Présent à Oggaz depuis 8 ans, le leader mondial de la cimenterie y a bâti la plus grande usine de ciment blanc d’Afrique. Maghreb Emergent est allé visiter cette usine dont le fonctionnement répond aux standards internationaux.
Le ciel est clair dans l’Ouest algérien pendant que des pluies diluviennes s’abattent sur El Bahdja. Le timing est parfait pour le géant franco-suisse. Le groupe désormais intitulé Lafarge-Holcim depuis sa fusion avec le numéro 2 mondial, a mis les petits plats dans les grands en invitant une vingtaine de journalistes pour visiter son fleuron algérien, l’usine d’Oggaz, dont le ciment blanc sert à construire la freedom tower de New-York. Opération séduction donc, de la multinationale devant un parterre majoritairement acquis à sa cause. Présent dans 90 pays Lafarge compte 115 000 collaborateurs et 2500 unités d’opération à travers le monde. L’entrée de la multinationale sur le marché algérien date de 2003 comme le rappelle Serge Dubois, le directeur affaires publiques et communication du groupe en Algérie. Le ticket d’entrée sur le marché algérien se matérialisa à travers une coentreprise de fabrication de plâtre avec Cosider à Bouira. Depuis la trajectoire du cimentier a été ascendante. Aux ouvertures d’usines de production de ciment à M’Sila en 2005 et Oggaz en 2007 qui produisent aujourd’hui 8,7 millions de tonnes par an, se sont succédées l’acquisition de 35% des parts de l’usine de Meftah appartenant au Gica et la construction d’une troisième usine à Biskra d’une capacité de 2,7 millions de tonnes par an, dont la production devrait débuter mi-2016. En l’espace de 12 ans, Lafarge a conquit 35% du marché du ciment algérien. Il n’est donc pas étonnant que Serge Dubois considère l’Algérie, «comme le plus important marché en Afrique».
Oggaz bientôt au niveau des meilleures cimenteries mondiales
Située entre Mascara l’agricole et Oran la joyeuse, l’usine d’Oggaz surplombe légèrement la commune du même nom. Non loin de l’autoroute est-ouest, elle est alimentée en gaz de Relizane et en électricité de Oued Tilat. Arrivé devant le complexe industriel, le gigantisme de l’installation impressionne. Plantée en face de la carrière d’où sortent en zigzaguant des camions remplis de calcaire et d’argile, l’usine est entourée d’un halo de poussière quasiment permanent. Les broyeurs et les fours de taille inhumaine, reliés entre eux par des passerelles munies de tapis roulants donnent à l’ensemble un charme steampunk (ndlr: style rétro futuriste). L’unité est ainsi divisée en plusieurs zones suivant le niveau de risque encouru. Fort heureusement, la présentation de l’entreprise s’est déroulée dans la zone de sécurité, ce qui a laissé à certains confrères la liberté de ne pas troquer leurs impeccables escarpins lustrés pour de vulgaires chaussures de chantier. L’usine d’Oggaz est sur le point de se hisser au niveau des meilleures cimenteries du géant franco-suisse, c’est Serge Dubois qui l’affirme. Les chiffres semblent l’attester. Lafarge ciment Oggaz, LCO pour les initiés, représente à elle seule 15% du marché algérien, emploie 1320 personnes et exporte de 50 à 100 tonnes de ciment blanc par an. Une belle succes story. Même si parfois la communication sonne faux. Comme quand le directeur de la communication assure que les raisons qui poussent son entreprise à réorienter sa production de ciment blanc vers l’Algérie c’est parce qu’il veut «ce qui se fait de meilleur pour l’Algérie». En réalité même si le ciment blanc d’Oggaz est de la meilleur qualité, Lafarge a quand même du mal à écouler sa production. D’où sa réorientation sur le marché local.

