La croissance apparemment irrésistible des dépenses de l’Etat algérien se poursuit en dépit des nombreux signaux d’alerte ces dernières années. Le cap à la fois symbolique et faramineux des 100 milliards de dollars de dépenses annuelles vient d’être atteint par le projet de loi de finance pour 2014.
Le contexte est, depuis plusieurs années, celui d’une dérive de la dépense publique signalée aussi bien par les plus hautes autorités du pays notamment depuis 2010, que par la Banque d’Algérie en 2012 et en 2013 ou encore par le FMI à l’occasion de ses deux dernières missions en Algérie de novembre 2011 et 2012. C’est aussi celui d’un thème qui a fait irruption dans le débat public à travers une très large couverture médiatique et de nombreuses contribution de spécialistes. Ses enjeux économiques sont fondamentaux puisqu’ils concernent, au delà des habillages comptables, l’usage qui est fait de la rente pétrolière à travers notamment sa répartition entre consommation immédiate et investissement.
En 2014 , on revient aux bonnes vielles habitudes.
Finalement et ainsi qu’on pouvait s’y attendre, la pause observée dans la croissance des dépenses du budget de l’Etat en 2013 aura été de courte durée. Le projet de loi de finances pour 2014, adopté la semaine dernière par le Conseil des ministres revient aux « bonnes habitudes » de ces dernières années (plus précisément celles prises depuis 2007) et enregistre de nouveau une croissance à 2 chiffres du montant des dépenses budgétaires . Les dépenses projetées par le PLF 2014 sont de plus de 7.600 mds de DA. Faites le compte vous-même , avec un dollars à 76 dinars au taux de change officiel, on arrive pile à 100 milliards de dollars. La hausse des dépenses par rapport à 2013 est de 11,3%. Cette croissance 3 fois plus rapide que celle du PIB (annoncée à 4,5% mais les prévision dans ce domaine ne sont jamais réalisées depuis 2005) va en premier lieu encore renforcer le poids de la dépense publique dans l’économie nationale. Rappelons que voici à peine un mois, la Banque d’Algérie avait au titre de l’année 2012 attiré l’attention de l’Exécutif sur la tendance à la hausse que suivent actuellement les dépenses publiques. L’institution dirigée par Mohamed Laksaci indiquait notamment que « le poids de la dépense publique a pris des proportions importantes, passant de près de 45% en 2011 à 50% du PIB en 2012. Alors que ces ratios sont de l’ordre de 27% au Maroc et 26% en Tunisie en 2011 ». Le chiffre le plus significatif cité par M. Laksaci concernait la forte croissance des dépenses budgétaires totales en 2012, évaluée au niveau vertigineux de 22,5%. Un rythme qui « n’est pas soutenable » concluait le Gouverneur de la Banque d’Algérie. Il est clair que la nouvelle croissance des dépenses de l’Etat prévue en 2014 ne va pas arranger les choses et que le cap des 50% du PIB risque fort d’être franchi allègrement l’année prochaine.
Un déficit budgétaire colossal
Le déficit budgétaire prévu pour 2014 estimé au niveau faramineux de 45 milliards de dollars va également sans aucun doute relancer le débat sur le niveau de plus en plus élevé du« prix d’équilibre budgétaire ». Le prix du baril de pétrole qui permet de financer les dépenses du budget de l’Etat associé au projet de loi de finance 2013, marqué par une plus grande « prudence » en matière de dépenses publiques, se situait selon différentes sources à un niveau proche de 105 dollars. Il va de nouveau bondir au dessus de 110 dollars en 2014 soit à un niveau supérieur aux prix observés sur le marché au cours des derniers mois (109 dollars selon la Banque d’Algérie pour le premier semestre 2013) en posant le problème du financement du déficit par les ressources économisées dans le Fonds de Régulation des Recettes.
Le montant du déficit comptable soulève en outre une fois de plus le problème du prix de référence de 37 dollars pour le baril de pétrole adopté par les finances publiques algériennes depuis 2007 dont une étude rendue publique par le FCE au début de l’année en cours, rappelait qu’il était était censé à l’origine servir de norme pour mieux maîtriser l’évolution des dépenses de l’Etat. Cette logique vertueuse a été complètement oubliée chemin faisant et cette convention comptable ainsi que les règles de calculs des ressources du Fonds de régulation des recettes qui lui sont associées se révèlent aujourd’hui comme « un échafaudage bureaucratique vidé de toute signification économique » qui a pour inconvénient majeur de rendre illisible la gestion des finances publiques.
La paix sociale n’a pas de prix
Le budget 2013 avait tenté, dans le prolongement des déclarations du ministre des finances qui prônait une « approche beaucoup plus prudente en matière de dépenses notamment celles de fonctionnement et surtout celles relatives aux salaires de la Fonction publique où nous avons atteint le plafond », de ramener les dépenses courantes à un “niveau plus acceptable” notamment grâce à la fin des opérations du versement des rappels sur les salaires de la Fonction publique. Le maintien de la paix sociale n’a cependant pas de prix, particulièrement dans cette période où le gouvernement est invité explicitement à « préparer les prochaines échéances politiques » . C’est ainsi que les dépenses de fonctionnement projetées pour 2014 s’affichent en hausse de 8,7 % par rapport à 2013 soit une croissance encore 2 à 3 fois supérieure à celle du PIB.
Le parlement est encore appelé à approuver pour l’année prochaine des dépenses de fonctionnement de plus de 62 milliards de dollars (environ 4700 milliards de dinars) qui prendront en charge notamment la création de plusieurs dizaines de milliers de nouveaux postes dans la Fonction publique (on parle de 10 000 policiers à recruter pour les régions du sud du pays) ainsi que des transferts sociaux réglés sur le mode du pilotage automatique en raison notamment du blocage des prix de nombreux produits et services soutenus par l’Etat.
Des dépenses d’équipement au cas par cas
La seule bonne nouvelle annoncée par le projet de loi de finances pour 2014 est constituée par une hausse importante des dépenses d’équipement (+15,6%). Elles bénéficieront en priorité aux infrastructures économiques et administratives, à l’éducation et la formation, aux infrastructures socio-culturelles et à l’agriculture et l’hydraulique. Avec un budget de près de 130 milliards de dinars, le soutien à l’accès à l’habitat occupe également une place croissante. Ce type de dépenses, généralement bien considéré par les économistes, parce qu’elles constituent un usage de la rente pétrolière réputé favorable au développement économique, ne représentera néanmoins, avec une dotation de 2.940 mds de DA, qu’un gros tiers des dépenses totales de l’Etat en 2014. On peut noter que malgré leur augmentation sensible, elles ne devraient pas échapper à des arbitrages sévères. L’exposé des motifs du projet de loi prévoit en effet : « une restructuration du financement des projets en fonction de leur maturation et des capacités financières disponibles ». Ce qui signifie en clair que les projets en cours, dont le stock est considérable, continueront d’être financés alors que les financements de nouveaux projets seront étudiés au « cas par cas ».
Hassan Haddouche
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