Alger-Paris : le pari de l’avenir?

Alger-Paris : le pari de l’avenir?

Relancée par la visite de François Hollande en 2012, les relations entre l’Algérie et la France qui ont pâti durant le règne de Sarkozy et Jacques Chirac semblent appelées à se renforcer davantage avec l’arrivée à l’Elysée d’Emanuel Macron.

Non seulement, le jeune président français n’a pas caché son souhait de voir les deux pays, qui ont une grande histoire en partage, se tourner résolument vers l’avenir, mais son déplacement à Alger, la veille des élections, et ses déclarations selon lesquelles le « colonialisme est un crime contre l’humanité » lui ont très vite fait gagné de la sympathie chez les algériens, mais aussi chez nombre de nos concitoyens établis à l’étranger, y compris dans l’Hexagone. « En France, on a surtout relevé la réaction hostile de certains cercles de pied-noir. Mais on a oublié de dire qu’un pan important des enfants d’immigrés a accueilli favorablement ces propos. Emmanuel Macron a marqué des points en voulant débarrasser la France de ses fantômes coloniaux.

Il faut savoir que la question coloniale reste un marqueur d’identité très puissant chez les descendants des immigrations postcoloniales », a souligné, à juste titre, il y a quelques jours dans les colonnes de Libération, l’historien, Benjamin Stora. D’ailleurs, Alger n’a pas mis longtemps pour réagir à l’élection de Macron. Alors que Lamamra l’a qualifié « d’ami de l’Algérie », le président de la république le voit comme l’homme « capable » de réaliser la réconciliation entre les deux pays, notamment après les déclarations courageuses, tenues à Alger, sur le colonialisme.

«Cette attitude pionnière de votre part vous place, naturellement et légitimement, dans la position-clé de protagoniste, convaincu et convainquant, du parachèvement d’une réconciliation authentique entre nos deux pays », a écrit le chef de l’Etat dans son message. «Votre élection bien méritée (…) récompense, à bon droit, la force de votre volonté, la lucidité de votre vision et la rectitude de vos engagements », avait déclaré Bouteflika pour qui «le peuple français qui a su choisir en vous l’homme d’Etat (…) capable de présider à ses destinées dans cette conjoncture difficile (…), a, ce faisant, fort opportunément distingué un ami de l’Algérie ».

«Les anticipations et initiatives du nouveau chef d’Etat français ont fait l’ample démonstration de (sa) claire détermination à travailler avec nous à compenser les occasions manquées dans les relations algéro-françaises », a ajouté le chef de l’Etat. De là à dire que le renforcement des relations s’annonce sous de meilleurs auspices, il n y a qu’un pas que les optimistes n’hésitent pas à franchir.

Et d’ores et déjà des voix appellent de leurs vœux à faire le pari de l’avenir et à passer à une meilleure étape. «Nous constatons qu’entre la France et l’Algérie se développent des discours généraux, voire creux. Il faut maintenant passer à une étape supérieure, à une période de projets concrets », a affirmé mardi soir Xavier Driencourt, l’ambassadeur français, qui rejoindra bientôt l’Algérie, lors d’une rencontre à Paris organisée par des associations algéro-françaises.

«Avec le nouveau président français, Emmanuel Macron, et son Premier ministre, Edouard Philippe, nous allons vivre une période passionnante et exceptionnelle », a-t-il prédit. Non sans «insister sur le fait qu’il faudra, entre les deux pays, faire avancer des projets concrets et précis, après les avoir identifiés et définis, suggérant de construire ce partenariat dans un cadre plus large qui engloberait les trois pays du Maghreb (Algérie, Tunisie, Maroc) avec les trois autres pays du Nord (France, Italie et Espagne).

Aussi, dans ce contexte, il faut rappeler les annonces faites par Abdelmalek Sellal récemment lors de la visite de Cazeneuve et selon lesquelles toutes les entraves ont été levées, notamment pour le projet Peugeot ou encore le conflit entre Sonatrach et Total. Même le jeune Président avait annoncé son souhait de nouer des liens solides avec l’Algérie, pays selon lui qui partage les mêmes défis que la France.

«En choisissant de venir en Algérie durant la campagne présidentielle française, mon ambition est de souligner l’importance de votre pays et de réaffirmer la force des liens qui nous unissent. Ces liens se sont noués à travers l’histoire, dans les heures heureuses comme dans les épreuves. Ils se tissent aujourd’hui au quotidien grâce aux millions de familles qui partagent une communauté de destin entre les deux rives de notre Méditerranée. Les Franco-Algériens, et tous ceux qui ont des racines partagées entre l’Algérie et la France, sont un atout et une chance pour notre relation. Au-delà de ces femmes et de ces hommes, ce sont nos deux peuples, je le crois, qui ont vocation à écrire ensemble une nouvelle histoire. Nos deux pays sont en effet confrontés aux mêmes défis. Les défis sécuritaires, d’abord, avec la menace terroriste, l’instabilité régionale au Moyen-Orient, au Machrek et au Sahel.

Les défis économiques et sociaux ensuite, avec le besoin de mener des réformes pour retrouver les leviers d’une croissance plus juste et plus équitable, et le rééquilibrage de nos balances commerciales. Les défis écologiques également, pour faire face au dérèglement climatique et conduire ensemble une transition énergétique indispensable au 21ème siècle », avait indiqué Macron dans une Tribune publiée dans la presse. «Depuis des années, des femmes et des hommes d’Algérie et de France, de bonne foi et de bonne volonté, ont proposé de refonder nos relations à travers un partenariat stratégique. Les conditions néanmoins n’étaient pas réunies pour le faire. Les pages de notre histoire commune avaient été tournées trop vite, sans les lire.

Des querelles fratricides, des polémiques nationales, à Paris ou Alger, ont bousculé ces plans. Est-ce une raison pour abandonner cette idée ? Je ne le crois pas. Je pense que le moment est venu d’engager, aujourd’hui, notre histoire dans un nouveau pacte collectif. Mais je suis persuadé que ce partenariat ne peut fonctionner qu’à une condition : celle de reposer sur des solutions partagées, sur des coopérations de terrain, autour de projets concrets », a-t-il dit. Seule bémol, cependant, pour la nouvelle idylle entre Alger et Paris : la stratégie du nouveau locataire de l’Elysée vis-à-vis de la question sahraouie. Le recul, sous la pression marocaine, dans la nomination d’une candidate d’origine algérienne sur les listes pour les législatives n’est pas un bon signe. Loin s’en faut. Mais wait and see.