La sécurité: priorité numéro 1
La sécurité est au cœur des préoccupations de l’Usine d’Oggaz qui a connu son dernier accident grave en 2014. Sur ce point des efforts ont été effectués puisqu’en 2008 elle déplorait un taux de fréquence des accidents de travail de 4,5. Aujourd’hui ce taux est passé en dessous de 1, s’approchant du niveau d’excellence des autres usines du groupe. «Notre exigence est de faire 0 accidents» annonce ainsi Jean-Louis Sibiade, directeur de LCO, qui veut que son usine devienne une des plus performantes de la multinationale. Pour cela, Lafarge a mis en place à Oggaz les standards de sécurité qu’elle applique à touts ses unités à travers la planète. «N’importe quel incident dans le monde est communiqué chez toutes les sécurités du groupe Lafarge» assure le responsable sécurité du groupe Lafarge. «Par exemple il y a eu un événement mortel au Maroc impliquant les systèmes de refroidissement. Toutes les unités ont été fermées» illustre celui qui est en charge de la sécurité de l’usine. La direction a également mis en place un système d’audit permanent de sécurité. Chaque année 839 audits internes sont effectués, et 4 audits nationaux déterminent son niveau de sûreté. Le groupe a aussi dispensé 3200 h de formation pour ses 500 employés et plus de 5000h pour les 800 sous-traitants. Les sous-traitants qu’un cadre de l’entreprise désigne comme ceux vers qui le travail de sensibilisation sera le plus intensif. Un système de passeport à point a ainsi été mis en place à cet effet. Chaque sous-traitant se verra sanctionné en cas de fautes, allant de la faute «très grave» entrainant une exclusion des relations commerciales avec le cimentier, à des points qui donnent lieu à de petits cadeaux comme des puces téléphoniques par exemple.
L’objectif est de faire fonctionner l’usine avec un personnel 100% algérien
Les raisons de se réjouir sont visiblement nombreuses pour le directeur de l’usine. Les performances de son unité ont connu une trajectoire montante depuis sa création. LCO produit actuellement environ 2 millions cinq cent mille tonnes de ciment gris et 550 mille tonnes de ciment blanc. Une prouesse réalisée en huit ans avec un effectif raccourci de 250 personnes par rapports aux 850 collaborateurs initiaux. Ce qui n’a pas été sans heurts. Travailler plus, en étant moins, pour produire plus. C’est probablement ce à quoi faisait allusion Jean-Louis Sibiede arrivé il y a une année, lorsqu’il louait «l’engagement exceptionnel du personnel». Parmi les objectifs que se sont fixés les dirigeants du groupe, le «développement du capital humain» arrive probablement en tête. Le cimentier s’est ainsi donné comme objectif de faire fonctionner l’unité avec un personnel à 100% issu d’équipes locales (aujourd’hui cinq cadre étrangers travaillent à Oggaz). Il y consacre 3,5 % de la masse salariale. Lafarge a donc mis au point des centres de formations professionnels et un réseau académique pour former son personnel algérien. Le système managériale s’inscrit dans cette logique d’amélioration des compétences. Chaque manager discute ainsi avec ses «collaborateurs» pour déterminer ses axes de progression et la manière avec laquelle pourra atteindre ses objectifs. Une certification spéciale prodiguée par la multinationale permettra aux employés concernés de travailler dans n’importe quelle usine Lafarge. Quand à la parité des salaires entre algériens et cadres étrangers, à compétence similaire elle n’est pas d’actualité. Chez Lafarge on préfère parler d’ «équité» plutôt que d’égalité. Tout est dans la formule. L’équité exclue l’égalité salariale au profit des expatriés qui seront largement mieux payés car ils viennent d’un pays «où le niveau de vie est supérieur». Ils bénéficiaient en conséquence d’une prime substantielle. Une inégalité qui s’applique aussi aux expatriés algériens. Un cadre de l’entreprise confiait ainsi qu’une de ses connaissances partie s’installer au Canada, n’avait pu bénéficier du statut d’expatrié et avait ainsi du faire une demande de visa canadien. Résultat, elle ne pouvait bénéficier de cette fameuse prime et était payée comme un employé local.