Alger s’agite pour protéger « Nezzar et comparses »

Alger s’agite pour protéger « Nezzar et comparses »

Le rejet de l’immunité du général à la retraite et ancien ministre de la défense, Khaled Nezzar, par la justice suisse, prend désormais une tournure algérienne. Les autorités algérienne, qui ont gardé le silence jusque là, commencent à sortir petit à petit de leur léthargie.

Alors qu’il n’y avait eu aucune réaction, suite à l’arrestation de Khaled Nezzar à Genève le 20 octobre 2011, ni après la décision de la justice suisse de rejeter son immunité le 28 juillet dernier, le régime algérien cherche à créer un mouvement de solidarité autour de l’ancien ministre de la défense. Comment ? En activant ses relais dans la société.

Des partis politique comme le MPA de Amara Benyounes, proche de Khaled Nezzar, ou le FLN, des organisations satellitaires comme la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l’Homme (CNCPPDH) présidée par Farouk Ksentini et même le secrétaire générale de l’UGTA, le syndicat du pouvoir, se sont exprimés dans les médias pour se solidariser avec Khaled Nezzar.

Mais toujours pas de réaction officielle.

Khaled Nezzar, l’opposant

Il aura fallu que Khaled Nezzar monte au créneau pour que les choses bougent. En effet, profitant d’une interview fleuve (huit émissions d’une heure) sur une des deux chaines de télévisions privées pilotées par le DRS (Ennahar TV), l’ancien ministre de la défense a lancé des menaces à peine voilées. Que dit-il ?

Khaled Nezzar commence par y expliquer qu’il n’avait aucune autorité sur le DRS, et que ce service ne dépendait pas de lui, même s’il s’agit d’une direction au sein du ministère de la défense. Une manière comme une autre de signifier qu’il n’est pas responsable des agissements et des dépassements qu’auraient pu commettre le DRS.

Allant plus loin, adoptant quelques fois le discours des opposants radicaux au régime algérien, l’ex-ministre dénonce l’omniprésence du DRS dans les institutions de l’Etat.

Dans la seconde partie de l’émission, Khaled Nezzar critique « son ami » sans le citer, il s’agit probablement du général Mohamed Médiène, dit Toufik, estimant que la présence des officiers dans les administrations n’était pas une bonne chose. Puis une seconde fois, dans la quatrième partie de son entretien, il revient encore sur le sujet et déclare que cette ingérence des officiers de renseignements dans les institutions civiles de l’Etat posait un véritable problème pour le pays

Personnage atypique de l’armée algérienne, Khaled Nezzar, est le plus bavard de la « grande muette ». Politiquement, il est souvent qualifié de « girouette ». En 1994, ministre de la défense et homme fort du pays, il fait appel, sous les conseils de Larbi Belkheir, à Abdelaziz Bouteflika, qui déclinera l’offre à la dernière minute. En 1999, alors qu’il est à la retraite, il s’opposera publiquement au même Bouteflika, coopté à nouveau par les généraux avant de se rétracter et de déclarer que « c’est le moins mauvais ». Il en fera de même en 2003, en s’opposant au 2ème mandat de Bouteflika, avant de se rétracter une énième fois début 2004.

Les intérêts économiques suisse menacés

Depuis cette émission, les choses semblent bouger plus rapidement. Le quotidien arabophone « Elkhabar » du 10 août annonce de sources sures que les autorités algériennes ont installé une cellule de suivi de « l’affaire Nezzar » au niveau du ministère des Affaires étrangères et qu’une réaction algérienne officielle se préparait avec la possibilités de convoquer l’ambassadeur suisse à Alger. El Khabar annonce également que des contrats commerciaux avec la Suisse pourraient être réétudiés. La source citée par le quotidien disant examiner le dossier pour savoir si le rejet de l’immunité de Khaled Nezzar pouvait être considérée comme une ingérence politique suisse dans les affaires intérieures de l’Algérie. Là encore, la menace est à peine voilée. Le régime algérien utilise la seule arme à sa disposition, à savoir les échanges économiques.

16 autres dossiers sont en cours

Cette activation des relais dans la société civile ainsi que la mise en place d’une cellule au sein du ministère algérien des affaires étrangères, indiquent clairement que le message a été reçu. Il ne s’agit pas de sauver le « soldat Nezzar » mais de protéger les autres, tous les autres. D’abord parce que le rejet de l’immunité fait jurisprudence et concerne donc tous les dirigeants algériens impliqués. Ensuite, parce que le président de l’ONG suisse TRIAL, qui a aider à introduire la plainte, a annoncé publiquement que 16 autres dossiers étaient en cours d’élaboration contre des dirigeants algériens.

Si les autorités algériennes se sont abstenues de réagir jusqu’à présent, c’est parce d’une part, certains ne voyaient pas d’inconvénients à ce que khaled Nezzar paye pour tout le monde et d’autre part, parce qu’elles connaissent, par avance, la réponse des autorités suisses : En Suisse, la justice est indépendante et elle n’obéit pas aux injonctions des politiques et cela n’influera, de toutes façons, en rien sur le cours de la justice suisse.

Avec le rejet de l’immunité par la justice suisse et les « menaces » du « bavard », l’affaire Nezzar, change de dimension.

KalimaDZ