Algérie : à Annaba, la « génération Aniss » bouscule le tabou du sida

Algérie : à Annaba, la « génération Aniss » bouscule le tabou du sida

Notre partenaire Algérie-Focus a fait le tour de l’Algérie cet été, en douze étapes, à la rencontre de la société algérienne. A Annaba, ils présentent une association de lutte contre le sida.

Plus qu’une association, Aniss est d’abord une famille. Une famille qui partage les mêmes valeurs et mène le même combat. Depuis 2003, date de naissance de cette association, la lutte contre le sida n’est plus un tabou.



Les interdits ont été brisés et le silence imposé par la honte publique a été rompu.

Durant dix ans, les adhérents de cette association de lutte contre le sida et pour la promotion de la santé ont sillonné les plages, les places publiques et les universités.

Ils se sont mobilisés pour sensibiliser les citoyens sur l’importance de se protéger contre le VIH, ce virus qui gâche la vie et met fin aux rêves les plus enchanteurs.

Les avocats de ces « parias » de la société

Dix ans de travail de terrain, de sensibilisation et d’information qui ont permis aux habitants d’Annaba de parler à l’aise et de se décomplexer face à cette terrible pandémie, dont on ne connaît pas encore vraiment l’ampleur en Algérie.

Mais Aniss, c’est aussi cette main tendue vers des populations rejetées, méprisées et reniées par la société à cause de leur mode de vie qui ne correspond pas à la doxa générale.

Homosexuels, travailleurs du sexe et toxicomanes, ces populations à risque, dangereusement confrontées aux ravages du sida ont été sorties de l’ombre par les campagnes de sensibilisation menées tambour battant par les animateurs de l’association Aniss.

Peu importe leur nombre qui varie chaque année. Leur énergie, leur joie de vivre, leur curiosité et leur volonté coriace d’en finir avec le silence complice et la stigmatisation des personnes atteintes de VIH ont réussi à soulever des montagnes.

Dénigrés par les défenseurs d’une religiosité exacerbée

Diabolisés par les partisans de la morale arriérée, dénigrés par les défenseurs d’une religiosité exacerbée et infondée, les membres de la « génération Aniss » ont tenu bon et fait preuve de grande résistance.

Les ateliers organisés en 2009 en association avec le ministère des Affaires religieuses pour impliquer les imams dans la lutte contre le VIH ont marqué les esprits et fourni la preuve qu’avec de l’abnégation, on change les mentalités.

Des mentalités qui changent parce que sur les plages bônoises, des préservatifs ont été distribués, des explications et des informations ont été communiquées, et les langues se sont déliées.

La jeunesse d’Annaba respire et se libère pour ne pas céder aux tentations du silence obscur qui encourage au final la propagation de cette pandémie.

Mais à Anis, on ne se contente pas de sensibiliser et d’informer, on défend aussi la cause de ces personnes atteintes de VIH qui ne sont pas acceptées dans les hôpitaux.

Ces personnes, les « parias » de la société algérienne, sont soutenues par les animateurs de l’association quand ils sont chassées des structures de santé alors qu’ils ont le droit absolu, comme tout le reste des Algériens, d’accéder à des soins médicaux.

D’ailleurs, en ce moment même, l’association Anis s’est constituée partie civile pour poursuivre en justice une clinique privée basée à Annaba qui a refusé de soigner un citoyen séropositif.

Le combat contre les injustices produites par la stigmatisation, c’est donc aussi la mission de cette association portée par des jeunes dévoués et conscients de la difficulté de leur mission.

S’adapter à une société conservatrice sans se renier

Le Dr Skander Abdelkader Soufi, président d’Aniss, se réjouit :

« Nous ne voulons pas privilégier une logique de confrontation frontale avec la société. Nous essayons d’agir sur les mentalités de nos concitoyens en s’adaptant à notre contexte social.

Nous savons que notre champ d’action est limité à cause des tabous qui caractérisent la maladie contre laquelle on lutte. Mais notre stratégie de mobiliser les leaders religieux, les juristes et les journalistes commence à porter ses fruits »

Rencontré dans le siège de l’association en compagnie de quelques fidèles adhérents, notre interlocuteur croit fermement à l’importance du travail sur le terrain.