Le ministère des Affaires religieuses met en garde contre les fetwas émises par des imams et ulémas étrangers, notamment ceux des pays de l’Égypte et de l’Arabie Saoudite, estimant qu’elles induisent un danger pour l’intérêt du pays et son intégrité religieuse.
Le bureau des fetwas au ministère des Affaires religieuses et des Waqfs, par le biais de l’imam de la mosquée Al-Qods de Hydra, Djelloul Guessoum, a averti, hier, les Algériens contre toute propension à demander conseil sur le jeûne ou la religion auprès de muftis étrangers. Il a soutenu que les fetwas, obtenues par des voix professant la bonne parole de l’islam de l’extérieur du territoire de souveraineté nationale, «véhiculent des messages pouvant altérer l’intérêt suprême du pays et son intégrité religieuse». L’imam de la mosquée de Hydra a expliqué que «les Algériens qui se renseignent, notamment durant le mois de Ramadhan, auprès d’ulémas d’autres pays arabes comme l’Arabie Saoudite et l’Égypte ne tiennent pas compte du fait que la fetwa diffère selon l’espace, le temps et la personne qui la promulgue».
Il a tenu à préciser que ce n’est là qu’une recommandation, et non une interdiction formelle. De son avis, il est important de ne pas prendre pour vérité les conseils de jurisprudence et d’exégèse donnés par des étrangers sans prendre la peine de connaître leurs tendances politiques et leurs motivations. «Une fetwa promulguée dans un royaume n’est pas la même dans un État démocratique. Influencé par la pensée monarchique qui est loin de notre culture et pensée, ce mufti a le pouvoir d’endoctriner les gens et d’influer sur leurs opinions», a-t-il complété.
Le porte-parole du bureau des fetwas du ministère de tutelle ne fournit, néanmoins, aucune indication sur les raisons qui motivent cette mise en garde. D’autant que chaque année à la même période, les chaînes satellitaires de tous les pays arabes, et particulièrement ceux du Golfe, diffusent à profusion des émissions mettant en scène des «Cheikhs», répondant aux nombreuses sollicitations des musulmans sur les bonnes pratiques du jeûne. Sans jeu de mots, c’est le mois sacré des télécoranistes, les télémuftis et les téléulémas. Il est vrai que les réponses de ces religieux, dont l’apparence se décline sous deux formes (abaya saoudienne, la tête coiffé d’un keffieh et la barbe fournie ou costume en alpaga arborant une barbe bien taillée), sont souvent contradictoires, voire consternantes. En la matière, les exemples foisonnent. Cheikh ibn el-Otheymine (Arabie Saoudite) a décrété, il y a quelques années, que le jeûne de celui qui n’accomplit pas les cinq prières obligatoires ne sera pas accepté. Pour lui, «celui qui abandonne la prière est considéré comme un mécréant». Le grand ayatollah Assadolah Bayat Zanjani a émis, au cours de ce mois de Ramadhan 2013, que «ceux qui ne peuvent supporter la soif peuvent boire juste assez pour étancher leur soif et (…) le jeûne ne sera pas invalidé». Cette fetwa, aussitôt contredite par la tendance radicale, a provoqué une grosse polémique en Iran. Certains imams affirment que la femme, qui se soumet au devoir conjugal sous l’autorité de son mari, même durant la période de jeûne, n’a pas besoin de compenser la journée en question. Ces fetwas et contre-fetwas sont de nature à désarçonner les fidèles qui ne savent plus à quel prédicateur se vouer.
Comme pour mieux dissuader les Algériens de chercher un conseil religieux ailleurs que dans leurs pays, l’imam de la mosquée Al-Qods de Hydra a informé, par ailleurs, ses concitoyens, que le bureau des fetwas du ministère des Affaires religieuses et des biens Waqfs reçoit, chaque jour, des centaines de questions portant sur la religion.
Des réponses y sont apportées en fonction de la spécificité de la demande et de l’environnement de son auteur. «Le ministère travaille en matière de fetwa suivant une hiérarchie, en commençant par l’imam de la mosquée, puis la cellule communale et le conseil scientifique de wilaya avant d’arriver en dernier ressort au bureau des fetwas», a-t-il précisé.
S H