Les points de divergences entre l’Algérie et la France sont nombreux, mais c’est la question malienne qui divise le plus les deux pays. Face à la volonté affichée du gouvernement français d’intervenir au Nord-Mali, l’Algérie a longtemps défendu le principe de non-ingérence.
La question malienne ne peut certainement pas passer inaperçue des entretiens entre le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika et son hôte du jour, François Hollande.
Le dossier malien va être un des sujets de discussion au cours de la visite de François Hollande en Algérie. Un sujet délicat, dit-on. Il n’est secret pour personne que les ardeurs de Paris de mener une guerre au nord du Mali sont toujours confrontées aux réserves ou opposition d’Alger. Les divergences entre Alger et Paris sont-elles de «façade» comme l’affirment certains ? Si pour la question de déloger les terroristes d’Aqmi, il n’y a plus de désaccord entre les deux pays.
Par contre, des divergences réelles existent sur le temps et les modalités de l’action militaire à mener et contre qui la mener. Dans ce sens Alger a toujours préconisé le dialogue entre gouvernement malien et le groupe touaregs de la région qui se démarquent complètement du terrorisme, le MNLA et le groupe Ansar Eddine, en l’occurrence. «Le terrorisme dans le nord du Mali est une menace globale qui n’a pas de nationalité, ni de région ou de religion d’appartenance. Il est normal que le Mali bénéficie de l’appui de la communauté internationale pour son éradication», a déclaré récemment, dans un entretien, le président de la République à l’agence française AFP.
Alger semble donc avoir changé son fusil d’épaule. Jusque-là opposées au principe même d’une intervention militaire au nord-Mali malgré un ballet diplomatique incessant des autorités américaines et françaises pour infléchir la position d’Alger, les autorités algériennes laissent désormais la porte ouverte à une intervention militaire au nord Mali. Un revirement de façade ? Pas si suûr.
«Nous avons nos propres principes fondamentaux dont la non-ingérence dans les affaires internes d’un autre pays». C’est ce que le Premier ministre Abdelmalek Sellal a indiqué avant-hier soir en réponse à une question de France 3 relative à la position algérienne sur la crise au Sahel. La vision de l’Algérie est d’essayer, par le dialogue, d’isoler le mouvement nationaliste des mouvements terroristes, de renforcer le pouvoir central au Mali, et de régler le problème humanitaire, a-t-il estimé. En visite à Alger le 16 juillet dernier, Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, a vainement tenté de convaincre les Algériens pour qu’ils s’impliquent dans une solution militaire à la crise malienne à laquelle Paris travaille depuis au moins l’élection de François Hollande. Dans cette épineuse affaire, Alger préconise un dialogue politique entre les autorités maliennes et les deux mouvements targuis, le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawed) et Ansar Eddine
avec pour objectif d’isoler les djihadistes d’Aqmi et du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest). Pour Alger, écarter Ansar Eddine de la négociation, comme le préconise Paris, ferait le jeu d’Aqmi qui n’aura aucun mal à rassembler sous une même bannière tous les groupes armés de la région. Les Algériens n’hésitent pas à évoquer devant leurs interlocuteurs africains le parallèle libyen où l’intervention de l’Otan s’est traduite par les conséquences que l’on sait.
Dans cette guerre non déclarée l’Algérie aura sans doute réussi à convaincre ses pays voisins de se rallier à une solution négociée de la crise. La Mauritanie, le Niger ont refusé de s’associer à une intervention militaire au Mali. Les Etats-Unis sse sont ralliés également à la position algérienne. L’ONU, qui étudiera ce 21 décembre la proposition de la Cédéao sur le déploiement d’une force militaire de 3 000 soldats au nord du Mali, s’est montrée également prudente.
Par Mehdi Ait Mouloud