Alger ne dort pas : Où en est le projet ?

Alger ne dort pas : Où en est le projet ?

23661107n1459148844-1874940-5510764-rue-didouche-mourad-la-nuit-ex-rue-michelet-jpg.jpgPresqu’une année après le lancement du projet « Alger ne dort pas », la capitale somnole toujours. Elle n’est pas prête à renouer avec la vie nocturne. Même les budgets alloués pour assurer l’animation en nocturne et pour embellir les rues et les immeubles, n’ont pas suffi pour sortir Alger de sa torpeur.

Alger, la capitale algérienne, cette ville honorée par la Palme d’Or en 1956, au vu de son magnifique style urbanistique et architectural, et les beaux paysages qu’elle offrait alors, et qui lui valut d’être classée la seconde capitale de la Méditerranée après Barcelone. Qu’en est-il aujourd’hui pour qu’elle constitue l’exception, aussi bien en Méditerranée que dans le monde ?

Le promeneur de nuit dans les rues de la capitale, la Place Audin, la rue Larbi Ben M’Hidi, ou l’Esplanade de la Grande Poste constate que les magasins et les restaurants commencent à baisser rideau assez tôt. Souvent avant 20:00h, ces rues se préparent à la nuit, et se vident peu à peu ; malgré l’enthousiasme affiché l’année dernière face au projet  » Alger ne dort pas « , enthousiasme vite dissipé.

Bien des moyens, matériels et humains, ont été déployés afin de sortir la capitale de son hibernation, sauf qu’elle continue de se hâter d’aller dormir à peine le soleil au déclin. Alger ne peut-elle pas prendre exemple sur sa voisine toute proche Tunis ? Ou même le Caire ? « Alger vit la nuit » est un projet ambitieux concocté sur une initiative commune entre les autorités locales et l’Union des commerçants.

Il a pour finalité de dépoussiérer la capitale appelée à vaincre ses peurs et bousculer ses habitudes pour s’ouvrir, enfin, au charme de la vie nocturne, à l’instar des capitales du monde. Tout d’abord, on assiste aujourd’hui à une première du genre : les guichets de l’état civil de la commune d’Alger-Centre sont ouverts au public jusqu’à vingt-trois heures trente. Ensuite, il faut dire que grâce à une campagne de sensibilisation menée par l’Union générale des commerçants algériens l'(UGCA) de la wilaya d’Alger et les pouvoirs publics, quelques commerces tels que les salons de thé et les pizzerias, situés au centre de la capitale, ont accepté de rester ouverts jusqu’à une heure plus ou moins tardive de la nuit.

Même timide, cette ouverture mérite d’être encouragée. Cependant, il faut dire que l’animation de la capitale est un défi en soi. Car il s’agit d’un changement radical dans la vie des Algérois, voire un bouleversement total de leur mode de vie. Ce sera une nouvelle tradition dans la vie algéroise. En effet, en dehors du Ramadhan et quelques jours de l’été les rues de notre capitale n’ont jamais vécu la nuit. « Avant, on se réunissait dans la cage d’escalier des immeubles. Durant la période du terrorisme, on veillait sur les terrasses des immeubles. », témoigne un sexagénaire du centre d’Alger. Cela signifie que le passage d’un état de ville morte, dès la tombée de la nuit, à celui d’une ville qui vit la nuit, nécessite l’implication de tous. Sans aucune distinction.

Pour réussir une telle opération, le secteur public doit se mettre à l’avant-garde. Pour cela, il nous semblerait judicieux de commencer par mettre sur pied un comité de réflexion. Celui-ci aura pour mission de se pencher sur les mécanismes à mettre en place pour permettre à tout le monde de trouver son compte dans une capitale en pleine activité la nuit. A ce sujet, il y a aussi lieu de dire que d’un côté, pour activer la nuit, les commerçants réclament des mesures fiscales et parafiscales incitatives. Et que d’un autre côté le consommateur n’est absolument pas prêt à dépenser le double pour ses consommations nocturnes.

Dans cette vision, il faut également que les initiateurs du projet « Alger vit la nuit » sachent que l’Algérien adhère toujours à tout ce qui est positif. Une enquête que nous avons menée sur le terrain, nous a montré que des établissements publics comme l’Office National de la Culture et de l’Information (Onci) et Arts et culture, n’ont aucune activité au-delà de vingt heures depuis la fin du Ramadhan. Dans un tel cas, il est légitime que le citoyen se demande s’il est sollicité à travers ce qui est appelé animation nocturne de la capitale à débourser exclusivement pour une consommation qu’il prend dans une terrasse.

L’Algérois n’a-t-il pas besoin, par exemple, d’aller la nuit dans une bibliothèque pour se documenter, d’assister à une conférence-débat, débattre sur un film dans un ciné-club ? L’Algérois n’est-il pas dans le besoin de visiter un musée, de participer à une vie active nocturne ? Certes, une vie nocturne ne se décrète pas comme cela se fait pour l’instauration d’un couvre-feu, mais elle peut devenir une tradition si les efforts des uns et des autres se conjuguent.

Et puis il y a aussi l’aspect sécuritaire qu’il faut prendre en charge. Il ne faut pas oublier que l’Algérien, d’une façon générale, est poursuivi par la hantise de l’insécurité depuis la période de la décennie noire. Contrairement aux autres capitales du monde qui connaissent une grande animation la nuit, Alger est une ville morte à partir de 20 heures.

Au-delà de cette heure, on ne rencontre que des délinquants et des SDF, dès la tombée de la nuit, c’est la galère pour trouver un taxi. Les bus de l’Étusa sont aléatoires. L’autre risque, ce sont les agressions. En effet, l’insécurité règne dans certains quartiers de la capitale. Apparemment la capitale est une ville maudite, Alger la Blanche pourra-t-elle retrouver son éclat perdu la nuit ? Une chose est sûre, tout est possible, ce n’est qu’une question de mentalités.

Ouzzani S.