Balcon sur la Méditerranée, ville de soleil irisée de couleurs et de lumières, Alger, l’Ile aux mouettes, fut jadis Blanche. Aujourd’hui, c’est une cité grabataire et asthmatique. L’air y est saturé d’ozone et les espaces verts et de convivialité lui font cruellement défaut. Sous la Régence ottomane et bien après, jusqu’aux premières années de l’Indépendance, Djazaïr Béni Mezghenna fut l’harmonieuse union de la verdure et de l’eau.
Parcs, jardins, bois, squares, aqueducs et fontaines lui ont alors fait mériter son autre nom d’Alger la ravissante. Ce qui fut, hier, charme, calme et volupté, est désormais stress, ennui et angoisse dans une agglomération casanière où l’Algérois vit en réclusion. Il est donc heureux de constater que, grâce à la coopération décentralisée avec la Mairie de Paris, le jardin d’Essais, parure verte et diaphragme respiratoire d’Alger, a été réhabilité après des années de déchéance et de décrépitude. C’est là le résultat d’une volonté politique, celle du président de la République qui avait sollicité l’actuel maire de Paris pour rendre à cet endroit son lustre d’antan et sa vocation originelle d’espace public ludique et espace de recherche scientifique. C’est désormais fait.
Cet écrin vert, joyau écologique et haut lieu de l’exotisme floral, qui a inspiré le compositeur Camille Saint-Saëns et le peintre Pierre Auguste Renoir, est désormais restitué aux Algérois. Surtout aux puristes nostalgiques de cet endroit de rêve où tout est ordonné sans être uniforme. S’il est le premier poumon d’Alger, ce jardin d’acclimatation, créé en 1832 dans un but scientifique et expérimental, situé entre le Hamma au nord et descendant jusqu’au battant des lames méditerranéennes, est un mirage d’Orient où s’entrelacent voutes végétales et cathédrales de verdure, où les bassins débordent de papyrus, de nénuphars et de lotus. Mais il n’est pas la seule greffe écologique d’Alger. Alger, El Mahroussa, la bien-gardée, est une ville où il y avait 24 squares, 7 jardins, 2 grandes pépinières et 2 bois. C’était aussi la cité des aqueducs et des fontaines à profusion que les assoiffés appelaient «sebbalat». Et il n’y en avait pas que dans la seule Casbah. Alger, c’était donc la rencontre du soleil, de la mer, de la verdure et de l’eau potable. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Alger, c’est des noms et des lieux comme aurait dit le regretté Mustapha Lacheraf. C’est l’aqueduc d’Aïn Zebboudja, Aïn El M’zoueqa, les squares de la Consolation et Laferrière. C’est les pépinières des boulevards Bru et des Flandres et les Bois de Boulogne et des Arcades qui surplombent la splendide baie de la ville. Alger, c’est aussi les jardins Marengo, auxquels un saint algérois a prêté son nom. C’est également la ville de l’œcuménisme et de la tolérance religieuse : 19 grandes mosquées, 32 chapelles et 10 synagogues, ces deux dernières le plus souvent transformées en lieux de prière musulmans. Comme quoi, l’eau et les essences florales pouvaient être eau et pain bénis pour la ferveur religieuse sous le soleil de Dieu. Le jardin d’Essais, ainsi réhabilité et restitué aux Algérois, livrés à la voiture pollueuse et au stress d’une vie quotidienne sans repères culturels et sans espoir de lendemains économiques qui chantent et pourraient désormais respirer un bon petit bol d’air.
En plus du jardin d’Essais, les Algérois, qui ont désespéré du Parc zoologique de Ben Aknoun, détourné le plus souvent de sa vocation originelle, attendent beaucoup du parc Dounia, à l’est d’Alger. Rêve algérien en voie de réalisation grâce à des capitaux émiratis. Un songe grandeur nature où se mêlent parc Disney, rêve floral, respiration écologique et exultation conviviale.