Aïd El-Adha, Les enfants, ces décideurs

Aïd El-Adha, Les enfants, ces décideurs

Depuis quelques années, une nouvelle « mode » s’est installée : des citoyens lambda se muent, l’espace d’un temps, en « maquignons ». Il suffit de peu de choses : un moyen de transport pour rejoindre Djelfa ou M’sila et un garage pour en faire un point de vente.



Comme à l’accoutumée, la capitale est parsemée de souks aux moutons. Malgré des prix prohibitifs, les espaces de vente légaux et illégaux pullulent.

Et si, auparavant, seuls les maquignons venus des lointaines steppes proposaient leur cheptel aux Algérois, depuis quelques années, une nouvelle « mode » s’est installée : des citoyens lambda se muent, l’espace d’un temps, en vendeurs. Il suffit de peu de choses : un moyen de transport pour rejoindre Djelfa ou M’sila et un garage pour en faire un point de vente.

Ce chaînon supplémentaire dans la filière ovine engendre également l’inflation. Alors, un peu partout, à travers la capitale, on assiste à des scènes de marchandage entre vendeurs et éventuels acheteurs. Ces derniers sont unanimes à affirmer que les prix sont exagérés. De Bab El-Oued à Chéraga en passant par Oued Koriche, Bouzaréah, Bachdjarah, Kouba, El Biar… le mouton n’est pas accessible. Alors qu’est-ce qui pousse les gens à alléger fortement leur porte-monnaie ? Réponse presque unanime : « Les enfants ».

En clair, ces derniers ne doivent pas se sentir lésés par rapport à leurs camarades ou voisins. Bienvenue à l’enfant roi. « Dur, le diktat des enfants », confirme ce père de famille au niveau de Bab El-Oued qui assiste médusé à l’annonce des prix : 40.000 à 55.000 DA au minimum pour un mouton. « Ce sont des agneaux ! », se plaint ce chef de famille venu avec ses enfants dans l’espoir d’acquérir un mouton ne dépassant pas les 30.000 DA. Mais ses deux gosses exigent un bélier à cornes.

Une sollicitation qui n’échappe pas au vendeur. Pour inciter le père à répondre à l’exigence de ses fils, il lui propose un gros mouton à raison de… 70 000 DA ! « C’est fou », commente le père. Après quelques minutes de négociations, l’ovin est cédé à 67 000 DA. Et pendant que le père est allé chercher l’argent manquant, les enfants ont commencé déjà à apprivoiser la bête. Au niveau des barreaux-rouges à Oued Koriche, l’ambiance est autre. Ici, c’est à l’air libre que « défilent » les moutons. Enturbannés et vêtus de kachabias, la canne à la main, les maquignons ne semblent pas pressés de vendre même s’il n’y a pas grande affluence. Est-il un peu trop tôt pour l’achat ? Non, répondent-ils. Pour preuve, ils indiquent qu’ils ont épuisé la moitié de leur cheptel en l’espace de trois jours.

Ils expliquent la hausse des prix des moutons par le renchérissement des prix des aliments de bétail. L’un des vendeurs a rajouté une autre raison : le vol. « Il existe des groupes spécialisés dans le vol du cheptel qui est ensuite expédié vers les pays voisins », affirme-t-il. Cet éleveur de Saïda s’est déplacé à Alger avec 160 têtes. A quelques jours de l’Aïd, il indique qu’il en a vendu plus de 80%.

Abbas Aït Hamlat