Entre amour profond de la ville et amertume face à la dureté d’y vivre, Samir Toumi évoque dans « Alger, le cri », son premier livre paru aux Editions Barzakh, les souvenirs et les errements existentiels d’un quarantenaire dans la capitale algérienne.
Ce récit autobiographique de 165 pages relate l’histoire d’un homme qui observe Alger d’une terrasse de café où arpente inlassablement ses rues, en étant tourmenté par des questionnements sur la vie et la mort, interprétés en lien avec la topographie particulière de la ville et avec des évènements « tragiques » de son histoire récente.
« De ma terrasse, je vois Alger comme mon reflet, complexe, impénétrable, moi éclaté, choc culturel, choc du relief. Alger est belle et nauséabonde, tout à la fois », écrit Samir Toumi, proposant ainsi, dès les premières pages, une identification entre l’homme et son lieu de naissance.
Structurant le récit, cette identification s’exprime à travers différentes comparaisons, comme celle que fait l’auteur entre l’angoisse de « s’effondrer » qui le guette, s’il n’écrit pas, et l’état de vétusté de certaines batisses algéroises.
Ce lien puissant à la ville sert également à justifier la narration aux nombreux détours qu’il propose, en écrivant comme il « traverse la ville, laborieusement, en montant et descendant ».
Quant au « cri », mot ressassé tout au long du récit, il fonde la démarche littéraire et existentielle de l’auteur qui consiste, résume-t-il, à « chercher » par l’écriture à reproduire le cri poussé à la naissance, métaphore de la volonté de vivre.
Pour lui, cette quête symbolique du « cri » revient également à exprimer une colère contenue qu’il croit lire dans « l’expression des visages » des algérois et entendre dans une ville bruyante où la « colère est partout ».
Composé de huit chapitres, « Alger, le cri », est un récit à la trame narrative dépouillée qui oscille, sans logique apparente, entre les promenades quotidiennes de l’auteur, ses pérégrinations entre Alger et Tunis, et des retours sur des lieux d’enfance.
Ces déplacements servent de prétexte pour évoquer des évènements tragiques qui se sont produits à Alger, comme l’attentat terroriste ayant ciblé le Palais du Gouvernement en 2007 que l’auteur se remémore en rendant hommage « au silence plein de dignité » des blessés et des passants ce jour-là.
Les voyages à Tunis permettent, quant à eux, de développer la relation d’amour/haine qu’il entretient avec Alger, une ville qu’il veut retrouver sitôt qu’il l’a quittée pour les vacances.
La Tunisie est également au centre de nombreux chapitres, écrits, selon l’auteur, au fur et à mesure des évènements qui ont conduit à la chute du président Ben Ali le 14 janvier 2011.
Samir Toumi y évoque, entre l’angoisse de ses amis tunisiens et ses propres craintes, « la colère qui monte au pays du jasmin », en comparaison avec les révoltes d’octobre 1988 à Alger.
Ces références au passé révèlent, en outre, une partie des interrogations existentielles de l’auteur, résumées dans la question « Suis-je un homme sans futur (…) condamné à me nourrir du passé ? ».
Avec un style entraînant et poétique, rythmé par une syntaxe nerveuse, Samir Toumi réussit le pari de construire un récit avec très peu d’éléments romanesques, tout en tenant captivé le lecteur uniquement par la force de son écriture.
« Alger, le cri » est, par ailleurs, illustré par de nombreuses photos prises par l’auteur dans différents endroits de la capitale et des reproductions de vieilles cartes postales