Une vue d’un bloc du village
Une catastrophe humaine et une décadence sans précédent que de séparer des adolescents orphelins en quête constante d’affection.
Les malheurs arrivent en escadrille au village des orphelins à Draria. Un feu s’est déclaré dans un foyer de ce village il y a quelques jours. SOS village de Draria s’apprête à fermer ses portes aux orphelins qui s’y abritent, une décision qui tombe à la veille des examens décisifs de fin d’année. Un désastre ne vient jamais seul, cette rumeur qui courrait dans les couloirs des associations depuis maintenant une vingtaine de jours est aujourd’hui en train de devenir une amère réalité, deux nourrissons ont déjà été transférés vers une pouponnière le 12 avril.
La procédure de transfert des autres enfants du village est actuellement bloquée, en raison de leur scolarisation, arrivée à terme, ces enfants seront tous insérés dans d’autres centres d’accueil du pays. La situation est ambiguë. «Depuis la circulation de cette information, les enfants sont bouleversés. L’information a fini par entraîner la peur, l’angoisse et le stress au sein du village», indique une source proche du dossier en précisant que l’état psychologique des enfants est terrible.
Le dossier est sensible, notamment du fait que les décisions ont été prises sans aucun document officiel. «Pour l’instant, aucun document officiel n’a été destiné à la direction du village, des deux départements concernés par le sujet à savoir le ministère de la Justice et celui de la Solidarité nationale», estime encore une autre fois la même source sous le couvert de l’anonymat. «La convention signée en 2005 entre le Village SOS Draria et le ministère de la Solidarité nationale est toujours en vigueur». Selon une autre source, aucun mécanisme de prise en charge n’a été mis en place pour préparer les enfants psychologiquement à cette séparation brusque, qui risque d’engendrer de lourdes conséquences. «Les 182 enfants ont trouvé le sentiment d’appartenance et la sécurité dans ce village qui est pour eux leur seule et unique famille», ajoute la même source en expliquant que la plupart d’entre eux sont des enfants abandonnés, nés sous X, orphelins ou de mères célibataires. «Le village leur offre une dignité et une famille, il les prend en charge en les protégeant et en leur assurant une vie ordinaire».
Il faut savoir que SOS village Draria compte 182 enfants dont trois d’entre eux sont en classe terminale, sept autres passent le brevet d’enseignement moyen (BEM) et 12 autres passent les épreuves de l’examen de fin de cycle primaire. Par ailleurs, selon une source parlementaire, les responsables du village ont adressé une lettre urgente au Premier ministre Abdelmalek Sellal afin qu’il intervienne et leur trouve une solution. Contacté par nos soins, le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (Cncppdh), Farouk Ksentini condamne cet acte et indique qu’il est irresponsable de prendre une telle décision à la veille des examens. «Il est intolérable de prendre une telle décision à la veille des examens», souligne maître Ksentini en précisant que celle-ci perturbe et met en difficulté la symbiose et le bien-être des enfants déjà traumatisés et vulnérables.
De son côté, le président de l’Association nationale des parents d’élèves, Khaled Ahmed a dénoncé le fait de prendre ce genre de décision au cours de l’année scolaire, que les 182 enfants du village SOS sont tous scolarisés. «Ce sont toujours les enfants qui paient très cher la facture de l’échec des responsables concernés», regrette M.Khaled, qualifiant la situation de «très grave». «Ce qui ce passe est grave, aucune conscience à l’égard de ces enfants. Ce n’est pas le moment de prendre ce genre de décisions qui traumatisent les enfants faibles et inoffensifs à la veille des examens», avant de conclure par: «Le chef du gouvernement et le ministère de la Solidarité nationale devraient intervenir et prendre en charge ce dossier urgent». Dans le même sillage, contacté par nos soins, le ministère de la Justice et le ministère de la Solidarité nationale n’ont pas donné de réponse à nos questions, les préposés au téléphone se sont contentés de nous demander de rappeler ultérieurement. C’est donc une catastrophe humaine et une décadence sans précédent que de séparer des adolescents orphelins en quête constante d’affection et de les placer dans des centres loin de leur ville natale.