Face à la virulence de la campagne ininterrompue des officiels et des médias égyptiens
Le ton lénifiant, le profil bas, en porte-à-faux avec le sentiment national. Mourad Medelci, le ministre des Affaires étrangères, a plaidé hier, sans coup férir, « l’apaisement » dans les relations algéro-égyptiennes, en crise ouverte depuis le 14 novembre dernier.
Dans un entretien (téléphonique) accordé au quotidien arabe (londonien) Asharq Al Awsat, Medelci remet au goût du jour le mythe de la « fraternité » algéro-égyptienne, pourtant battue en brèche par la campagne de dénigrement et d’invectives ayant ciblé l’Algérie ces douze derniers jours.
Empreintes de volonté de (re)conciliation, les déclarations du ministre algérien sonnent creux dans le climat de « haine de l’Algérien » entretenu par les médias, les officiels et officieux égyptiens.
« Nous n’accordons absolument pas d’intérêt à ce qui ce dit ici et là, (…) car l’Algérie n’a que respect et considération pour l’Egypte, son gouvernement et son peuple », se confie le ministre à la journaliste d’Asharq Al Awsat, basée au Caire. A propos du « climat délétère » qui prévaut dans les deux pays depuis le match de barrage pour les éliminatoires de la Coupe du monde, le 18 novembre dernier, Mourad Medelci répond : « Nous ne sommes responsables que du climat qui prévaut dans notre pays, et nous sommes reconnaissants envers le ministère des Affaires étrangères égyptien qui a appelé à l’apaisement et nous accueillons favorablement les déclarations de Ahmed Aboul Gheit (ministre égyptien des Affaires étrangères) ».
Tronquée de quelques passages ou prêtant à confusion, cette dernière déclaration, rapportée par Asharq Al Awsat dans son édition électronique d’hier, a vite fait réagir l’agence de presse officielle, l’APS. De Londres, une dépêche de l’APS vient remettre les pendules à l’heure… algérienne.
« M. Medelci a exprimé, lit-on dans la dépêche, son souhait qu’il soit mis fin à la campagne contre l’Algérie et que (l’appel de) M. Ahmed Aboul Gheit (ministre égyptien des Affaires étrangères) soit entendu », en réponse à une question sur les propos du MAE égyptien au sujet « d’accalmie ». Pour rappel Aboul Gheit a affirmé dimanche passé, à la veille de son départ à Paris, que la volonté du « Caire va dans le sens de l’apaisement (…) du retour au calme ».
Le ministre égyptien des AE n’a pas omis dans ses déclarations d’agiter la question du « dédommagement » réclamé par le gouvernement égyptien suite aux saccages de sièges d’entreprises égyptiennes activant en Algérie. Là encore, la réplique de Mourad Medelci n’est pas exactement de la même teneur. La version rapportée par APS diffère de celle donnée par Asharq Al Awsat. Pour la gazette arabe, Mourad Medelci a expressément signifié que la question du « dédommagement » est traitée à un niveau différent. Le (cas) des entreprises (égyptiennes) possédant une assurance seront traitées dans ce cadre conformément aux lois en vigueur aussi bien en Algérie qu’en Egypte. L’APS rattrape au vol ce qui manifestement relève du domaine de la bourde monumentale, commise soit par le ministre algérien ou par le journal Asharq Al Awsat, quotidien dirigé par le prince saoudien Salman bin Abdul Aziz, demi-frère du roi.
Mourad Medelci a affirmé, selon l’APS, que « pour nous, il n’y a pas de confusion entre le niveau politique et celui de la gestion des entreprises qui, en Algérie comme en Egypte, ont pris leurs dispositions pour se prémunir contre les risques, à travers les assurances, etc. » Cet imbroglio, dont se seraient largement passés les compatriotes de M. Medelci, si celui-ci a daigné accorder un peu plus d’égard pour la presse de son pays, ne s’arrête pas là. Interrogé si l’Algérie envisage de présenter des excuses, M. Medelci a souligné : « Ce n’est ni sérieux ni raisonnable. » « A-t-on demandé des excuses après l’attaque du bus au Caire », s’est-il interrogé, selon l’APS. « C’est nous qui exigeons des excuses, rapporte Asharq Al Awsat. De toutes les façons, nous préférons parler d’apaisement et (de la volonté) de tourner la page dans le cadre des relations fraternelles entre les deux pays. »
A une question relative à une visite de M. Medelci en Egypte, le ministre a indiqué : « Bien sûr, si j’ai une réunion au Caire, de la même façon que les autres responsables algériens le feront », précise aussi la même dépêche. Sur la question de la médiation libyenne, et de la Ligue arabe, Medelci déclare à Asharq Al Awsat : « Nous louons ces initiatives. Néanmoins, les relations algéro-égyptiennes, (relations) fortes, n’éprouvent pas le besoin pour une médiation… (nul besoin de médiateurs) avec nos frères égyptiens, et nous valorisons tout ce qui va dans le sens d’un rapprochement entre les deux peuples. »
L’APS est plus circonspecte. « Pas de médiation, le contact n’a jamais été rompu avec nos frères égyptiens. » L’ambassadeur d’Egypte, rappelé pour consultation le 19 novembre dernier, n’a toujours pas repris ses fonctions à Alger. L’APS s’autorise même de rajouter des passages qui ne figurent pas dans l’article publié. Il en est ainsi de la question relative à la plainte déposée au niveau de l’Union arabe des avocats, le chef de la diplomatie algérienne a précisé que l’Algérie respecte cette institution, ajoutant que « nous sommes, par contre, atterrés après les déclarations de certains responsables qui parlent en son nom et de façon inacceptable ».
Par Mohand Aziri