Alger, entre la blancheur du linceul et la noirceur de l’égout

Alger, entre la blancheur du linceul et la noirceur de l’égout

La capitale donne l’image d’une femme qui a détruit sa santé et sa beauté dans une vie de débauche et profitant d’un trésor tombé du ciel, se livre à des chirurgiens voyous pour lifter son facies.

Démission des autorités et manque de civisme : nos rues ne sont plus que des poubelles

Auprès d’elle un Frankenstein passerait pour l’ange d’un Botticelli. Dès que nos pas perdent l’itinéraire du cortège officiel et officieux, on ne respire plus que les émanations de la poubelle qui à force de s’entasser a fini par donner sa couleur au sol aux murs et aux corps. L’odeur du pipi a remplacé celle du tendre jasmin et Al Assima qui a inspiré un Meskoud n’arrive même pas à charmer ses surmulots. Cette déchéance ne semble étonner personne, n’importe quel responsable niera toute responsabilité de l’an 0 de l’Indépendance à l’an 2012 et plus. Avec la « subtilité » de la langue de bois officielle, il jurera que tout ce qu’il fallait faire a été fait, des sacrifices inhumains, en vain, Allah ghaleb. A vous de saisir la vérité au vol plané : l’Algérois est sale de nature.

La femme au foyer sait que pour tenir propre sa maison, elle doit sacrifier de son temps et du salaire de son mari. On voit que ce boulot ingrat n’est pas fait pour des « Rois Fainéants ». Pourtant on se souvient de l’exploit des chargés mission-propre pour accueillir un président Chirac en grandes pompes. Et ce mystère des hauteurs de la Blanche quasi désertiques mais entretenues comme une relique sacrée. Et cette grotte d’Ali-Baba qu’est devenue l’APN, par malchance mal située, obligée de ferrer son trottoir marbré afin de rejeter ses « électeurs lépreux » sur la chaussée au risque de les ramasser sous les quatre roues et polluer la légendaire avenue. Pour ménager la sensibilité de nos députés, il faudra penser à les déposer en hélicoptère dans leur fauteuil. Là aussi, la réponse est sans appel : sécurité oblige. Pourtant ces « cités interdites » sont nées plusieurs décennies avant le terrorisme.

En réalité, elles ont toujours existé dans la République Démocratique et Populaire d’Al-Djazaîr. Dans son livre Au Pays de mes Racines, Marie Cardinal se pavanant dans les rues d’Alger à la fin des années 1970, va d’un étonnement à l’autre : « Les bureaucrates jouissent de privilèges formidables dans ce pays. On dirait que tout est fait pour eux… On ne peut plus aller sur la grande jetée du port d’Alger, le passage de l’Amirauté est fermé et gardé…On ne peut pas entrer à l’Université, il y a un double barrage à passer, je remarque partout beaucoup de grilles verrouillées, de portes cadenassées, de garde-fous, de rideaux de fer… » L’habitude et la peur aidant, l’anormal devient normal et rares sont les Algérois de plus de 50 ans qui partagent cet étonnement sur ces interdits ces bunkers, se posent la question du partage du gâteau et des miettes toujours empoisonnées. Et pour les 50 ans et moins, la question ne se pose même pas et pour cause…

L’architecte sociologue Djaffar Lesbet (1) affirme : « Chercheurs et praticiens reconnaissent qu’il est vain d’espérer garder les espaces urbains propres sans le concours actif des habitants. De même, ces derniers participent activement à remplir les espaces extérieurs de leurs déchets. Certains discours tendent de déresponsabiliser la population en répandant l’idée que seuls les espaces publics seraient sales et que les espaces privés (habitations) seraient d’une propreté exemplaire. Les espaces privés semblent plus propres par contraste, car il est difficile de croire que ceux qui jettent leurs ordures dans leur environnement extérieur immédiat puissent avoir un intérieur aseptisé. Il serait vain d’attendre une solution exclusivement institutionnelle. Eviter de salir, c’est déjà nettoyer. » Et le sociologue explique que le problème réside dans le manque de citadinité des Algérois dont plus d’un sur deux est d’origine paysanne. Donc c’est un exode rural massif et précipité qui est en cause or combien de villes dans le monde ont subi ce genre d’invasion ? La quasi-totalité.

