Aleksander « Sacha » Tabarchouk, physiologue russe a travaillé aux côtés des joueurs de l’équipe nationale algérienne de football durant les années 1980. Dans un entretien accordé samedi 19 novembre 2011 au journal DZfoot (que nous reproduisons avec leur aimable autorisation), Sacha Tabarchouk confirme avoir administré des pilules aux internationaux algériens, mais précise que celles-ci ne sont que des vitamines. Le physiologue russe, aujourd’hui âgé de 71 ans, admet également avoir utilisé des nutriments pour enfants importés des Pays-Bas avec l’assentiment des responsables de la fédération algérienne.
Le témoignage de ce médecin russe dont de nombreux acteurs de l’époque nie l’existence vient relancer la polémique sur le dopage supposé des internationaux de l’équipe algérienne de football.
Huit anciennes gloires qui ont participé aux mondiaux de 1982 et 1986 ont donné naissance à des enfants souffrants de déficiences mentales et physiques.
Ces pères de familles affirment aujourd’hui que les handicaps de leurs enfants seraient liés à des produits dopants qu’ils auraient ingurgités à leur insu.
Mohamed Kaci Said, ex-international, père d’une fille handicapée, a mentionné vendredi le nom de Sacha Tabarchouk.
Celui-ci s’explique aujourd’hui.
DZFoot : Vous avez travaillé à l’ISTS de 1983 à 1988 ?
Aleksander « Sacha » Tabarchouk: Oui, j’ai travaillé à l’ISTS avec le directeur général M. Belmokhtar puis avec M. Lalaoui jusqu’en 1988.
Comment vous êtes arrivé en Algérie ?
À cette époque là c’était comme ça, les spécialistes russes ont toujours travaillé en Algérie, en Tunisie, au Maroc etc…
C’est le comité olympique soviétique qui vous a envoyé ?
Oui, j’étais un spécialiste soviétique et j’ai travaillé à l’ISTS. Justement c’est moi qui ai fait la proposition au directeur général d’utiliser les scientifiques soviétiques dans le sport algérien. Je n’ai pas travaillé seulement avec les footballeurs, je me suis occupé aussi d’un champion d’Afrique de marché à pied et avec d’autres aussi.
Vous êtes occupé particulièrement de la carrière de Rabah Madjer.
Oui ! Je dois vous dire que c’est mon grand ami, il a fait appel à moi après avoir eu des problèmes de santé en 1986. Il ne jouait pas à Porto, il était tout le temps en équipe réserve et c’est moi qui me suis occupé de sa santé.
Comment vous l’avez aidé ?
Il a fallu lui donner des médicaments etc… Faire une réhabilitation et c’est à partir de là qu’il a commencé à jouer. Il a tellement bien joué que Paolo Futre a disparu ! Madjer était le meilleur toute l’année.
Une fois il est arrivé à Annaba, on allait jouer contre le Soudan pour les jeux olympiques, il a déclaré « je viens en tant que supporter, je ne peux pas jouer’ ». Il avait un problème au cœur, il restait sept jours avant le match et grâce à moi il a joué !
Vous avez aidé à la préparation de la Coupe du Monde 1986 ?
Oui, j’ai travaillé avec l’équipe pour la coupe du monde, mais pas beaucoup, parce que j’ai fait beaucoup de documentation, de recherche médicale, les tests pour les gens qui travaillent avec l’équipe. Je n’étais pas seul, il y avait d’autres spécialistes soviétiques qui ont travaillé aussi.
Est-ce que vous avez donné des pilules aux joueurs, des vitamines pour récupérer ?
Oui. J’ai fait tout ce qui était nécessaire !
8 joueurs de l’équipe d’Algérie de 1986 qui ont des problèmes, ils ont des enfants handicapés. Ils cherchent à connaitre d’où cela vient, ils se demandent si ce n’est pas les pilules que vous leur avez données. Est ce qu’il n’y a pas un problème de dopage ?
Non ! Quel dopage ? Il n’y avait que des vitamines. Que des vitamines et j’ai utilisé aussi des nutriments pour les enfants, c’est tout !
Est-ce qu’il y avait des pilules jaunes ?
À ce que je sache à cette époque-là il y’avait déjà Lakhdar Belloumi qui avait des problèmes graves avec ses enfants. Je ne suis pas au courant de quel problème exactement mais il y’en avait déjà.
Et les pilules ?
J’en ai donné pour les footballeurs ! C’était des pilules LVTO (?), c’était des vitamines françaises, il y’en avait beaucoup en Algérie, c’était des vitamines, c’est tout, dans le monde entier les sportifs utilisent les vitamines.
