Il manquait quelque chose durant les deux premières semaines de décembre à la COP21 au Bourget. In Salah, la ville la plus ensoleillée au monde et au sous-sol garni d’énergies fossiles très convoitées n’avait pas de représentants. Pourtant.
Alors que le pétrole connaît, ces jours-ci, son plus bas prix depuis 2004, l’élite algérienne et le pouvoir commencent juste à réfléchir à une inéluctable transition énergétique. Certains évoquent même que l’accord de la COP21 est une chance pour le pays de la rente des hydrocarbures et qu’il n’y aurait pas d’autres choix que celui d’aller vers une économie sans énergies fossiles.
Mais, pour réussir sa transition économique, l’Algérie devrait avoir une population avec une pensée, une conscience énergétique. Cette dernière existe, mais elle ne se trouve pas là où les Algériens l’auraient voulu, c’est-à-dire le long de l’autoroute est-ouest au nord du pays et où la population est la plus dense.
Il y a juste une année, en décembre 2014, lorsque l’ex-ministre de l’énergie, Youcef Yousfi annonçait la réussite des premiers forages de gaz de schiste à 30 km d’In Salah, toute la population, avec les femmes en tête, s’est mise, un 31 décembre, en mouvement vers une occupation pacifique et citoyenne du centre de la ville saharienne. Personne ne donnait cher de la peau d’un tel mouvement isolé territorialement dans le désert, à 1 200 km d’Alger au nord et 700 km de Tamanrasset au sud.
Pourtant, et alors que les printemps arabes ont pour la plupart connu la déroute pour des raisons d’hydrocarbure, les gens d’In Salah ont, durant une année, bâti une conscience énergétique construite à base d’intelligence culturelle locale, de rigueur civique et une profonde croyance dans un développement durable pour le sud algérien.
À cela, un islam local fait de sagesse et d’érudition qui tranche avec la barbarie développée en Orient et même en Europe qui donne sa bénédiction à un projet, celui du concept de Smart Sahara. L’idée qui fait consensus à In Salah, est d’associer les outils de la convergence énergie/numérique cher au prospectiviste démocrate Jeremy Rifkin, à un développement agricole et écotouristique de la région.
Tout récemment, les représentants du mouvement anti gaz de schiste d’In Salah ont dévoilé dans le quotidien Al Watan, leur projet du concept Smart Sahara. C’était un 9 décembre, et au Bourget, à la COP21, au même moment, c’est la ministre marocaine de l’Environnement, Madame Hakima El Haite qui confirmait dans un discours l’intérêt du gouvernement marocain à promouvoir le développement durable dans le Sahara du Royaume chérifien.
À Alger, malheureusement, il semble que le pouvoir n’a pas encore pris la mesure d’une transition énergétique qui commence à prendre forme dans son sud. Le 15 décembre, les Assises du schéma national de l’aménagement du territoire organisées par le ministre du secteur, Amar Ghoul, ont montré que n’a pas encore été saisi le potentiel d’un écosystème intelligent autour de la notion de Smart Sahara. Lors de ces Assises, on a plus parlé du climat des affaires et du foncier industriel que de développement durable, d’énergies renouvelables et de l’eau.
À In Salah on n’attend pas. Un écosystème déjà prend forme parmi ses habitants. Comme le résume Hacina Segzeg, une des chevilles ouvrières du mouvement anti gaz de schiste : « Une ville verte, écologique, tournée vers les énergies renouvelables et le développement durable : voilà le défi d’In Salah et nous le relevons sans crainte, car nous recevons des soutiens en matière d’expertise, de formation, de matériel ». Qui l’aurait pensé il y a juste une année.