Algérie : Abdelaziz Bouteflika, l’homme qui murmurait à la télévision d’État

Algérie : Abdelaziz Bouteflika, l’homme qui murmurait à la télévision d’État

J-3. Absent de la campagne, le président sortant et favori du scrutin est apparu affaibli à la télévision algérienne pour faire taire ses détracteurs.C’est l’homme invisible de la présidentielle algérienne. « Outai Boutef, Outai », ont d’ailleurs habilement résumé de jeunes Algériens sur YouTube, dans un détournement du célèbre tube de Stromae. Le miracle a failli avoir lieu dimanche, à l’occasion du dernier meeting géant organisé en faveur d’Abdelaziz Bouteflika à la coupole du 5-juillet-1962, complexe olympique situé à l’ouest d’Alger. Même affaibli par la maladie, le président était annoncé sur scène pour répondre au plébiscite des milliers de syndicalistes mobilisés depuis tout le pays par l’appareil d’État.

Or, en lieu et place du président sortant, n’est apparu que son fidèle lieutenant, l’ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, propulsé directeur de campagne. Abdelaziz Bouteflika a réalisé un « miracle » en « sortant l’Algérie des ténèbres vers la lumière », a déclaré celui qui sillonne le pays en compagnie de deux autres ex-Premier ministres, pour la réélection de son mentor. Puis, comme le journaliste vedette de la chaîne Dzaïr TV, Khaled Drareni, lui demandait s’il n’en n’avait pas fait un peu trop, Abdelmalek Sellal a arraché le micro de sa veste et quitté la salle d’interview avec fracas. « Cette fois, c’est trop ! » peste Mohammed, chauffeur de taxi algérois de soixante ans. « On n’a jamais vu un président ouvertement malade se représenter à nouveau. Jusqu’où se moqueront-ils du peuple ? »Deux ans d’absence

Malade depuis plus de dix ans, Abdelaziz Bouteflika n’est pas apparu en public en Algérie depuis 2012. L’année suivante, il a été victime d’un arrêt cardio-vasculaire qui l’a tenu hospitalisé quatre-vingts jours durant, à l’hôpital du Val-de-Grâce, à Paris. Mais en dépit de son incapacité manifeste à tenir les rênes du pays, le président sortant a souhaité « répondre à l’appel du peuple » en se portant candidat fin février.

Étrange, dans un pays où une jeunesse éduquée, qui compose plus de 70 % de la population, aspire à un réel changement, elle qui n’a pas connu les affres de la guerre d’indépendance. « Même si le président n’était pas présent au meeting aujourd’hui, il s’est exprimé hier à la télévision, debout et en forme », rappelle Moustapha, un agent assurant la sécurité du rassemblement de la coupole du 5-juillet. En effet, à défaut d’être présent sur le terrain, le chef de l’État est apparu à trois reprises durant la campagne à la télévision d’État, affaissé sur son siège et la voix éteinte, en accueillant de hauts responsables occidentaux.

Voix balbutiante

Dimanche soir, en recevant au palais d’El Mouradia l’envoyé spécial de l’ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie, le diplomate algérien Lakhdar Brahimi, Abdelaziz Bouteflika a eu beau tenter à plusieurs reprises de se lever de son fauteuil, rien n’y a fait. De sa voix balbutiante, le président algérien a en revanche gratifié son interlocuteur de quelques commentaires sur ces élections. « La campagne se termine aujourd’hui, mais à quel prix », a-t-il murmuré à son compatriote algérien, selon des propos rapportés par le quotidien El Watan. « Il y a eu des appels à la fitna (division) et à des interventions étrangères. » Et le chef de l’État de s’interroger : « C’est quoi ça ? C’est une fitna ? Une révolution ? Un printemps ? »