Aïd El Fitr : Des habits neufs à n’importe quel prix

Aïd El Fitr : Des habits neufs à n’importe quel prix

Il y a un temps pour tout. Et celui consacré à l’achat des vêtements de l’Aïd El Fitr bat son plein. Ce rituel incontournable occupe l’esprit des parents qui tiennent à parer, quels qu’en soient les conséquences et les sacrifices, leur progéniture des plus beaux atours. Ce n’est pas une mince affaire, encore moins une sinécure. C’est que la fête de l’Aïd El Fitr intervient après le mois sacré de Ramadhan, synonyme de dépenses effrénées. La bourse se délie jusqu’à l’incandescence.

Les prix, hélas, ne sont pas faits pour arranger les choses. Comme pour corser le trait, ils ont tendance à prendre de l’altitude au grand dam des citoyens installés dans une inconfortable posture. Apres les «fourches caudines» de Sidna Ramadhan, voilà qu’il va falloir accomplir une autre prouesse en faisant face aux dépenses de l’Aïd. C’est quand même éprouvant. Mais que ne ferait-on pas pour les gosses qui attendent cet événement avec fébrilité si ce n’est avec anxiété ! En bref, après l’augmentation des prix de certains produits alimentaires durant le mois bénit, les ménages devront une seconde fois faire face aux achats des vêtements de l’Aïd. On n’est pas pour autant sorti de l’auberge car la rentrée scolaire pointe du nez et attend aussi son tour.

Il faut donc se résoudre à fourrager dans le bas de laine, solliciter ses économies, si tant est qu’on en possède, pour acheter les articles et autres fournitures scolaires. C’est ce qu’on appelle tomber de Charybde en Scylla. Les commerçants seront, comme il convient, les derniers à se plaindre de cette cascade de dépenses. Tels des larrons en foire, ils se frottent les mains en faisant fonctionner le tiroir- caisse à fond. On n’en dira pas autant de ces braves parents qui doivent redoubler d’ingéniosité pour se débrouiller face à ce carrousel.

Point d’orgue d’une série de dépenses et d’achats tous azimuts, cet été aura lourdement pesé sur les budgets familiaux. Les espaces commerciaux et les magasins de la ville, véritables antres du négoce, se taillent la part du lion. Tout le monde converge vers ces endroits, à la recherche de l’article convoité. Alger, à l’instar des autres contrées du territoire national, vit à l’heure de l’Aïd El Fitr, plongée dans une atmosphère nocturne «dantesque». La capitale se rebiffe sitôt que l’heure de la rupture du jeûne sonne. Comme par un coup de baguette magique, la ville se transforme en une ruche bourdonnante. Les familles pratiquent, sans se ménager, la course à la bonne affaire, usant de leur instinct «ancestral» pour dénicher le bel article, de préférence, à un prix modique.

Le sempiternel écueil des prix

Les enfants sont confrontés à un dilemme cornélien. C’est que la marchandise est disponible à profusion. Il suffit juste de jeter son dévolu sur le produit désiré et d’y mettre le prix. Fatalement, la sempiternelle question des prix revient sur les lèvres. Et comme de coutume, les avis sont partagés. Il y a des citoyens qui s’en accommodent, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, et d’autres qui vitupèrent impétueusement contre la cherté des prix. Toujours est-il que les prix restent quasi éternellement, en pareille conjoncture, un objet de débat, le lieu de toutes les remontrances et un mur des lamentations.

Les commerçants, débordés par la clientèle, faut-il le signaler, soufflent le chaud et le froid. Ils reconnaissent qu’effectivement, les prix ne sont pas accessibles à toutes les bourses, mais qu’il ne faut pas non plus dramatiser. Il faut faire du lèche-vitrines, chiner et fouiner, on finira bien par tomber sur les bonnes occasions sans avoir à se saigner. Paroles de négociants roués. Au chapitre du mécontentement, relevons ces propos de père de famille pris dans l’engrenage des prix : «Entre les pantalons, les chemises et les chaussures, j’ai dépensé plus qu’il n’en faut pour mes enfants. C’est franchement excessif. Mais que puis-je faire ?» en poussant des soupirs de résignation si courants dans les mœurs des pères de famille. Grandeur et servitude des géniteurs. Un autre quidam emboîte le pas. Même ton dans les réprimandes. «J’ai dépensé près de 20.000 dinars pour vêtir mes trois enfants, c’est franchement démentiel. C’est au-dessus de mes possibilités», dira-t-il, l’âme bien en peine et la mine rabougrie. Mais les enfants n’ont en cure. Ils veulent faire bonne figure auprès de leurs camarades le jour de l’Aïd grâce aux sacrifices des parents.

Il faut admettre que nos magasins sont devenus de véritables chants des sirènes avec leurs étalages chichement achalandés, leurs produits «made in», l’opulence de leurs devantures pleines à craquer. De nouvelles boutiques rutilantes poussent comme des champignons, des boutiques branchées avec leurs marques du meilleur acabit, qui côtoient d’humbles magasins.

Profusion de produits «made in» et soldes à la clé

Abondance de biens ne nuit pas. Les rues d’Alger, par la force des choses, deviennent de hauts lieux de négoce pour vêtements, l’espace d’un Aïd. Il y en a pour tous les goûts. Des ribambelles de gosses y trouvent chaussured à leurs pieds pour peu que l’intendance suive, entendez par là cette capacité à pouvoir se payer l’article désiré. On n’attire pas les mouches avec du vinaigre.

Les commerçants, pour attirer le chaland, n’hésitent pas pour beaucoup d’entre eux à décorer les vitrines, à proposer des soldes et des rabais et toutes sortes de prix promotionnels. On est en face d’une course au client. C’est à celui qui pourra l’attirer en l’aguichant outre mesure. Dans ce vaste commerce du prêt-à-porter, le produit étranger n’est pas en reste. La marchandise chinoise se taille la part du lion, fourguée des prix raisonnables.

En dépit de toutes ces facilités accordées aux clients, il n’en demeure pas moins que les dépenses pour les vêtements de l’Aïd El Fitr sont diverses. Elles ne se limitent pas, par exemple, à la chemise, aux souliers, à une robe, un pantalon ou une jupe, ce sont aussi les accessoires, sacs à main, et autres babioles indispensables. Ces articles supplémentaires gonflant ainsi la facture des dépenses. Pour les commerçants, les augmentations des prix se justifient par les différents frais, les impôts, les taxes, la location et la facture d’électricité. En somme, c’est, semble-t-il, à leur corps défendant qu’ils pratiquent des prix élevés.

Il n’empêche que la rentrée des classes va certainement alourdir le poids déjà considérable des frais, porter le coup de grâce aux ménages qui n’auront pas le temps de souffler et de trouver un répit salutaire. Au moment où l’on pense en avoir terminé enfin avec les dépenses, le mouton de l’Aïd El Adha sera là, pour dire qu’il ne faut pas faire des illusions. Autant déclarer qu’on n’est pas près de voir le bout du tunnel. Mais ceci est une autre histoire.

M. Bouraib