L’industrialisation a aspiré pratiquement toute la force vitale des campagnes et s’est faite pardonnée en inventant les engins agricoles plus efficaces que moult bras. En plus, les villes occidentales ont eu à gérer l’exode rural des autres : les émigrés. Les statistiques affirment qu’un Français sur trois est d’origine étrangère avec plus de 130 nationalités, comment font les élus de l’Hexagone pour surmonter ce fatras et assurer la propreté de leur commune ? Pas sorcier : la République y veille de gré ou de force le citoyen s’y plie quelle que soit la couleur de sa peau sa culture sa religion. Tout est sous contrôle, le quartier, l’heure, le jour pour sortir la poubelle bien triée avec la couleur du sachet correspondant. On imagine l’armada d’experts fonctionnaires agents sur le qui-vive pour faire respecter cette « évacuation sanitaire » réglée comme une horloge suisse.

Pour combattre la pollution du plastique, on a interdit la gratuité des sachets, tout est fait à tous les échelons pour que tout soit propre partout et quiconque faillit, paie. Ici on s’en fout que vous soyez éduqué ou pas que vous croyez en Dieu ou en Satan que votre fille porte la mini ou la maxi jupe, l’important c’est d’avaler vos microbes ou de les déposer à l’adresse indiquée. On va même jusqu’à traquer les mégots sur le sable qui s’avèrent très dangereux pour la faune aquatique déjà bien menacée. A l’occasion des Jeux olympiques qu’elle a organisés, la Chine a interdit les crachats, coutume millénaire. Au Japon, c’est aux élèves de nettoyer leur classe. En Suisse, arrachez une fleur d’un jardin public et vous récoltez une amende illico presto. En Corée du Sud, où un président se suicide, un autre présente ses excuses pour suspicion d’entourage corrompu, on n’hésite pas à payer des délateurs pour sanctionner le fauteur là où il se cache. Au Canada quand la terre est polluée par la chimie on plante des fleurs artificielles pour se faire pardonner et en Hollande on fait reculer l’eau pour semer des vraies.

Pourquoi aller si loin chez ces « extraterrestres » juste à coté, chez nos frères Tunisiens dépourvus de rente mais qui savent ensorceler dans les palaces ou dans les casbahs avec un sable à la perfection synthétique autolavable à faire miroiter chaque grain au soleil. Soyons honnêtes, chez nous, on peut bronzer sans attraper la peste à condition de ne pas être radin et s’accommoder du périmètre d’une boîte à sardines. Un centimètre hors circuit et c’est le sauve-qui-peut. Il n’y a pas si longtemps, nos autorités faisaient des efforts surtout avant l’été et la venue des touristes blonds. Les Algériens étaient sommés de peindre leur façade, de veiller à dégager les balcons de leurs oripeaux, d’utiliser des poubelles homologuées etc. Maintenant la maison est hantée, aucun visiteur ne s’y risque à part quelques aventuriers dont le business se fait à la porte. Celle qui fut El Bahdja s’enfonce de jour en jour dans une atmosphère de suicide collectif à la mode des baleines sur un rivage de marée noire.

Pour construire un modeste tronçon de métro, il a fallu éventrer ses entrailles prendre en otage sa populace pendant des décennies et se retrouver empêtrée dans des chantiers comme si elle subissait d’incessants bombardements. Et on se pose la question comment une administration incapable de vider les poubelles, de construire des toilettes publiques, de réparer des ruelles, de libérer des trottoirs, de réparer des fissures, de badigeonner des murettes se lance dans des ouvrages abyssaux avec la construction de la plus grande mosquée du monde, rénover les chefs-d’œuvre anciens, lifter les impressionnants immeubles coloniaux et autres travaux d’Hercule. Nos responsables ne s’adonnent qu’aux extrêmes, le juste milieu qui fait l’équilibre ne les intéresse pas. On ne peut s’empêcher de penser au propriétaire qui ruse pour ne pas faire les travaux nécessaires afin de jeter à la rue l’encombrant locataire. Imaginons demain la Casbah vidée de sa faune et relookée, elle fera le bonheur de pas mal de flen-felten ou d’un centre d’affaires tape à l’œil à la nationalité indéterminée du genre chid-med-bye.

