Alger et Paris enterrent les questions qui fâchent

Alger et Paris enterrent les questions qui fâchent

Les relations algéro-françaises connaissent un réchauffement inédit, que la récente visite du ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé est venue confirmer. En effet, Alger et Paris affichent une volonté commune sans précédent de raffermir leurs relations bilatérales dans tous les domaines. C’est les messages qui se dégagent de la conférence de presse conjointe, animée jeudi dernier, à la résidence d’Etat El-Mithak (Alger), par Mourad Medelci et Alain Juppé.

Satisfaction, consultations positives, avancées considérables, convergences de vue, particulière embellie, confiance et amitié sont, entre autres, les termes utilisés par les deux conférenciers pour illustrer le rapprochement entre l’Algérie et la France, en dépit des questions qui fâchent.

Pour le ministre des AE algérien, Mourad Medelci, la visite de son homologue français a permis de « revisiter » certains accords opérationnels dans les domaines militaire, l’éducation et la coopération économique entre autres, « consolider » ce qui existe déjà et « préparer » des accords quinquennaux. Le chef de la diplomatie française, lui, a parlé de « particulière embellie entre la France et l’Algérie », à l’issue de ses entretiens avec le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, du ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel et de son homologue, Mourad Medelci. Répondant à une question sur le passé colonial qui mine les relations algéro-françaises, Alain Juppé, tout en appelant à « ne pas ressasser le passé et se tourner vers l’avenir », a considéré que les différends qui plombent les deux pays font le « charme » des relations algéro-françaises. Ce à quoi Mourad Medelci a répliqué que la relation devra être encore « plus forte » à la faveur d’une dynamique économique et politique exemplaire et d’une coopération prometteuse susceptible de propulser la relation algéro-française à un haut degré de partenariat.

Le difficile compromis sur la Libye

Bien que l’Algérie et la France s’accordent à favoriser une « solution politique » dans le conflit en Libye, les deux pays divergent quant à la reconnaissance du Conseil national de transition (CNT).

Si la France semble trancher définitivement en faveur du départ du dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, conformément à « la position de la communauté internationale, dont l’UE et le groupe de contact sur la Libye », l’Algérie elle, s’en remettra à la décision de « l’Union africaine et la Ligue arabe » qui n’ont pas encore statué sur la reconnaissance ou non du CNT. « Nous considérons que Kadhafi a perdu toute légitimité », a soutenu le chef de la diplomatie française, dans un soutien manifeste aux troupes rebelles libyennes. De son côté, Mourad Medelci, tout en affirmant que « la solution ne peut être que politique », a indiqué que la position de l’Algérie, loin de toutes « pressions » externes, est « collective », c’est-à-dire alignée sur celle de l’UA et de la Ligue arabe. En d’autres termes, la France et l’Algérie ne parviennent toujours pas à dégager une position commune quant au conflit libyen, les deux pays refusant de faire des concessions.

Sahara occidental : le clin d’œil de Paris

Paris affiche une volonté sans précédent sur la question du Sahara occidental qui mine les relations algéro-marocaines. Dans une déclaration qui s’apparente à une concession, le ministre des AE français a déclaré que la France « va apporter sa petite pierre à l’édifice » pour l’amélioration des relations entre ces deux grands pays maghrébins. « Notre position n’est pas unilatérale », a estimé Alain Juppé, répliquant à une question sur le poids de la France dans le conflit au Sahara occidental, affirmant de là même qu’ « elle n’est pas de nature à nuire aux relations algéro-marocaines », tout en se félicitant de la disponibilité de la partie algérienne à « instaurer un climat de confiance » entre les deux pays. D’ailleurs, ce dossier de grande importance, à l’instar des autres dossiers régionaux, la Libye et le Moyen-Orient ont fait l’objet d’entretiens « très approfondis » entre le président de la République, Abdelaziz Bouteflika et le chef de la diplomatie française.

Archives et nucléaire, le dénouement ?

La question de l’indemnisation des victimes algériennes des essais nucléaires français a été également évoquée par les ministres des AE algérien et français lors de la conférence de presse. Mourad Medelci a rappelé dans ce sens que la France avait adopté une loi pour indemniser les victimes de ces essais et parmi lesquelles il y a beaucoup d’Algériens.

Il a, dans ce contexte, fait savoir qu’un groupe de travail avait été installé pour préparer un projet de convention bilatérale concernant cette question. Alain Juppé a confirmé cette option, précisant que les deux pays œuvrent à trouver les solutions idoines à ces questions bilatérales. Au chapitre de la coopération scientifique et technologique, le chef de la diplomatie algérienne a souligné qu’un courant d’échange extrêmement important liait les universités algériennes et françaises, précisant que plus de 600 conventions de coopération avaient été signées entre les deux parties avec l’ambition d’aboutir au transfert technologique.

La France s’invite dans la lutte antiterroriste au Sahel

Paris a fait part de sa « volonté accrue » de soutenir les efforts de l’Algérie pour maintenir la paix et la sécurité dans la sous-région du Sahel. A ce titre, le ministre d’Etat français, ministre des Affaires étrangères et européenne, mais également maire de Bordeaux, a affiché la disponibilité de la France de prendre part à la réunion que compte organiser l’Algérie prochainement dans le cadre de la lutte antiterroriste dans le Sahel. « La France a de gros intérêts dans cette région, donc nous sommes concernés par la question, d’autant plus que nos ressortissants sont la cible prioritaire des groupes terroristes dans la région », a affirmé Alain Juppé, appelant à adopter un partenariat « plus serré » dans la lutte contre le terrorisme et la grande criminalité ainsi qu’à la contribution dans le développement de cette région. Il a même parlé d’un « Plan Sahel » pour protéger la région, en compagnie de l’Union européenne (UE), également concernée par les développements qui s’opèrent au Sahel. Mourad Medelci lui, a souligné que l’Algérie et la France étaient pour une coopération régionale bien assise pour faire face à la situation dans cette région.

Oran-Bordeaux : des projets communs à initier

Le ministre des AE français a effectué une visite dans la ville d’Oran, jeudi dernier, en sa qualité de maire de Bordeaux, pour s’enquérir de l’avancement des travaux dans le cadre du accord de jumelage qui lie les deux villes depuis 2003. Le maire de Bordeaux a annoncé également la venue à Oran, dans les semaines prochaines, du directeur du conservatoire de Bordeaux pour étudier avec les responsables concernés des projets communs à initier. Par ailleurs, Alain Juppé a préconisé un soutien à la vie associative locale, soulignant au passage les bonnes relations entretenues avec les associations oranaises « Bel-Horizon » et « Santé Sidi Houari », notamment pour les projets de valorisation du patrimoine. De son côté, le président de l’APC d’Oran, s’est félicité, pour sa part, des bonnes relations entre les deux villes, comme il a énuméré les grands projets initiés dans la capitale de l’ouest du pays et qui peuvent susciter un intérêt pour les partenaires bordelais.

Par : Mokrane Chebbine