Akli Amrouche, expert architecte urbaniste: “Nous manquons d’études urbanistiques sérieuses”

Akli Amrouche, expert architecte urbaniste: “Nous manquons d’études urbanistiques sérieuses”

L’occupation des zones inondables et la défaillance des systèmes d’évacuation des eaux pluviales ainsi que les travaux de VRD mal conçus augmentent les risques de catastrophes naturelles

“Il est, en effet, des villes qui ont atteint un seuil de saturation extrême et qui poursuivent encore leur extension par des excroissances construites souvent à la hâte, sans viabilité, qui enlaidissent l’environnement et le menacent à tout point de vue.” Le constat est établi par un rapport du Cnes datant déjà de 2003, qui poursuit : “Ce gigantisme quasi ingérable est le résultat d’une urbanisation rampante qui non satisfaite de grignoter les zones à hautes potentialités agricoles, comme celle de la Mitidja, est allée investir les jardins, les terrasses d’immeubles, les flancs des collines, s’est emparée des lits des oueds et s’est même installée sur des gazoducs.” Il semble clair que nous n’apprenons rien ou très peu des leçons qui nous sont, pourtant, inculquées à coup de pertes humaines et de dégâts matériels sans omettre l’impact social. “Ces inondations ne sont ni un problème d’architecture ou de construction. C’est un problème purement urbanistique et tant que nous n’avons pas compris ou assimilé cela, nous allons continuer et pour longtemps à se noyer dans un verre d’eau”, nous a déclaré Akli Amrouche, architecte urbaniste, qui n’a de cesse de dénoncer des situations déplorables dans le domaine.

Sollicité pour un avis d’expert sur le sujet, notre interlocuteur ne mâche pas ses mots : “L’urbanisation anarchique par l’occupation des zones inondables et la défaillance des systèmes d’évacuation des eaux pluviales, les travaux de VRD mal conçus accentuent l’impact des catastrophes naturelles.” Et de poursuivre : “De nombreuses mesures et autres initiatives ont été prises pour sécuriser Alger suite à l’épisode malheureux de Bab El-Oued  mais ce n’est pas toujours le cas pour ce qui est des périphéries et des villes à l’intérieur du pays et les exemples ne manquent pas.” Notre interlocuteur renvoie, alors, ces problèmes toujours non résolus de ces quartiers périphériques à plusieurs facteurs. Il cite, entre autres, l’absence d’analyse sur le tissu socioéconomique et démographique et l’absence de vision de long terme quant à leur devenir.

“On continue à construire dans l’urgence et produire des cités-dortoirs qui n’encouragent pas à vivre en société. Avec le temps ce type de construction, reproduit dans pratiquement toutes les formules proposées par l’État, ne seront pas sans répercussions sur la société notamment avec la rareté voire l’absence totale des espaces communs et de loisirs”. Akli Amrouche recommande pour la circonstance “d’agir en amont en  se donnant les moyens nécessaires pour des études sérieuses sur le plan urbanistique et de produire des plans d’exposition au risque”, et d’insister : “Les inondations sont très simples à déterminer pour peu que les instruments requis en la matière soient actionnés à travers, entre autres, des relevés topographiques précis via lesquels on procède à des simulations.” De ce fait, les pouvoirs publics peuvent aisément éviter ou atténuer le drame des inondations et autres crues même centenaires car les zones inondables sont facilement identifiables.

Nabila Saïdoun