De jour en jour des immeubles rénovés changent d’ »activité » dans l’anonymat et la magouille. Pourtant comparée aux autres, l’Algérie est un pays dépeuplé, 4 fois plus grand que la France avec moitié moins de monde à quasi 100% « pedigree », 2,4 millions de km2 et les gens se bousculent partout où la nécessité l’exige : au marché, à la poste à la mairie à l’hôpital dans la rue dans le bus… A cet air vicié par la pénurie d’oxygène, il faut ajouter le sol « miné » et la démission totale des « élus » qui ne se réveillent que pour empêcher leurs « électeurs » de se réveiller. Une seule petite bombe artisanale et les victimes se comptent comme des mouches, pour le moment la pollution suffit à remplir les salles d’attente des hôpitaux qui eux-mêmes sont devenus des foyers de microbes et ont besoin de soins intensifs. Il faudra attendre que les malades mettent la main à la pâte et fassent le ménage vidangent les toilettes, aseptisent les salles d’opération avant d’avaler leurs médicaments avec l’emballage. Pas étonnant que la violence s’attaque maintenant aux blouses blanches puisque du bas, elle ne peut que monter, vérité de La Palisse. Avant l’homme, la femme, avant le médecin, l’enseignant et ainsi de suite. Le terrorisme a massacré à portée de main avant de cibler. Les psys connaissent bien ce phénomène. On ne peut que déplorer son aveuglement…

Alger n’est pas seule à souffrir de cette mélasse d’outre-tombe, il suffit de prendre le bus ou le train dans n’importe quelle direction sans se lever de son siège et voir la laideur s’étaler partout en décharges graviers, carcasses plastique et réapparition de marécages au grand bonheur des moustiques vampires que nos insecticides vitaminent au lieu de terrasser. Les traces du dernier séisme défigurent encore le paysage où les camions déversaient leur contenu n’importe où. Que dire de nos marchés où le commerçant paie sa place à la commune et le client paie ses impôts à l’Etat pour un minimum d’hygiène pour des fruits et des légumes dont la rareté n’arrête pas de faire exploser les prix. On peut multiplier les exemples et les questions à l’infini pour aboutir à l’unique réponse : le citoyen est responsable. Nos experts qui sont des salariés étatiques en sont convaincus. Certes le citoyen n’est pas parfait c’est un fait d’où la nécessité d’élire des Sages qui décrètent des lois pour le pouvoir-vivre ensemble.

Alors pourquoi on vote nous les Algériens si nos Sages ne font rien pour nous faciliter la vie rien pour qu’on puisse vivre comme les autres, au contraire, avec eux, notre survie tient du miracle notre survie est sérieusement menacée ? D’après les généticiens anthropologues et autres savants de notre anatomie, nous sommes tous des homos sapiens et les Algériens n’en font pas exception. Il est urgent que nos décideurs autoproclamés tiennent compte de ça à moins qu’ils arrivent à bousiller notre ADN. Leur mépris leur arrogance leur assurance leur indifférence tout dénonce qu’ils n’ont pas besoin de nous. On peut crever. Nous sommes les citoyens les moins utiles de la planète à l’ère où le pétrole se moule en lingots d’or.

Au lieu de se débarrasser de son chien en l’accusant de rage, il vaut mieux la lui inoculer et se tenir à bonne distance de ses morsures. La réputation de l’Algérien est assez bien chargée comme ça, lui ajouter le qualificatif sale pollueur est un moindre mal puisque coincé dans son trou à rat, il ne contamine que sa carcasse. La peste, le cholera et autres calamités qui fleurissent dans nos bennes à ordures ne frappent que la vermine. Ce n’est pas donné à tout le monde de naître au Japon et tirer profit de ses rejets en les transformant en carburant. Ce dernier, Dieu nous l’a donné gratis sans cassement de tête et nos dirigeants avec, propres et nets comme un dinar. Et dire que le pétrole qui fait leur bonheur n’est que du déchet accumulé pendant des siècles. En cet été où le jeûne et la canicule nous ont transformés en zombies, même le soleil si matinal si guilleret en cette période, peine durant des heures à se débarrasser de cet entêtant brouillard pollueur qui sape encore plus le moral…

Mimi Massiva