Algérie 2010 : 155 milliards de dollars de réserves de change et 112 878 émeutes populaires

Algérie 2010 : 155 milliards de dollars de réserves de change et 112 878 émeutes populaires
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L’Algérie disposait de 155 milliards de dollars de réserves en devises à la fin décembre 2010, contre 148,9 milliard de dollars à la fin de 2009, a indiqué mardi un responsable du ministère algérien des Finances.

Cette aisance financière, unique depuis l’indépendance du pays en juillet 1962, ne contribue pas, de l’avis des citoyens, à leur bien-être mais profite à une caste de privilégiés du système. Cette aisance contraste avec un malaise social grandissant : rien que pour l’année 2010, les services de sécurité ont enregistré plus de 112 878 interventions de maintien de l’ordre.

Une richesse insolente, en effet. « Les réserves de change officielles, qui mesurent la capacité d’importation (du pays), tournent autour de 155 milliards de dollars à la fin du mois de décembre 2010 », a déclaré le directeur général des politiques et des prévisions au ministère des Finances, Abdelmalek Zoubeïdi. Le fond de régulation des recettes (FRR) disposait à cette date de 4.800 milliards de dinars (48 milliards d’euros environ), soit une hausse de 500 milliards de dinars (5 milliards d’euros) par rapport à fin 2009, a ajouté M. Zoubeïdi à la radio publique francophone Chaîne III, repris par l’agence AFP.

Le FRR est alimenté par les différences entre le prix du pétrole vendu sur le marché et le prix de référence (37 dollars le baril) sur la base duquel est établi le budget de l’Etat. Ce fonds est destiné essentiellement à financer partiellement le déficit du budget de l’Etat, a précisé M. Zoubeïdi. « Ces deux indicateurs (réserves de change et FRR) permettent de sécuriser l’année 2011 », a-t-il ajouté.

Pour 2011, le prix de référence du baril de pétrole, une des deux principales ressources de l’Algérie avec le gaz, a été maintenu à 37 dollars, alors que la moyenne des prix d’exportation du brut se situait à 77,19 dollars durant les huit premiers mois de 2010, ajoute l’AFP. En 2010, les recettes des hydrocarbures (gaz et pétrole) de l’Algérie ont atteint 55,7 milliards de dollars, selon le ministre de l’Energie Youcef Yousfi.

Paradoxe : Malgré cette manne, les Algériens se plaignent de la mauvaise qualité de vie

Paradoxe : Cette manne financière, unique depuis l’indépendance de l’Algérie en juillet 1962, a peu de répercussions positives sur la vie quotidienne des Algériens. Ces derniers se plaignent régulièrement de la cherté de la vie, de la crise du logement, du chômage, de l’absence de soins adéquats dans les hôpitaux et du manque d’infrastructures de base (routes, transports, services…).

Dans son dernier classement sur la qualité de la vie dans 192 pays du monde, le magazine irlandais International Living attribue à l’Algérie la 132e place, très loin derrière ses deux voisins du Maghreb, la Tunisie et le Maroc (ex-æquo à la 69e place). Ce piètre classement est d’autant plus saisissant que les deux voisins ne peuvent guère rivaliser avec l’Algérie en termes de revenus pétroliers.

C’est qu’en dépit des sommes colossales engagées (plus de 250 milliards de dollars ) depuis 1999 dans des programmes d’investissements, en dépit des ces réserves de change mirifiques, les Algériens estiment que la rente pétrolière ne contribue pas à améliorer leur bien-être, mais profite plutôt à une minorité de privilégiés du système.

Le budget des anciens maquisards est doublement supérieur à celui consacré à l’emploi

A titre d’exemple, le budget alloué pour l’année 2011 au ministère des anciens moudjahidine ( ex-maquisards de la révolution ) dont il ne reste qu’une poignée, est de 169.614.694.000 da (2,285 milliards de dollar ) alors que celui du département du Travail, de l’emploi et de la sécurité sociale est plafonné à 76.058.041.000 da (1,024 milliard de dollars)

Il n’est pas rare d’entendre des voix expliquer que l’Algérien vivait mieux dans les années 1990 alors que le pays était confronté à un terrorisme aveugle, que les caisses de l’Etat étaient vides et que la dette extérieures de l’Algérie caracolait au dessus de 32 milliards de dollars.

Un budget vital estimé à plus de 35 000 dinars

Le salaire minimum (Smic) a été porté en décembre 2009 à 15 000 dinars (150 euros) alors que les organisations syndicales considèrent que le budget vital pour une famille de sept personnes dépasse les 35 000 dinars (352 euros).

Signe de ce désenchantement, la multiplication des foyers de tension à travers le pays. Les services de sécurité algériens avaient recensé en décembre dernier pas moins de 112 878 interventions de maintien de l’ordre durant l’année 2010 pour juguler les manifestations et les protestations de rue.

Dans une note confidentielle de l’ambassade US à Alger rédigée en janvier 2008, l’ex-ambassadeur Robert S. Ford brossait un tableau très noir de l’Algérie, «un pays à la dérive » dont le peuple serait « malheureux ».