La compagnie aérienne, Air Algérie, est entrée dans une zone de turbulences qui inquiète de plus en plus et laisse perplexe quant aux tenants et aboutissants de cette nouvelle crise.
Le crash de l’avion de Swiftair allait être le point culminant dans les tracas de la compagnie nationale, pourtant habituée, ces dernières années, à toutes sortes de secousses. La sortie de route d’un avion affrété à Lille et le retour en catastrophe de l’avion devant rallier Alger à Ghardaïa, lundi, auront été les deux incidents de trop.
Même si, entre-temps, la compagnie a procédé à une série de limogeages en son sein et a tenté, gauchement, de se justifier, il n’en demeure pas moins que c’est toute la gestion de cette compagnie, mais surtout toutes les pressions qu’elle subit, qui sont mises à nu.
Avec tout le tapage fait autour des retards des vols et du désarroi des voyageurs, mais aussi autour des tarifs imposés par la compagnie, notamment en direction de la communauté établie à l’étranger, Air Algérie s’est fait une très mauvaise publicité, au moment où la concurrence fait rage.
La question qui mérite d’être posée : tout ce qui se passe et se dit présentement au sujet d’Air Algérie est-il innocent ? Ne procède-t-il pas d’une manipulation dont le but serait de débarquer l’actuel P-DG ?
L’on se souvient que, depuis son arrivée à la tête du ministère des Transports, Amar Ghoul a tout tenté pour centraliser à son niveau les nominations aux postes-clés dans la compagnie nationale, notamment celles des postes à l’étranger. Ses relations conflictuelles avec le P-DG d’Air Algérie sont un secret de Polichinelle. Mais la goutte qui a fait déborder le vase est l’annonce faite par le ministre des Transports, devant le Parlement, d’une importante réduction sur les billets d’avion au profit de la communauté algérienne établie à l’étranger. Cette décision avait pris au dépourvu la compagnie nationale, première concernée par une telle mesure. Ceux qui ont soufflé l’idée au ministre en riaient dans les salons d’outre-mer, en disant : “Chiche, qu’il trouve une seule place disponible pour cet été.” L’opération de com, à forts relents démagogiques, lancée par le ministre des Transports, aura eu l’effet boomerang. Car, non seulement cette réduction n’aura été qu’une promesse sans lendemain, mais en plus, et surtout, la compagnie a eu un mal fou à se justifier devant sa clientèle.
Mais il est faux de réduire la crise que vit la compagnie nationale à ce simple désaccord entre les deux hommes. Car le dossier d’Air Algérie dépasse les deux hommes et se situe au cœur de la gestion par l’État de ces compagnies “à papa”, ces vaches à lait, où l’on se sert sans compter, où l’on place sa descendance à des postes à l’étranger et où l’on coopte qui on veut, quand on veut, sans que les véritables responsables aient un quelconque mot à dire.
Le jour où l’on saura le nombre et surtout le coût des billets gratuits servis par la compagnie non seulement à son personnel, mais aussi à toute la nomenklatura, l’on aura le tournis.
Et ce n’est pas tout. La compagnie fait du social, pas seulement en recrutant plus qu’il n’en faut, et souvent contre son gré, les enfants des hauts placés, et pas seulement en offrant gracieusement des billets à des destinations très lointaines, mais surtout en application des décisions étatiques démagogiques, mais ô combien coûteuses, comme celles de desservir des aéroports locaux où l’avion ne transporte pas plus d’une douzaine de personnes.
En Algérie, c’est connu, nous avons plus d’aéroports que d’avions. Et la flotte d’Air Algérie ne pourra pas, à elle seule, répondre à la demande locale, et elle a souvent recours à des affrètements en haute saison, notamment pour répondre à la demande grandissante de la communauté établie en
Europe et durant la saison du hadj. Si l’on ajoute à cela le fait qu’en matière de tarification, surtout pour les vols domestiques, la compagnie est obligée d’appliquer des tarifs “politiques”, l’on ne peut, dans pareille situation, exiger de la compagnie une bonne santé financière. L’on ne peut, non plus, exiger d’une direction générale une gestion rigoureuse, sachant qu’en ce qui concerne la plupart des chefs d’escale à l’étranger, il s’agit d’intouchables qui se trouvent à leurs postes respectifs depuis des lustres et qui font ce que bon leur semble sans avoir à rendre des comptes à leur direction générale.
La question de l’affrètement, qui a été mise au jour par le crash de l’avion de la Swiftair, n’est qu’une partie visible de l’iceberg. D’autres services connaissent également de graves dysfonctionnements, et il n’est pas exclu que ce qui se trame derrière ce tapage ne serait autre que les projets visant à démanteler la compagnie, en lui filialisant certains services, mais surtout l’hypothèse de l’ouverture du ciel algérien à l’Open Sky, une option rejetée par l’État algérien à un certain moment, mais qui pourrait être adoptée prochainement. La seule chose que l’on ne peut reprocher à l’actuel patron d’Air Algérie, c’est qu’il ne connaisse pas son domaine. C’est un enfant de la boîte qui n’a pas été coopté à ce poste par hasard.
Mais, a-t-il eu les mains libres ? A-t-il pu, un jour, faire ses preuves ? Peut-il, sérieusement, faire quoi que ce soit ? Changer quoi que ce soit ? Lui qui a les mains liées ? Il est facile de chercher des boucs émissaires, histoire de faire taire les critiques, mais il sera plus difficile de changer le mode de gestion d’Air Algérie, tant que l’État et tous ses démembrements ne cessent d’y interférer, tant que la compagnie reste considérée comme la vache à lait des nababs et tant que sa gestion échappe à toute notion de rationalité, de rentabilité et d’efficacité.