Quelques jours après les événements d’Octobre 1988 qui ont ébranlé le pouvoir algérien détenu exclusivement par le FLN et ce depuis l’indépendance du pays en 1962, Kateb Yacine affirmait que “tout algérien conscient ne peut être contre le FLN”.
Etant personnellement convaincu que nous sommes le présent du passé comme nous serons le futur du présent, je partage entièrement son assertion, et encore plus aujourd’hui. Le FLN, authentique, celui de 1954, est la propriété historique de tout algérien et particulièrement de tous les martyrs : d’hier, de Jugurtha à Kahina; d’avant hier, de l’Emir Abdelkader à Hassiba Ben Bouali; d’aujourd’hui, de Djaout à Katia de Baraki ; de demain, de l’algérien et l’algérienne venant à tomber sous les sabres des « afghans » ou les balles des « baltagias » d’un pouvoir répressif.
Ce FLN, sublime, était « l’Atomiseur de Lumière » qui guida le peuple à la Libération du colonialisme français. Né dans un contexte politico-économico-culturel aliénant, sa mission était bien appropriée et conjoncturelle : libérer le pays du joug colonial. Dieu merci, l’objectif était atteint. NON SANS SANG !
Malheureusement, ce qui a déjà commencé durant la guerre de libération entre 1954 et 1962 a pris de l’ampleur, peu après 1962. Epuré de son intelligentsia, séquestré par des demi-dieux enivrés par le pouvoir sans partage, métamorphosé en « Atomiseur de Brouillard » , le FLN a fini par concrétiser en moins de 30 ans ce que la France coloniale n’a pu complètement réaliser en 130 ans de domination sanglante à savoir : la division des algériens, la glorification de la médiocrité, l’étouffement des libertés, la falsification de l’Histoire, l’abâtardissement de l’Identité et de la Culture mais surtout l’accouchement d’un intégrisme religieux destructeur dont les premiers germes sont distillés par une école des plus sclérosée et archaïque au monde.
Le sigle FLN est usurpé et sa restitution au peuple au même titre que l’hymne et l’emblème nationaux est la première pierre angulaire pour une réelle réconciliation des algériens avec leur Histoire contemporaine. Boudiaf, l’un des pères de la Révolution et du FLN, n’a pas enfilé de gants blancs pour trancher sur la question en déclarant sèchement : “le FLN est mort en 62 ! “. Il faut être débilement débile pour ne pas comprendre que si des « apparatchiques d’un système autoritaire » ont détourné, soudoyé et corrompu ce symbole, c’est parcequ’il peut rapporter gros comme dans une loterie et, il a rapporté gros à tous ceux qui “ont trahi le FLN” pour reprendre une autre expression de Kateb Yacine. La trahison était tellement blasphématoire et insultante que, par désespoir ou opposition, la jeunesse en particulier, fragilisée, laissée pour compte, instrumentalisée tentât de vendre son âme à l’intégrisme religieux quand elle ne sombrât pas dans le labyrinthe de la drogue, de la déchéance, du désespoir, de l’émigration clandestine, du suicide et de l’immolation par le feu.
Aujourd’hui, alors que les révolutions dans les pays arabes balayent les anciens systèmes, des limaces tenaces se permettent l’indécence de s’agripper, rivées sur leurs fauteuils, insensibles aux changements qui s’opèrent à nos frontières, soit en douceur soit tragiquement. Les caciques carriéristes de l’ex-unique doivent quitter les jupons du FLN et créer leur propre parti, avec un autre sigle au lieu de se servir sans vergogne du sang des Chouhadas, s’il leur reste encore un peu de courage et d’honnêteté politiques. L’Organisation Nationale des Moudjahidines et les différentes Associations d’Enfants de Chouhadas entre autres doivent faire,- et elles ont tardé -, de la restitution du sigle FLN à l’Histoire une priorité absolue et œuvrer pour la dissolution du Parti FLN, de son clone le RND et de tous ces petits partis-métastases qui ne se réveillent de leur coma uniquement lors des échéances électorales pour jouer les lièvres et, évidemment récompensés sur les deniers publics. Il y va de même de ces associations de masse non crédibles qui inhibent toute énergie et toute initiative citoyennes et surtout le Syndicat UGTA devenu un assommoir pour les travailleurs plutôt qu’une force de progrès. La restitution également à l’Etat des biens squattés par ces parasites y va de soi. Il est temps que les syndicats et associations émanent réellement de la volonté populaire et financés éventuellement dans la transparence par des aides de l’Etat mais en majorité uniquement par les cotisations de leurs militants, adhérents et sympathisants. Autrement dit, les codes de création des partis politiques, des associations et syndicats sont à revoir totalement. Le multipartisme tel initié au début de l’ouverture démocratique dans les années 90 n’est que poudre aux yeux. Continuerons-nous à nous mentir à nous-mêmes ainsi indéfiniment ?
