Le marché du médicament fait parler de lui. Depuis quelques mois déjà, l’indisponibilité de certains produits médicamenteux dans les officines de pharmacie suscite des interrogations.
D’autant plus quand il s’agit de soins ou remèdes pour les malades chroniques ou ceux entrant dans le traitement des cas d’urgence.
La semaine dernière, le Syndicat national des pharmaciens avait publié une liste de près d’une soixantaine de médicaments introuvables sur le marché.
Comment en est-on arrivé là ? Les opinions divergent et les concernés s’accusent mutuellement.
D’autres encore démentent l’information. Pourtant, la facture d’importation des médicaments augmente chaque année. Elle est en croissance exponentielle.
Durant les six premiers mois de 2009, l’Algérie a importé pour 908 millions de dollars de médicaments et produits pharmaceutiques contre 801,9 millions au premier semestre 2008.
Les importations de médicaments ont coûté au Trésor public 1,85 milliard de dinars en 2008, soit une hausse de plus de 27% par rapport à l’année d’avant.
Mais rien n’y fait. Le simple citoyen a toujours du mal à trouver son remède.
Dès 1991, le marché du médicament a connu un virage important.
L’Etat a ouvert le champ aux importateurs et laboratoires privés pour investir le terrain.
Depuis, près d’une centaine d’opérateurs ont répondu à l’appel. Et la liste de médicaments enregistrés augmente : 2 523 médicaments au profit des laboratoires de l’Union européenne, 686 à celui des laboratoires arabes et 375 à celui des laboratoires américains, chinois, indiens et sud-africains.
La concurrence fait rage et les opérateurs se livrent une bataille sans merci pour introduire leurs molécules phares.
L’enjeu est important. De grosses sommes d’argent sont en jeu. Le marché du médicament en Algérie est un véritable eldorado.
Devant ce fait, l’Etat adopte une nouvelle politique pour cette activité.
Plusieurs nouvelles orientations sont entérinées. Le but : encourager l’investissement pour la production locale et favoriser les génériques.
Un arrêté du 30 octobre 2008, fixant le cahier des conditions techniques à l’importation des produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux destinés à la médecine humaine, oblige les importateurs et laboratoires à déposer un projet d’investissement dans les six mois qui suivent la souscription audit cahier.
Déjà, une contrainte pour les importateurs de médicaments qui ont engrangé des bénéfices très importants en n’effectuant que l’opération de commercialisation.
Sous-entendu, les laboratoires ont l’obligation de fabriquer au moins un produit de leur arsenal sur le sol algérien.
Déjà, ces opérateurs économiques commencent à faire la moue. Les arguments pour justifier leur mécontentement à l’époque sont nombreux.
Indisponibilité du foncier, choix du médicament à produire, financement… Pourtant, une quarantaine de laboratoires ont réussi à implanter des unités de production.
Mais de l’aveu de certains spécialistes, ces fabriques ne tournent qu’à 30% de leurs capacités réelles.
Malgré cette avancée, l’importation n’a pas connu de baisse pour autant. Il faut noter que la matière première est toujours acheminée de l’autre côté de la mer.
Les répercussions directes, sans oublier l’apport majeur de Saidal, le secteur public qui est presque en position de monopole sur le marché du générique, sont presque immédiates.
La production nationale du médicament grignote sur les parts de marché. L’importation des médicaments représente 70% de ce marché contre 30% de production locale.
Pour encourager celle-ci, l’année dernière, le gouvernement décide d’interdire l’importation de produits fabriqués localement dont la quantité suffit à satisfaire la demande nationale.
Une liste de 359 médicaments interdits à l’importation est établie. Autant de pain bénit enlevé de la bouche des importateurs.
Mais certains médicaments font toujours défaut. L’indisponibilité concerne même des médicaments interdits à l’importation.
La pénurie est-elle fabriquée ? Comment des produits dont le ministère de la Santé assure que leur production est abondante, arrivent à manquer sur le marché ?
Face à cette situation, certains responsables de laboratoires pointent du doigt la loi de finances complémentaire 2009 et les mesures imposées pour le commerce international.
Mais quel est le rôle des laboratoires médicaux implantés en Algérie ? Faire du commerce ou assurer la disponibilité des produits ?
A en croire Riad, délégué médical ayant roulé sa bosse dans plusieurs laboratoires médicaux arabes et européens, le profit est le maître mot de ces entreprises.
«Ce sont des entreprises. Leur rôle n’est pas de faire dans le social. Elles cherchent à faire le maximum de bénéfices», explique le jeune docteur en médecine.
«Elles ne sont pas très intéressées par la production des médicaments génériques.
Ce qui les motive, c’est plutôt la vente ou, le cas échéant, la production des médicaments dont le laboratoire mère détient les droits exclusifs sur la molécule», poursuit-il.
De l’aveu du jeune délégué, après plusieurs années de travail dans le domaine, il n’a «jamais ressenti une véritable motivation pour la production ».
«A la rigueur, les laboratoires sont plus intéressés par la vente de produits facultatifs, genre matériel médical ou soins généraux comme les bains de bouche, dont les prix ne sont pas très contrôlés que d’introduire les traitements pour les maladies chroniques», reconnaît-il.
Donc, la tentative de rallier les laboratoires médicaux à la cause du ministère de la Santé, qui est celle d’équilibrer le marché du médicament en Algérie et de limiter la facture de l’importation, n’est pas un exercice de tout repos.
Grâce aux dernières dispositions prises par l’Etat en faveur de l’investissement et de la production locale de génériques, un léger mieux dans la quantité et la diversité des produits fabriqués localement est enregistré.
Mais la bataille n’est pas encore gagnée. Loin de là, puisque la facture d’importation s’alourdit encore et que la pénurie persiste.
Le Syndicat national des pharmaciens va encore plus loin en annonçant une pénurie encore plus sévère au regard des dispositions instaurées dans la loi de finances complémentaire 2009, celle relative au commerce extérieur.
Preuve que la production nationale reste dépendante de l’importation et de la bonne volonté des laboratoires médicaux.
Samir Azzoug