Alain Juppé, le chef de la diplomatie de Nicolas Sarkozy, a avancé, vendredi, deux idées qui devraient à son avis aider au retour à la paix et à la légalité constitutionnelle au Mali.
La première, militaire, consiste en une intervention des armées du Cedeao, organisation régionale composée des pays d’Afrique de l’Ouest, pour déloger la junte militaire qui a pris le pouvoir à Bamako, le 22 mars dernier. La seconde, politique, suggère l’ouverture de négociations avec le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) ouvrant la voie à la mise en place d’une autonomie administrative de cette région du Mali dont la rébellion targuie a proclamé l’indépendance unilatérale, la semaine écoulée.
L’impasse sur le pacte de Tam
Le Quai d’Orsay a délibérément ignoré le «Pacte de Tamanrasset» sur un Commandement opérationnel commun des états-majors (Cocem) des pays sahélo-sahariens (Algérie, Mali, Niger et Mauritanie), autrement plus efficaces dans l’action antiterroriste. Ce sont, en effet, ces pays de la ligne de front qui conduisent la guerre contre Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), poussant cette organisation terroriste vers ses retranchements dans la région de Kidal, très difficile d’accès,
perdant peu à peu l’initiative sur le terrain.
Acculés par la pression des forces armées algériennes et de ses alliés de la région, les groupes de Mokhtar Benmokhtar se limitaient alors à effectuer des opérations de prise d’otages sans jamais pouvoir prendre l’initiative des combats. La guerre de Libye, avec tout ce qu’elle a favorisé comme trafic d’armes, a permis à ces groupes de salafistes de se redéployer plus au nord encore avec l’enlèvement des trois membres des associations de soutien au Front Polisario à Tindouf et même planifier l’attentat-suicide de Tamanrasset.
Les «Accords d’Alger» ignorés
Il n’a nullement été question, également, du respect des «Accords d’Alger» dans les déclarations répétées du ministre français des Affaires étrangères et de son porte-parole, Bernard Valero, sur les chaînes de télévision contrôlées par l’Elysée. Ces accords ont été pourtant le résultat d’une longue et difficile médiation algérienne entre Bamako et la rébellion targuie, engagées au début des années 1990 par Ahmed Ouyahia, alors ambassadeur d’Algérie au Mali. La «Flamme de la paix» avait pu être allumée dans ce pays voisin de l’Algérie et les armes de la rébellion mises au bûcher.
L’Algérie a mis en garde (la France) contre une intervention militaire étrangère qui comporte tous les risques d’une déstabilisation durable du Mali et de tout le Sahel. C’est d’ailleurs à ce scénario que travaille Al Qaïda pour légitimer son combat pour la défense de la nouvelle «République islamique» des Azawad.
L’Etat targui indépendant
La «guerre sainte» d’Aqmi ferait affluer dans cette région tous les djihadistes de la planète et drainer les fonds de Qatar et de l’Arabie saoudite pour soutenir le coup de main de la France à la création du fameux Etat targui chevauchant sur plusieurs pays de la région (Algérie, Mali, Niger et Libye) tracé par le Plan Alain Peyrefitte au début des années 1960. Ce projet final sera présentée a
ux Nations unies par la France qui sait d’avance qu’une autonomie ne sera pas viable au Mali où s’affrontent trois forces en présence : les forces gouvernementales, le MNLA modéré et son aile radicale alliée à Aqmi. Les organisations civiles sont déjà mobilisées autant que les médias aux ordres pour soulever le problème de la guerre civile et ethnique qui s’annonce dans sa dimension humanitaire.
Que peut alors une intervention étrangère conduite par les seules armées des pays de l’Afrique de l’ouest et du Sahel lorsque celles-ci ne sont pas en mesure de contrôler leur propre territoire ? Le cas du Mali présente, malheureusement, l’illustre preuve de l’incompétence militaire du Cedeao. Les groupes terroristes et rebelles ont conquis une à une les villes de Tombouctou, de Kidal et
de Gao, sans la moindre résistance de l’armée gouvernementale. On voit mal alors quelle réplique les pays ouest-africains pourraient opposer à Aqmi, autrement mieux approvisionnée en matériel de guerre sophistiqué importé de Libye, sans le concours d’une puissance militaire de l’Otan. Pour déloger, en 2011, l’ex-président Laurent Gbagbo de son palais d’Abidjan, les forces ivoiriennes de Alassane Ouattara, président tournant du Cedeao, a dû compter sur le déterminant coup de main de l’armée française.
La seconde phase du plan français
Comment dès lors confier la difficile mission de normalisation de la situation au Mali à des armées aux moyens plus que limités et nullement rompues à la lutte contre la puissante organisation terroriste Al QaÏda ? L’intervention militaire du Cedeao au Mali, vue par la France, a, en fait, une portée géographique limitée. Cette mission consiste à apporter un soutien militaire au régime en place à Bamako.
C’est la première phase d’un scénario global à plus ou moins long terme imaginé par la France. L’ancien empire colonial de la région se chargera, par la suite, d’entrer en scène pour ‘raisons humanitaires’ à la tête d’une coalition internationale alliée contre les salafistes des Azwaf, alliés d’Aqmi. Nous sommes en plein dans le scénario libyen.
H. A.