Les autorités algériennes pensaient-elles réellement que leur protestation allait avoir un impact sur la manière de traiter du cas Algérie par les journaux de l’Hexagone ?
Les graves révélations publiées par le journal Le Monde dans le cadre de l’enquête sur ce qui est désormais convenu d’appeler les Panama Papers ont fait sortir de leurs gonds les autorités algériennes dans une réaction démesurément désordonnée, alors que l’on attendait d’elles de faire toute la lumière sur les fonds incriminés dans cette affaire et appartenant au ministre de l’Industrie, Abdeslam Bouchouareb.
Après le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, qui avait convoqué mercredi dernier l’ambassadeur de France à Alger pour lui faire part du mécontentement du gouvernement algérien par rapport à ce que ce dernier qualifie, sans aucun doute, à tort, de campagne de dénigrement de l’Algérie, c’est le ministre de l’Intérieur qui s’est mêlé de la polémique. Pour Nouredine Bedoui, toute atteinte aux institutions constitutionnelles et à leurs symboles constitue “une ligne rouge à ne pas franchir”, dans une allusion aux écrits journalistiques parus récemment dans les quotidiens les plus en vue de l’Hexagone, Le Figaro et Le Monde, notamment. Pour beaucoup d’observateurs, la réaction d’Alger prête presque à sourire, voire paraît même ridicule. En effet, comment protester auprès des autorités d’un pays pour des écrits parus dans des journaux privés sur lesquels leur gouvernement n’a aucune emprise, pour la simple raison que l’on a à faire à une véritable démocratie, quoiqu’avec des imperfections.
Les autorités algériennes pensaient-elles réellement que leur protestation allait avoir un impact sur la manière de traiter du cas Algérie par les journaux de l’Hexagone ?
Lorsque le même gouvernement algérien est allé en 2012 payer rubis sur l’ongle avec l’argent du contribuable tout un dossier complaisant dans ce même journal qui provoque aujourd’hui sa colère, il faut dire qu’il y a de quoi sourire. Le pouvoir algérien pensait-il qu’en déboursant pour cette opération d’auto-promotion la bagatelle d’un million et demi d’euros, il allait s’assurer de manière éternelle une bienveillance, ou tout au moins une certaine indulgence, à son égard de la part de ce prestigieux journal ? En agissant ainsi, le gouvernement algérien avait traité directement avec les responsables du journal Le Monde et, à aucun moment, il n’avait sollicité les services de son homologue français pour ce faire.
Ce que l’on peut considérer comme tout à fait normal, le journal étant complètement indépendant de son gouvernement. Mais pourquoi donc, aujourd’hui, les révélations sur le scandale financier des Panama Papers amèneraient-elles les autorités algériennes à exprimer leur colère auprès du gouvernement français ? Ce quotidien avait pourtant apporté des précisions, tel que demandé par l’ambassadeur d’Algérie à Paris, quant à la publication, en illustration de l’enquête en question, de la photo du président Bouteflika, aux côtés d’autres chefs d’État dont des noms de concitoyens respectifs sont cités dans cette affaire.
Mais aucun de ces pays n’est allé aussi loin que l’Algérie dans ses protestations. Peut-être savent-ils tous qu’on ne peut dicter à un journal une conduite ou une manière de traiter un sujet, a fortiori lorsqu’on est dans un pays aux traditions démocratiques.
Le gouvernement algérien, lui, l’a fait et de quelle manière ! Cette situation a d’ailleurs rapidement impacté la lune de miel que connaissaient, jusque-là, les relations algéro-françaises depuis l’arrivée de François Hollande au pouvoir. La question reste en effet posée sur les raisons de cet accès de colère d’Alger à l’égard de son allié français.
D’aucuns penseraient à une diversion destinée à orienter l’opinion publique vers des polémiques stériles, mais à forte charge émotionnelle comme celle qui sert à pointer du doigt le passé colonial de la France.
Tout cela pour faire oublier, un tant soit peu, ces révélations venues d’ailleurs sur les comptes détenus par certains de nos gouvernants dans les paradis fiscaux. Une pantalonnade, certes, vite débusquée sur les réseaux sociaux qui constituent un indicateur intéressant quant aux réactions des Algériens par rapport à ce qui se passe dans leur pays.