Loin des déboires de DPW au port d’Alger, c’est « business as usual » au premier terminal à containers du pays, le Bejaia Mediterranean Terminal (BMT). Pensé, puis tissé hors des lambris de la décision politique par des managers audacieux, cette joint-venture atypique entre l’Entreprise Portuaire de Bejaïa et le Singapourien Portek a tenu toutes ses promesses. Allant même au-delà des objectifs tracés.
Il y a juste 8 ans, personne ne donnait cher à la peau des promoteurs de ce projet, celui de réaliser puis gérer un terminal portuaire entièrement dédié au trafic de containers. En 2003, Portek décide d’étendre ses activités à l’international pour se lancer dans la gestion de terminaux à « boites ».
Pour ce faire, l’entreprise met le paquet sur Adam Iskounen, un algéro-américain qu’elle débauche de chez General Electric Asie pour lui confier la tache de prospecter un pays d’accueil. Avec une préférence pour l’Afrique ou le Moyen Orient. Et c’est tout naturellement qu’il commence par tâter le terrain dans son pays d’origine. En juin 2003, il profite d’une virée à la foire internationale d’Alger pour y rencontrer ses futurs partenaires. Et c’est au pavillon central de la SAFEX, plus précisément au stand de l’Entreprise Portuaire de Bejaïa que tout commence.
Avec Abdelkader Boumsila, ex-PDG et père de la modernisation du Port de Bejaïa, le courant passe à merveille. Ensuite tout s’emballe. Avec le soutien du holding Sogeports et du ministère de tutelle, la joint-venture Bejaïa Mediterranean Terminal détenue à hauteur de 51% par l’EPB et 49% par Portek est signée en mai 2004 pour un investissement initial de 19 millions de dollars. «B.M.T, c’est avant tout un projet qui a été bâti en bas avant d’être porté vers le haut pour être endossé par les plus hautes autorités. C’est en grande partie ce qui explique son succès aujourd’hui.» nous confie Fares Ouzegdouh, DG de Béjaia Mediterranean Terminal et ex-patron de Maersk Algérie.
Les media s’emballent
Pourtant, les réactions hostiles à la signature du partenariat avec les Singapouriens ne se sont pas faites attendre. Les médias tombent en flamme l’intrus aux yeux ridés venu s’accaparer une parcelle de souveraineté et crient à l’arnaque.
Les arguments de la polémique ? Portek est spécialisé dans la rénovation des équipements portuaires, ne possède aucune expérience dans la gestion des terminaux à containers et les équipements ramenés sont vieux et rafistolés. Les dirigeants ont fait la sourde oreille aux critique à l’époque mais M. Ouzegdouh apporte ses explications : «Nous étions confrontés au départ à un grand dilemme : ou bien investir dans l’achat d’équipements neufs excessivement chers et retarder de 3 ans le démarrage de nos activités ou bien ramener des équipements rénovés mais fonctionnels, disponibles immédiatement et à très bien bon marché pour lancer rapidement le terminal ». La 2e option a été choisie. « Non seulement les équipements du terminal fonctionnent encore à ce jour mais nous avons achetés d’autres machines neuves ».
Culture managériale et bonnes procédures
Outre la maintenance du portique et des gerbeurs qui sont la charge entière de Portek, la partie management est aussi assurée par le partenaire. Les termes du contrat stipulent également que les bénéfices des 3 premières années d’exploitation seraient entièrement réinvestis pour développer le terminal. « Les gens oublient surtout que Singapour, c’est surtout le terreau d’un leader mondial dans la gestion de terminaux à container avec la culture et la qualité managériale qu’on leur connait ». La partie algérienne apportait de son côté une concession portuaire de 9 hectares et un trafic containers annuel de 24 000 EVP (Equivalent Vingt Pieds).
Pas de résistance des travailleurs
Contre toute attente, ce partenariat n’a suscité aucune résistance de la part des travailleurs du Port de Bejaïa, syndicalistes en tête. Beaucoup avaient même des appréhensions à rejoindre la nouvelle joint-venture.
Une aubaine pour le management qui a recruté, puis formé plus de 150 employés pour la plupart des jeunes. « Ils ont été immergés dans la culture Portek et les formations dont ils ont bénéficié sur site et à l’étranger leur ont permis d’acquérir les bonnes procédures. Tous les mouvements au sein du Terminal sont normalisés. Aujourd’hui, ils sont plus de 400 personnes à travailler au sein de BMT.
« Etre les meilleurs avant d’être les premiers »
Et les résultats sont gratifiants. De 24 000 EVP/an en 2004, BMT en manipule aujourd’hui près de 170 000. De simple filiale d’une entreprise portuaire, BMT s’est hissé dans la cour des grands et occupe le classement très envié de 4e « port » en chiffre d’affaires du pays. Au-delà des performances commerciales, BMT est devenue une école de formation portuaire qui profite pleinement à toutes les entreprises portuaires du pays.
Chaque année, des dizaines de cadres viennent y faire leurs classes et tirer profit de cette expérience à travers des séminaires pointus, animés aussi bien par des algériens que des experts de Portek. En 2010, un cadre algérien formé chez BMT a été envoyé par Portek pour diriger une concession que le singapourien venait d’obtenir au Gabon. Cerise sur le gâteau, le partenariat EPB-Portek a été audité par le gouvernement avec un taux de réussite de 97%. « Etre les meilleurs avant d’être les premiers », le slogan de l’entreprise qui a annoncé la couleur dès son démarrage en 2004 prend aujourd’hui tout son sens. Et Fares Ouzegdouh, son patron, a toutes les raisons d’être « un manager heureux ».