Algérie : Cevital veut changer d’air

Algérie : Cevital veut changer d’air

En froid avec les autorités algériennes, le conglomérat Cevital se sent à l’étroit dans ses frontières. Sous l’impulsion de son fondateur, Issad Rebrab, il prospecte en Afrique subsaharienne, à l’est comme à l’ouest.

« En Algérie, nous sommes leaders dans tout ce que nous réalisons », affirme Issad Rebrab. Actif dans l’agroalimentaire, qui représente 60 % de son chiffre d’affaires (2,7 milliards d’euros prévus en 2012), le groupe s’est diversifié dans la sidérurgie, l’énergie électrique, l’électronique, l’électroménager… Aujourd’hui, sous l’impulsion de son fondateur, qui a personnellement pris en main son développement à l’international et délégué la gestion au Canadien Louis Roquet, Cevital veut s’étendre dans le reste de l’Afrique.

« Alors que nous importons la majorité de nos matières premières d’Europe ou d’Amérique du Sud, nous avons décidé d’investir en amont en Afrique », affirme le patron. Depuis quelques mois, il s’est rendu dans quatre pays pour y rencontrer chefs d’État, Premiers ministres et ministres de l’Agriculture, qui sont, dit-il, « très ouverts à l’arrivée de Cevital ». « En cette période d’insécurité alimentaire, il est temps que les États africains encouragent le développement de l’agriculture pour assurer leur propre consommation », ajoute Issad Rebrab.

Sucre et riz

Le groupe vise en priorité des pays d’Afrique de l’Est, mais la Côte d’Ivoire aussi est au coeur de sa stratégie. S’il ne donne pas de montant d’investissement – contrairement à ce qui a pu être écrit dans la presse -, Issad Rebrab évoque la mise en valeur de centaines de milliers d’hectares de surfaces agricoles, notamment dans le sucre et le riz : « Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire importe 1 million de tonnes de riz d’Asie, alors que l’exploitation de 300 000 ha pourrait suffire à dégager des excédents à l’export », souligne-t-il. En plus de vouloir diversifier ses approvisionnements, Issad Rebrab veut installer des usines de transformation « non seulement pour créer des emplois et de la valeur ajoutée, mais aussi pour alimenter le marché local et augmenter les exportations »

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L’agro-industrie est la priorité de Cevital, mais il est également question d’investissements industriels et logistiques, notamment dans le domaine portuaire.

« Nous avons par exemple des projets de centrale électrique. La Tanzanie, qui vient de découvrir d’importantes ressources en gaz, ne possède qu’entre 600 et 700 MW de capacité installée. Nous sommes prêts à doubler, voire à tripler les capacités de ce pays et sommes en discussion avec les autorités à ce sujet », affirme Issad Rebrab. En Côte d’Ivoire, le port de San Pedro et le secteur cacao ont fait l’objet de nombreuses annonces, y compris dans les colonnes de Jeune Afrique, mais « la priorité [du groupe] c’est Abidjan, là où il y a le plus de population, le plus de surface ». Il est notamment prévu d’y mettre en place un grand complexe agro-industriel.

En construisant des usines de transformation et en améliorant les possibilités de débouchés à l’export, Issad Rebrab dit vouloir aider les pays subsahariens à cultiver leurs atouts : « Dans une économie très concurrentielle au niveau mondial, il faut avoir des avantages comparatifs, assure-t-il. Si on veut des produits de qualité à moindre coût, il faut mécaniser et travailler d’une manière scientifique. Ensuite, la transformation locale est le meilleur moyen de répartir la richesse, à travers les emplois. Enfin, il faut bien que le produit aille quelque part, c’est pourquoi les infrastructures portuaires sont extrêmement importantes. »

Exaspération

Mais la diversification des débouchés n’explique qu’en partie le pari subsaharien de Cevital. En effet, les relations du grand patron avec Alger ne sont pas bonnes. Début novembre, le groupe s’est vu préférer un consortium mené par des Qataris pour construire le complexe sidérurgique de Bellara, à Jijel. « Notre dossier avait pourtant été déposé trois ans avant celui des Qataris… Ce refus de l’État est selon moi anormal et, d’ailleurs, je ne vous cache pas que c’est aussi à la suite de cela que nous avons décidé d’aller chercher notre croissance à l’étranger. »

En Algérie, dès qu’un investissement dépasse 15 millions d’euros, l’autorisation de l’État est obligatoire. Une disposition qui exaspère Issad Rebrab : « Il faut demander l’autorisation pour créer des emplois, de la richesse ! N’est-ce pas aberrant ? » Et de fustiger l’état d’esprit de l’administration algérienne : « Nous vivons dans une organisation méfiante qui crée le malaise. Le malaise fait fuir les responsabilités. La fuite des responsabilités crée la bureaucratie, qui à son tour inhibe la créativité, sclérose l’organisation… On va droit dans le mur ! Si on ne remplace pas le mot méfiance par le mot confiance, le pays ne pourra jamais s’en sortir. Il faut faire confiance aux opérateurs privés. » Issad Rebrab constate pour l’instant un meilleur accueil à l’étranger que chez lui. À croire que nul n’est prophète en son pays.