Alger assommée et résignée

Alger assommée et résignée

Les résultats officiels de l’élection présidentielle reconduisant Abdelaziz Bouteflika au pouvoir avec plus de 80% des suffrages laissent une population sans voix et dans une grande incertitude.

Deux jours après le scrutin, Alger retrouvait samedi sa routine. Bien sûr, il y a ceux qui, comme Kamel (prénom d’emprunt), croisé dans le square Port-Saïd, s’indignent de la réélection d’Abdelaziz Bouteflika. « Quatre mandats, c’est inconcevable! », réagit le vieil homme en levant le nez de son journal, El Watan. Le principal quotidien francophone du pays qui n’a pas ménagé le président Bouteflika pendant toute la campagne rappelle son score « à la brejnévienne », tout en soulignant aussi l’ »abstention-sanction » qui a marqué le scrutin : seulement 51 % du corps électoral a voté, contre 74 % en 2009. Plus que la colère, c’est la résignation qui domine. Comme l’analyse également Le Quotidien d’Oran : avec cette victoire, « on perd la chance d’une belle transition et d’une rupture douce, on repousse l’avenir ».



Pour la première fois, Mustapha, un jeune Algérois, n’a pas voté. « Le président est malade, il n’est plus capable de discuter avec son peuple et les autres ne m’ont pas convaincu, explique-t-il, très inquiet de la corruption qui ronge le pays », et totalement indifférent au concert de Klaxon des partisans de Bouteflika, qui triomphaient vendredi sur la rue Didouche-Mourad, au cœur de la capitale. « Ce qui se passe en Algérie, je m’en fous. Il y a trop de problèmes qu’ils n’arrivent pas à résoudre. Moi, ce qui m’intéresse, c’est le sport, mes études, réussir ma vie », affirme aussi Rayan, un lycéen.

« Les gens sont surtout soulagés. La dernière semaine de campagne a été tendue, plusieurs médias ont agité le spectre d’affrontements de rue. Ça a généré un stress », note Lounès Guemache, fondateur de Tout sur l’Algérie, premier site Web d’information francophone. « On voulait un vendredi calme, on l’a eu », abonde Hamid, qui ne tarit pourtant pas de critiques sur le système et ne vote plus depuis belle lurette. « Ça s’est bien passé », estime pour sa part Mohamed Boukhalfa, jeune administrateur dans une société multinationale d’agroalimentaire et satisfait que « Bouteflika reste notre président ». Maintenant, juge-t-il, « il faut travailler sur l’emploi, et surtout le logement, les deux grands problèmes de l’Algérie. C’est très difficile à obtenir ».

« C’est le dégoût et la démission qui règnent »

Mais la formule revient, comme une rengaine : « Il n’y aura pas de changement », tranche ainsi Selma, 21 ans. Étudiante, elle prépare son dossier pour aller étudier en France. Comme beaucoup de jeunes, elle n’envisage pas son avenir en Algérie. « Si je trouve l’occasion, je pars travailler ailleurs et je ne reviens jamais », explique Assaad, qui a pourtant « tout ce qu’il faut ici, un travail, une voiture, de l’argent », mais a du mal à supporter « le système ».

« C’est le dégoût et la démission qui règnent », dit Brahim Sedrati, membre du staff d’Ali Benflis, le challenger de « Boutef ». Malgré son piètre score (12%), ce dernier a annoncé la formation d’un « cadre politique », pour tenter de rassembler et constituer une alternative.

« La logique voudrait qu’on aille vers une période de transition, ainsi que le réclament plusieurs personnalités et partis politiques, analyse Lounès Guemache. Mais je doute de la volonté du pouvoir. D’autant qu’il n’est soumis à aucune pression, ni populaire, ni internationale. »