Si, Moufdi Zakaria – l’auteur de l’hymne national “Kassaman” – avait su que le FLN dont, parait-il, Monsieur le Président Bouteflika, est président d’honneur serait un jour « enturbanné à la soudanaise », il n’aurait sûrement jamais écrit “Djabhatou Tahriri aâtaynaka aâhda (Nous jurons fidélité au FLN) ! “. Doit-on alors « réformer » l’hymne national en l’amputant de ce vers pour permettre à un clan d’usurpateurs de la mémoire collective de s’accaparer à vie le FLN ? La réponse est catégoriquement “NON”; le contraire serait un sacrilège même. Le symbole FLN doit être restitué à l’Histoire de l’Algérie, de préférence sans soubresauts comme cela ne s’était pas produit en Tunisie avec la Parti de Ben Al et en Egypte avec le parti de Moubarak. L’Hymne National sera ainsi « décolonisé », lavé de toutes salissures. Ce n’est que rendre triplement justice aux martyrs, au peuple algérien tout entier et à son auteur.
Et, tant que ces assainissements institutionnel, constitutionnel et historique primordiaux ne sont pas opérés, l’espoir de réformes démocratiques profondes et crédibles reste une illusion. Les consultations-marathon organisées par le pouvoir , il y’a quelques semaines, en vue de la réforme de la Constitution pour la nième fois – je vous parie – n’accoucheront que d’un autre texte comme les précédents sans bouleversements profonds et que le peuple approuvera, disons à 75% pour lui donner un semblant de crédibilité, d’autant plus que la quasi-totalité des «consultés» sont ces dinosaures politiques qui ont traversé les décennies, recyclés du pseudo-socialisme étriqué au pseudo-libéralisme sauvage. Et personne ne s’attend à des miracles après les futures élections : on verra les mêmes têtes à la tête des différentes institutions. On ne peut faire du neuf avec du vieux que dans les usines de traitements de déchets recyclables et, même là, parfois, çà foire !
Le Président Boudiaf était décidé à opérer ce nettoyage historique, premier pas crédible vers la rupture radicale et la démocratisation réelle de la vie politique mais ses visions révolutionnaires lui ont couté la vie. Vous, Monsieur Bouteflika, vous pouvez le faire si toutefois, vous n’êtes pas un “trois-quart de Président” pour reprendre votre propre expression ! Ainsi, vous mourrez, Monsieur le Président… en toute tranquillité, d’une part.
Et, d’autre part, vous entrerez dans l’Histoire si vous vous attelez à désamorcer les bombes à retardement sur lesquelles l’Algérie est bien assise, dans le confort pour certains et, dans l’angoisse pour d’autres. Je fais allusion à ce stupide « conflit » en hibernation qui empoisonne les relations algéro-marocaines et à cette poudrière « targuie » aux frontières sud de l’Algérie.
Il est inconcevable qu’après 50 ans de souveraineté nationale tant pour le Maroc que l’Algérie, les frontières entre ces deux pays ne soient pas encore définitivement balisées et reconnues officiellement de part et d’autre. Ceci est une porte entr’ouverte à toute velléité de futurs conflits armés comme ceux déjà vécus en 1963 et 1975. Evidemment, la question épineuse du Sahara Occidentale vient encore compliquer la situation depuis 1975. Monsieur Bouteflika qui était, à cette période, Ministre des Affaires Etrangères connait les dessous de cette double question mieux que quiconque, même mieux que le Roi Mohamed VI alors prince adolescent. Il détient par conséquent les « clefs » de la pacification de la région si son pouvoir, sa sagesse et son intelligence de diplomate sont conjugués à cet effet. Viendra par conséquent la normalisation des relations algéro-marocaines dont l’ouverture des frontières terrestres ; l’état actuel, on le constate, ne profite réellement qu’aux truands et trafiquants de tout genre, avec la complicité de certains agents sans scrupules qui gangrènent les institutions frontalières des deux cotés. Les seuls lésés sont les citoyens honnêtes marocains et algériens voire magrébins qui ne demandent qu’à circuler librement pour tisser des liens encore plus fraternels mais surtout les bi-nationaux des deux cotés qui souffrent des séparations familiales.
