C’est l’heure des bilans de l’année 2012, avancent certains.
Les groupies du pouvoir, nous les entendons d’ici se pâmer devant les « réalisations » à lui seul du président Bouteflika, comme ils aiment à l’ânonner. Il y a eu même un chef de parti, devenu ministre de l’Aménagement du territoire qui nous avait promis en septembre un changement extraordinaire avant la fin de l’année ! Mais personne n’a cru M. Benyounès. La preuve ? Rien n’a changé, comme au demeurant depuis une décennie. Car, c’est connu, on ne fait pas du neuf avec du vieux. Les mêmes recettes ne peuvent faire que les mêmes plats.
Ne nous contentons pas de l’année qui vient de s’éteindre. Allons loin dans la décennie pour chercher quelque grande réalisation bouteflikienne dans l’espoir de conforter son pouvoir !
Hélas le scénario est bien huilé depuis trois mandats déjà. La scène politique est aussi figée que le pays. Ce sont les mêmes qui ont applaudi à tout rompre Liamine Zeroual qui aujourd’hui loue Bouteflika. Les mêmes pratiques autoritaires. La même loi verticale. Rien ne bouge. Sauf bien sûr les riches qui s’enrichissent, les intouchables corrompus sont toujours intouchables, les communes se vident de leur budget au profit de mafias locales, la transition FLN-RND est une somme à valeur nulle.
Mais quid justement de ces promesses faites lors d’un certain discours d’avril 2011 par un président qui paraissait finissant ? L’autoroute Est-Ouest n’est toujours pas finie, elle est réceptionné par portion pour permettre aux ripoux et à ceux qui n’ont pas pu avoir leur part de gratter les fonds de tiroir. La relance économique ? De l’avis de tous les experts, le pouvoir n’a aucune stratégie économique. Les gouvernements avancent à tâtons, sans aucune analyse macroéconomique.
Aucun département ministériel n’a connu d’essor particulier. L’agriculture est un vrai trou noir, des milliards sont injectés sans voir se dessiner un véritable tissu agricole algérien. Dans le bâtiment on continue à bâtir des tours hideuses, des cités dépourvues d’espaces de vie commune. L’industrie algérienne est un mirage, elle est désormais réduite à ce fameux projet d’usine Renault qui a abouti à Oran après une série de revirements.
La culture ? Y a-t-il eu quelque salle de cinéma réalisée ? Un théâtre peut-être ? Combien de médiathèques construites par les milliards engloutis par ce département ? Pour ce qui est du cinéma, il y a bien longtemps que les réalisateurs algériens tentent de faire des films avec des bouts de ficelles. En dépit de lignes budgétaires importantes, la culture se résume à des festivals où l’on invite copains et coquins. Des événements de prestige, sans lendemains. Les médias sont sous le contrôle d’El Mouradia et du DRS. L’ouverture promise des médias publics à la société civile et l’opposition se fait attendre. L’audiovisuel est toujours sous le contrôle du pouvoir, le lancement de radios privées n’est pas non plus d’actualité.
La jeunesse. Quelles sont les réalisations au profit de cette frange de la population ? Rien, nada. Oisifs, sans loisirs, les jeunes vaquent entre cafés et cybercafés pour tuer l’ennui. Même le réseau internet algérien est l’un des plus poussifs de la région. Cher, lent, internet demeurent un luxe, tant et si bien que le taux de pénétration de la toile dans les foyers est l’un des plus faibles en Afrique du nord. Plus grave, rien n’est fait pour en fait améliorer le débit. A croire que le pouvoir ne veut pas d’un réseau internet puissant, de crainte de voir l’opposition et la jeunesse se l’approprier.
Les jeunes Algériens diplômés ou chômeurs n’aspirent qu’à une chose : obtenir un visa pour fuir le pays. Car c’est bel et bien de fuite qu’il s’agit. Comme on sait quitter le pays clandestinement est passible de prison. Bien entendu, aucun ministre ne reconnaîtra l’échec de la politique en direction de la jeunesse algérienne. Emmuré dans ses certitudes, le président ne se posera évidemment pas la question pourquoi les Algériens cherchent à quitter massivement le pays, pourquoi les diplômés algériens s’inscrivent massivement dans les universités occidentales. Pourquoi, et pourquoi ?
La sécurité ne s’est pas non plus améliorée. Des quartiers entiers sont parfois sous le contrôle de bandes de voyous sans foi ni loi. La Kabylie est toujours le théâtre d’enlèvements. Le Grand sud est interdit aux touristes étrangers. Pourtant le ministère de l’intérieur a procédé à des recrutements massifs de policiers. Et les effectifs de gendarmerie n’ont jamais été aussi importants. La justice plus que jamais caporalisée, l’administration rongée par la corruption et le réseau bancaire antédiluvien.
L’inventaire des échecs est malheureusement long à dresser en cette fin d’année. En dépit des discours lénifiants dont on nous abreuve, l’Algérien lambda a compris qu’il n’a pas grand-chose à attendre d’un système off-shore, qui mange la laine sur le dos du peuple.
« Boutefliquatre » !
Alors regardons les choses en face. Le président a passé toute sa carrière politique dans les serres de l’ancien parti unique dont le souvenir de l’article 120 est encore vivace. Ceux qui tentent de nous faire accroire aujourd’hui que Bouteflika et son clan travaillent pour asseoir une réelle démocratie se mettent le doigt dans l’œil. Car on voit bien, entre les discours et la réalité, il y a loin de la coupe aux lèvres. L’Algérie est immobile pendant que le monde bouge, évolue. L’homme a sa tête n’a qu’une ambition : demeurer au pouvoir. Quel qu’en sera le prix ! Alors 2013 ne sera qu’un petit intermède pour l’année suivante. Douze mois pendant lesquels Bouteflika nous donnera un os à ronger en attendant le sacre. Rempiler pour un quatrième mandat est le seul objectif de Bouteflika. Ses amis travaillent déjà au corps la future constitution qui sera sans doute votée l’année qui vient. Une loi fondamentale qui viendra justifier ce la rue appellent avec malice « Boutefliquatre« , comprendre Bouteflika au quatre mandat. Son cercle de soutien dans des appels affligeants appelle déjà à sa réélection en 2014. Comme les urnes en Algérie, on leur fait dire ce qu’on veut, (ou plus clairement ce que veut la poignée de décideurs) seul l’état de sa santé de l’actuel locataire du palais d’El Mouradia pourrait venir troubler ce scénario. Ni la situation économique du pays, ni son bilan au demeurant médiocre ne seront autrement des arguments pour le voir écarté du pouvoir. Alors vivement 2014 !!!
Sofiane Ayache