La situation se corse à, au troisième jour de la grève du personnel naviguant commercial.
La direction générale d’Air Algérie a dû affréter plusieurs avions des compagnies Air France et Aigle Azur notamment pour transporter les voyageurs coincés à Alger et dans certains aéroports français et européens. La situation est devenue tout simplement chaotique dans les aéroports de Paris, Lyon, Marseille, Montréal notamment. Les voyageurs algériens dans ces aéroports, après trois jours d’attente, se sont « révoltés » et s’en sont pris à des agences d’Air Algérie, avons-nous appris de sources syndicales.
« Il y a eu de la casse dans ces aéroports » nous a déclaré hier, Hamamouche Yacine, représentant du collectif du personnel naviguant commercial. Ce dernier affirme qu’il était « pris en otage » à l’intérieur de l’aéroport international d’Alger et qu’il ne pouvait pas sortir de l’édifice au risque de se voir retiré son badge d’accès. Intervenant sur les ondes de la chaîne III de la Radio nationale, le P-DG de la compagnie, M. Mohamed Salah Boultif, a annoncé le licenciement des meneurs de la protesta, appelant les grévistes à reprendre le travail et à instaurer un dialogue constructif.
M. Hamamouche souligne que le nombre de personnes licenciées au niveau des aéroports d’Alger, Oran, Annaba et Constantine est très important. A Oran, tout le personnel naviguant commercial a été licencié, soutient le syndicaliste. A Alger, 23 personnes étaient « quasiment licenciées » ajoute notre source. Le personnel naviguant licencié dans les aéroports de l’intérieur du pays a rejoint hier, la capitale, poursuit Hamamouche qui dénonce une volonté de pousser au pourrissement de la part de la direction d’Air Algérie. 500 agents du personnel naviguant étaient à l’aéroport d’Alger pour faire le piquet de grève, affirme Hamamouche, en soulignant qu’un « compromis » avait été pourtant trouvé, dans la nuit de mardi, avec la direction de la compagnie à travers le comité de participation qui a joué l’intermédiaire. « Nous avons revu à la baisse nos revendications et le comité de participation nous a donné rendez-vous à 9 h (hier ndlr) puis plus rien » a déclaré Yacine Hamamouche.
Ce dernier nous a déclaré que le P-DG d’Air Algérie « refuse catégoriquement de discuter avec nous ». « Je suis dans mon rôle de syndicaliste et la base m’a élu pour représenter le collectif », tonne Hamamouche qui ajoute « qu’il était anormal de trouver de l’argent pour affréter des avions étrangers et refuser d’augmenter les salaires des Algériens ».
De son côté, la direction générale d’Air Algérie a minimisé le mouvement de contestation du personnel naviguant commercial. D’après la responsable de la cellule de communication de la compagnie nationale, plusieurs vols étaient annulés hier mais d’autres ont décollé normalement vers Nice et Madrid notamment. Selon des chiffres recueillis auprès de sources proches de la compagnie, seuls 35 vols sur les 150 prévus hier ont pu décoller. La responsable de communication a confirmé en outre, le licenciement de certains agents du personnel naviguant commercial, sans pour autant donner leur nombre. Certaines sources avancent le chiffre de 92 agents licenciés, au niveau national.
Air Algérie a dû faire appel par ailleurs, à des « saisonniers » pour faire face à la grève et à la crise qui secoue, depuis 3 jours, la compagnie nationale. A l’aéroport d’Es-Senia, à Oran, aucun des 5 vols d’Air Algérie programmés n’a décollé hier. En colère, les passagers sur place se plaignaient d’absence d’informations. Certains affirment avoir passé toute la journée à l’aéroport dans l’espoir d’être embarqués. Selon l’Aps qui cite un agent d’escale d’Air Algérie, une vingtaine de vols ont été annulés, durant ces trois jours de grève.
À Constantine, un avion qui a fait hier la liaison Alger/ Nice a rejoint l’aéroport Mohamed Boudiaf, d’où il a embarqué les voyageurs en partance pour Marseille à destination de Nice. Mais, c’est une goutte d’eau dans un océan. A cet aéroport la direction d’Air Algérie a licencié 3 grévistes, selon des sources concordantes. « La direction d’Air Algérie a durci sa position en recourant à tous les moyens pour casser la grève », a déclaré l’un des employés licenciés. Celui-ci nous apprendra sur un air désolé que la compagnie aérienne a affrété des avions de deux compagnies étrangères, Tunis Air et Egypt Air, en l’occurrence, qui vont commencer à transporter les voyageurs en attente dans les aéroports du pays, et casser ainsi le mouvement de grève du personnel navigant. Ces décisions ont provoqué l’indignation du PT de Louiza Hanoune, qui selon les termes d’un communiqué transmis à notre rédaction, trouve que « de telles pratiques sont inadmissibles, et constituent une atteinte intolérable au droit constitutionnel de grève ». Pour le PT, le licenciement des « meneurs » est une « déclaration de guerre et un point de rupture qui rappelle le traitement scandaleux réservé à la grève des pilotes durant la décennie noire ». Le bureau politique de ce parti en appelle au président de la République pour qu’il « ordonne que soit dégagée l’enveloppe financière nécessaire pouvant combler cette incapacité de la compagnie d’augmenter les salaires à 100 %, comme le revendiquent les grévistes ».
UN MINISTRE FRANÇAIS S’EN MÊLE
Dans les aéroports français les passagers bloqués à cause de la grève se comptent par milliers, a déploré mercredi dans un communiqué le ministre français des Transports Thierry Mariani. « Face à l’annulation des vols de la compagnie Air Algérie qui entraîne le blocage de milliers de passagers dans plusieurs aéroports français », le ministre a réuni, mercredi matin, « des représentants de l’ambassade d’Algérie en France, de la compagnie Air Algérie, des Aéroports de Paris et des services de l’Etat ». Lors de cette réunion, il « a insisté sur les obligations de la compagnie envers ses clients, notamment le devoir d’assurer l’information la plus complète des passagers afin notamment, d’éviter qu’ils ne se rendent inutilement dans les aérogares ».
Par ailleurs, Air Algérie doit « mettre en oeuvre tous les moyens alternatifs d’acheminement que ce soit par les airs ou par d’autres modes (train/bus + bateau) à destination de l’Algérie », a réclamé Thierry Mariani. Compte tenu de la pression sur cette destination, en cette période de vacances estivales, Air France va affréter mercredi, deux avions supplémentaires pour Alger, selon l’Afp. Un vol partira vers 16h00 (14H00 GMT) de l’aéroport parisien d’Orly et un autre partira de Lyon (Centre/Est), à la même heure. Ces deux vols s’ajouteront aux quatre vols quotidiens assurés par la compagnie française entre l’aéroport parisien de Roissy-Charles de Gaulle et Alger. « Air Algérie remet ses clients sur des vols Air France », a expliqué le porte-parole de la compagnie cité par l’Agence française, précisant qu’elle appliquait les accords de coopération prévus au sein de l’association internationale du transport aérien IATA, dont les deux compagnies font partie.