Avec les suppressions de visas, les procédures de circulation sont certes maintenant allégées mais les déplacements exclusivement par voie aérienne ne sont pas à la portée de tout un chacun.
Au moment où les blocs politico-économiques se forment dans diverses régions de tous les continents pour tirer leur épingle du jeu de la mondialisation impitoyable envers les Etats faibles, l’idée du Grand Maghreb rêvé par les fondateurs de l’Etoile Africaine depuis les années 1920, reste la seule alternative. Il est vital et urgent que le Grand Maghreb des Peuples voit enfin le jour. Et qu’on arrête la comédie : le « parlement » magrébin actuel dont les membres sont désignés et nommés par les pouvoirs des capitales magrébines est une vraie supercherie ; comme la Ligue Arabe, il ne sert absolument à rien sauf à tenter de mimer l’UE (Union Européenne) et ce qui se fait de l’autre coté de la méditerranée mais surtout à offrir des postes à des « amis » payés à coups de millions sur les deniers publics. Qui a entendu parler de ce fameux parlement lors des révolutions tunisienne et Egyptienne mais surtout du drame libyen ?? Le Grand Maghreb doit absolument être « pacifié » pour prétendre à un vrai parlement élu par les peuples maghrébins pour réellement les représenter et défendre leurs intérêts et leur bien être dans la région. Le Grand Maghreb n’existera que s’il est celui des Peuples. Le seul à contribuer à une paix durable dans la région.
L’autre menace qui guette l’Algérie à plus ou moins long terme, c’est ce que je nommerai, le « syndrome de Kurdisation » dans les régions du Grand Sud, frontalières du Niger, Mali, Libye,… La colonisation française a morcelé le Peuple Targui éparpillé sur 5 ou 6 pays, à l’instar du Peuple Kurde en Asie. Cette atomisation maintenue évidemment dans le respect des frontières héritées après les indépendances a déstructuré totalement ce « peuple bleu » dans ses fondements ancestraux. Les rebellions des Touaregs dans les pays limitrophes sont là pour en témoigner. Il n’est pas à exclure que tôt ou tard des mouvements séparatistes voient le jour en vue de la création d’un Etat Targui autonome et souverain. Le pouvoir algérien en est conscient puisque à chaque fois que les choses bougent dans ce sens, la médiation algérienne accoure pour diffuser sa lotion magique. Mais jusqu’à quand ? Je ne détiens point de solutions mais un traitement spécifique viable avec tous les régimes des pays concernés en collaboration avec les Touaregs est envisageable et le plus tôt possible. Déjà, que toute la région commence à se transformer en un « no man’s land » livré aux trafiquants et aux drogués et rebus de Ben Laden.
Monsieur le Président, pour les générations futures, la solution à ces questions épineuses sont à mon avis bien plus importantes que l’autoroute Est-Ouest, le métro d’Alger qui n’en finit pas d’engloutir voracement et inutilement l’argent public depuis les années 1980 ou la prestigieuse grande mosquée d’Alger – la plus grande d’Afrique, dit-on – et qui porterait votre nom. Je voudrais bien croire, Monsieur le Président, que vous n’êtes pas adepte de l’adage “après moi, c’est le déluge”. Alors, de grâce, Monsieur le Président, faites quelque chose, pour redonner de l’Espoir pour que nos enfants retrouvent surtout l’Amour de la Patrie car le véritable problème de l’algérien d’aujourd’hui est qu’on lui fait détester son pays, chaque jour, un peu plus. Et vous le savez très bien. Rappelez-vous, Monsieur, le Président la visite de Monsieur Chirac à Alger : les algérois ont accueilli le président français comme un dieu, le suppliant d’ouvrir les frontières….. algéro-françaises !!
Barek ABAS