Premier jour de week-end. Un vendredi. Alger se réveille. Les rues sont encore désertes. Le plus gros de la concentration humaine est perceptible du côté des souks hebdomadaires. C’est l’affairement pour être prêt pour la prière hebdomadaire.
Alger ville fantôme en cette matinée du 14 août 2015. Les Algérois semblent encore s’attarder au lit. Ce n’est que vers les 10h que quelques citoyens commencent à sortir de chez eux. La plupart pour se rendre au marché hebdomadaire. Comme chaque vendredi matin, la grasse matinée est vite suivie d’une course vers les étals de souks populaires. “Faites l’affaire, Madame, nous vidons nos étals, c’est bientôt l’appel à la prière”, clament des vendeurs à la sauvette. Entre le souci d’approvisionner la table du déjeuner familial et l’urgence de voir les hommes répondre à l’appel du muezzin, une dame stresse : “Mon fils, c’est moi qu’il faut servir en premier. J’ai de la cuisine à faire et des gens à nourrir… avant qu’il ne soit trop tard pour la prière”. Le vendeur s’exécute. Ce n’est pourtant pas le tour de la dame.
C’est au nom de ces hommes qui doivent bien vider leurs assiettes avant de répondre à l’appel. Le devoir divin avant tout, mais faut-il encore mettre quelque chose sous la dent pour bien formuler ses prières. Il est 11h. Le marché de Belcourt se vide de ses clients tout comme les grandes artères de l’Algérois n’ont pas encore connu une grande fréquentation citoyenne. Les quelques automobilistes de passage se montrent d’urgence particulière. Eux aussi, ils veulent rejoindre, avant midi, le domicile familial. Mais il y a toujours quelque chose qui manque pour préparer la table. Il reste encore difficile de trouver un commerce ouvert. “Regardez-moi cette ville. Elle est indigne de statut de capitale. Pas même un commerce pour s’approvisionner en pain”, s’insurge un citoyen, lui-même pressé de rentrer chez-lui, se nourrir, mettre sa gandoura et se diriger en fidèle à la mosquée du quartier. C’est que le patron de la boulangerie, sise boulevard du Télemly, a baissé le rideau plus tôt que prévu pour la même raison qui presse le client mécontent ! Répondre à l’appel du muezzin. Peut-être pas même ; pendant que les gens du quartier s’affairent à aller prier, il serait mal vu de prétendre gagner sa vie. C’est le dû qui mène en enfer. La mission de service public est un blasphème. Il est 13h, et le repeuplement des souks hebdomadaires se fait de chats et de chiens errants. C’est le cas à Bab El-Oued.
Les déchets de commerce informel plongent le quartier dans un décor de dépotoir à ciel ouvert. Saletés et puanteurs polluent l’atmosphère. Et pourtant, Alger retrouve sa foule, des files de citoyens qui se dirigent à la prière la plus sacrée de la semaine. Des ruelles, des quartiers et même des boulevards carrément coupés à la circulation. Entre stationnement anarchique, et des salles de prière débordant sur les rues, des fidèles prient sur la voie publique. Il faut attendre 14h, pour espérer le passage. À Kouba, la séance de prière est levée. Il faut encore patienter le temps des salamalecs. C’est que les bavardages d’après-prière peuvent durer aussi longtemps que le jour du jugement dernier. Un automobiliste ose klaxonner. “Tu ne vois pas que nous sortons de la prière…”, le rappelle à l’ordre un fidèle. L’automobiliste, visiblement intimidé prend son mal en patience. C’est ainsi à Alger… le temps de la prière !

M.M