 pour redresser la barre, il sera difficile de le faire par la suite. Reste à savoir si ces projections seront prises en compte par un gouvernement que la rente pétrolière n’incite guère à agir…

Ouvrir un corridor économique entre l’Algérie et le Maroc?

D’autres alertes ont déjà été sonnées, à l’occasion des 50 ans de l’indépendance. Des économistes comme le Français Joël Ruet ou le Péruvien Hernando de Soto ont été récemment invités par Care. Ils ont notamment expliqué tout l’intérêt qu’aurait l’ouverture d’un « corridor économique » entre l’Algérie et le Maroc, en attendant une hypothétique réouverture des frontières. Ils ont aussi prodigué des conseils pour résorber les activités « extralégales » qui épuisent l’économie du pays. Mais le débat a fait long feu.

Les nouveaux think tanks ne parviennent pas encore à se faire entendre auprès des autorités, qui n’apprécient pas d’être critiquées, mais l’écho de leur réflexion commence cependant à atteindre les bureaux de certaines administrations. La baisse régulière des revenus pétroliers et l’insistance du ministre de l’Energie et des Mines, Youcef Yousfi, auprès des parlementaires, pour qu’ils adoptent un projet de loi sur les hydrocarbures faisant la part belle au gaz de schiste, commencent à susciter de vives inquiétudes sur l’épuisement annoncé de l’immense champ pétrolier de Hassi Messaoud.