ALGER: Flambée des prix et consommateur impuissant

ALGER: Flambée des prix et consommateur impuissant

C’est ancré dans les esprits et dans les moeurs. Les fêtes religieuses sont devenues depuis un certain temps l’occasion des « bonnes affaires » de bon nombre de commerçants sans scrupule. En l’absence remarquée des services concernés par le contrôle et la régulation des marchés, les prix sont inabordables. De la pomme de terre cédée entre 60 et 80 DA le kilo! Jugez-en.

Les citoyens sont confrontés, encore une fois, à une situation des plus incommodantes. Aucun lieu de vente n’est épargné par cette hausse vertigineuse des prix. Même les vendeurs à la sauvette, censés être plus cléments vis-à-vis des clients afin d’écouler leur marchandise, ont suivi la vague. A peine une différence de cinq dinars peut être décelée au niveau de certains marchés sis dans des coins reculés des grandes agglomérations urbaines. Les citoyens sont ainsi contraints de céder aux exigences exorbitantes des vendeurs, qui tentent, de leur part, d’incomber la responsabilité au manque de l’off re ainsi qu’à l’existence de plusieurs intermédiaires intervenant avant que les produits arrivent à leur niveau. Il est vrai que l’approche des fêtes religieuses est souvent exploitée à outrance par ces commerçants, mais le marché des fruits, légumes et viandes n’a jamais connu de stabilité dans notre pays, en dépit des multiples mesures prises à cet effet par les pouvoirs publics.

« La hausse des prix en cette période précise ne peut guère être expliquée par la circonstance de l’Aïd El Adha, car les prix se sont envolés depuis plusieurs semaines déjà. Il est vrai que l’on ne trouve pas de grandes quantités exposées sur les étals, mais l’inefficacité des mécanismes de régulation et l’absence de contrôles réguliers ont permis aux commerçants d’agir comme bon leur semble !», déplorent plusieurs pères de famille croisés dans certains marchés d’Alger. La pomme de terre, qui était proposée entre 25 et 35 dinars le kilo, a atteint le double, les carottes se vendent à 80 DA, l’oignon à 45 DA, la courgette à 150 DA, la salade verte à 70 DA…et la liste des prix «choquants» est encore longue. De quoi donner le tournis aux citoyens à faibles ou moyens revenus. «La cherté est due au fait qu’on n’est pas en pleine saison de production», tentent d’expliquer, à l’unanimité, les commerçants. Un argument qui ne tient pas la route et est rejeté en bloc par les citoyens, qui accusent, plutôt, les pouvoirs publics d’«incapacité à mettre en place des mécanismes fi ables en vue de réguler le marché».

Il s’agit, surtout, de produits dont on ne peut se passer, d’où la révolte des pères de famille, qui se retrouvent à chaque fois confrontés à des situations similaires. « Si l’Etat a décidé de subventionner le lait, le sucre et l’huile, pourquoi nos hauts responsables n’ont-ils pas pensé à faire de même pour les légumes ? Faudrait-il encore qu’il y ait des manifestations pour que les pouvoirs publics daignent enfin intervenir ? », s’est interrogé Rabah, la cinquantaine, croisé au marché Clauzel, à Alger-Centre. Les marchés des fruits et légumes deviennent, ainsi, un cauchemar pour les pères de famille, surtout en cette période de rentrée scolaire et de fête religieuse de l’Aïd El Adha. Et comme ses prédécesseurs, le ministre de l’Agriculture, Abdelwahab Nouri, s’est contenté, lors d’un passage récent à la Radio nationale, d’incomber cette mercuriale aux «coûts élevés de la production» et «aux pertes subies par les agriculteurs». Un aveu d’impuissance ?

LE CONSOMMATEUR COMPLICE ?

Les commerçants ne s’inquiètent nullement lorsqu’ils procèdent à des augmentations sensibles des prix des fruits et des légumes, étant certains que les consommateurs achèteront ces produits. Surtout qu’il s’agit de produits dont personne ne peut se passer. Il est vrai que la cause des simples citoyens aux petites bourses n’est pas défendue par les autorités concernées, mais certains comportements de clients encouragent, il faut le dire, ce genre de spéculation. « Nous aussi, nous avons une grande responsabilité dans ce qui se passe. Si un nombre important de consommateurs boudait certains produits, comme la pomme de terre, les carottes ou les courgettes, pendant une ou deux semaines, ils ne vont certainement pas crever de faim.

Un tel geste aurait donné à réfléchir à ces vendeurs sans scrupules, qui profitent de la moindre opportunité pour augmenter les prix !», affirment des citoyens rencontrés au niveau de certains marchés de la capitale. L’idée effleure les esprits de beaucoup de citoyens, mais personne n’ose la concrétiser, en raison de l’absence de solidarité et d’entente entre les consommateurs. Même les associations de protection des consommateurs se contentent, le plus souvent, d’adresser des communiqués à la presse nationale pour « dénoncer » de telles situations. Si ces associations appelaient, par exemple, au boycott de certains produits en guise de protestation contre la flambée des prix, un grand nombre de consommateurs répondrait, sans nul doute, à l’appel. Dans la même optique, récemment, le porte-parole de l’UGCAA, Hadj Tahar Boulanouar, est allé jusqu’à imputer cette situation à l’absence d’une culture de consommation chez nous. «Les gens achètent trois à quatre fois plus que d’habitude, sans aucune raison. Parmi les conséquences dues à cette situation, une certaine tension sur les produits qui est forcément suivie d’une augmentation des prix», avait-il souligné à ce propos.

SYRPALAC : QUEL ORGANISME POUR QUELLE RÉGULATION ?

Mis en place en 2008 dans l’objectif de garantir une stabilité des prix, le système de régulation de la production agricole de large consommation (Syrpalac) a prouvé, pour la énième fois, son inefficacité. Ce mécanisme, annoncé en grande pompe par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, est vite rattrapé par la spéculation et l’anarchie qui se sont érigées en maîtres du marché, faisant fi de toutes les tentatives du gouvernement de mettre le citoyen à l’abri des effets néfastes de l’instabilité des prix. Ce système, basé essentiellement sur le stockage de grandes quantités de légumes, de viandes et de fruits dans un grand nombre de chambres froides acquises à cet effet, s’est avéré loin d’atteindre les objectifs escomptés, au grand dam des consommateurs, qui font souvent les frais des manoeuvres malveillantes des spéculateurs. Il s’avère aussi que même les quantités stockées dans les chambres froides deviennent, en l’espace de quelques mois, impropres à la consommation.

L’exemple de la pomme de terre est des plus édifiants. Le président du Conseil national interprofessionnel de la filière pomme de terre (CNIFPT), Bachir Seraoui, a indiqué récemment que « 30% des quantités stockées dépérissent en une courte période, d’où la cherté de ce produit sur le marché ». Les chambres froides sont, selon lui, «une alternative en période de pénurie, mais il faut savoir les gérer pour éviter d’éventuels gaspillages de ce produit». Et la principale défaillance du Syrpalac est mise à nu par les professionnels eux-mêmes ! Le stockage de ces produits alimentaires de large consommation «ne doit pas dépasser quinze jours», a-t-il encore expliqué, car la maintenir au niveau des frigos pour une longue période l’expose inévitablement à la « mort ». Il faut dire, par ailleurs, que les organes de contrôle des prix, relevant du ministère du Commerce, brillent souvent par leur absence en de pareilles circonstances. Un vendeur se retrouve, de ce fait, libre d’imposer le prix qui lui semble bon, étant assuré qu’il ne sera nullement inquiété.