Vous n’avez pas eu des problèmes aves d’autres sportifs ?
Non, jamais !
Est-ce que vous vous rappeler de Kaci Saïd ?
Kaci-Saïd c’est mon ami, saluez-le.
Il a une fille âgée de 26 ans qui est handicapée, et Mohamed Chaïb, il a trois enfants handicapés.
C’est dommage…Je dois vous dire à propos de l’utilisation des vitamines, au début de notre travail, j’ai eu beaucoup de problèmes parce qu’ils n’ont pas voulu utiliser des vitamines mais après c’était différent.
Je dois vous dire que pour l’utilisation des vitamines il faut des périodes de repos, une semaine ou deux où il ne faut pas utiliser les vitamines. Là j’ai eu beaucoup de problèmes avec les joueurs parce qu’ils ont dit qu’il fallait qu’ils en aient chaque jour.
Vous pensez que si on utilise trop les vitamines ça peut être dangereux ?
Qu’est ce que ça veut dire trop ?
Si on ne respecte pas la période de repos.
Non, il y’a un dosage c’est tout, vous trouverez dans la littérature médicale, les doses qu’on utilise partout.
Si on en utilise trop, si on met une dose importante est-ce qu’il peut y avoir un problème ?
Jamais, je n’ai utilisé trop. Je les ai utilisés comme il faut. Pour un non-sportif par exemple il faut utiliser une tablette, non pardon, un comprimé mais pour un athlète il en faut deux, voire parfois trois, il faut multiplier parce qu’ils fournissent beaucoup d’efforts. C’est pour ça que l’on n’utilise pas les mêmes quantités que pour les autres.
La fédération était au courant de tout ça ?
Bien sûr ! Parce qu’ils ont payé, nous avons acheté. C’est la fédération qui a acheté tout ça pour les joueurs. En plus des vitamines, j’ai utilisé des nutriments pour enfants, des produits de Hollande, c’est pour les enfants, on les utilise pour les nouveaux nés, parce que ça contient beaucoup de nutri-éléments, des acides etc…
Vous avez travaillé avec M. Rabah Saâdane ?
Nous avons travaillé ensemble à l’ISTS.
Vous avez travaillé avec l’équipe d’Algérie avant 1986 ?
Avant 1986, je ne travaillais pas directement avec l’équipe. C’est le directeur général de l’ISTS M. Belmokhtar qui était membre de la fédération de football qui a proposé à moi et certains professeurs d’aider votre équipe. Nous avons préparé les documents de planification des entrainements, des services médicaux. C’est tout.
Après 1986 ?
Après 1986 j’ai reçu une proposition pour travailler avec l’équipe d’Algérie comme médecin. Juste après la coupe du monde j’ai commencé à travailler avec cette équipe avec M. Rogov, M. Cherradi et les autres.
Aleksander « Sacha » Tabarchouk
Aleksander « Sacha » Tabarchouk, âgé aujourd’hui de 71 ans, est originaire de la ville de Chelyabinsk dans le sud de l’Oural, tout comme Evgueni Rogov, entraineur de l’équipe d’Algérie en 1981-1982, 1986-1988.
Le Pr. Tabarchouk qui est diplômé de l’Académie de Sciences Médicales de sa ville natale en 1974 est un spécialiste de la médecine sportive. En Russie, il a occupé des postes de physiologue dans différents sports, notamment le Hockeysur glace dans sa ville, l’équipe de Russie junior de Handball et présidé la fédération régionale de Boxe.
Il continue à exercer son métier dans le Basketball, tout en enseignant à l’université.
Son plus haut fait de gloire en Russie est d’avoir gagné le prix de meilleur médecin du sport du pays en 1999, mais sa seule expérience au niveau international et au plus haut niveau sportif était en Algérie entre 1983 et 1988.
Il arrive en Algérie pour la première fois en 1983 comme coopérant détaché du comité olympique d’URSS. Il occupa le poste de médecin chef au département de sciences biomédicales à l’ISTS (Institut des Sciences et Technologies Sportives).
Tout en restant à l’STS, il affirme avoir travaillé comme consultant pour la préparation de l’équipe en vue de la Coupe du Monde 1986, menée par Rabah Saâdane, son collègue à l’ISTS.
Après le Mondial 1986, il intègre le staff technique de Rogov en tant que médecin jusqu’en 1988.
Photo Une : de droite à gauche, le joueur Djamel Amani, Aleksander « Sacha » Tabarchouk et l’entraineur Rogov