Quatorze ans après la grâce présidentielle, que sont devenus les émirs des années 1990 ? Si certains coopèrent avec les services de sécurité, beaucoup peinent à trouver leur place dans la nouvelle Algérie.
« La guerre ? Je ne la regrette pas. Elle nous a été imposée par l’autre camp. Élu député du FIS [Front islamique du salut] en 1991, je n’avais aucune raison de prendre les armes, j’aurais plutôt dû siéger au Parlement. Mais le pouvoir nous a poussés à le faire.
« On nous soupçonne d’avoir pris pour cibles les journalistes et les intellectuels ; c’est faux. En 1994, j’avais reçu deux reporters de la BBC dans les maquis de Chlef, où j’étais basé avec 1 000 hommes ; si des journalistes algériens avaient voulu faire de même, nous les aurions reçus à bras ouverts. On nous accuse de vol et d’avoir bâti des fortunes ; c’est faux aussi. En tout et pour tout, nous avons reçu 1,5 million de francs [environ 230 000 euros] des représentants du FIS à l’étranger. Enfin, on nous qualifie de terroristes, mais je me considère comme un moudjahid. Les Algériens qui ont pris les armes contre le colon français étaient-ils des terroristes ?
« Aujourd’hui, je ne suis pas contre la réconciliation nationale, j’y ai souscrit et j’y souscris encore. Mais il reste des blocages au sein de l’État qui empêchent sa mise en oeuvre. De quel droit, par exemple, m’interdit-on de faire de la politique ? Pourquoi les anciens de l’AIS [Armée islamique du salut] n’ont-ils pas été réintégrés à leurs postes ? Et pourquoi certains moudjahidin sont-ils encore en prison ? Ce n’est pas Bouteflika mais l’armée, avec qui nous avions négocié entre 1997 et 1999, qui est responsable de la non-application des accords. »