Aïd El-Adha, Deux millions de moutons sacrifiés

Aïd El-Adha, Deux millions de moutons sacrifiés

La veille de l’Aïd, on constatait la chute du prix du mouton suite au boycott des citoyens. S’il y a une recommandation à faire, c’est d’attendre la veille, ou au maximum deux jours avant cette fête religieuse, pour acheter la bête du sacrifice.

On en parle uniquement de notre pays parce-que dans les autres pays musulmans, l’ordre est déjà établi. Les moutons imposés quelques jours auparavant à 65 000 voire 70 000 DA étaient proposés à 35 000 voire 30 000 DA. Ce n’est pas de la perte mais le prix réel de la bête.



Nadia Siaci, de la rubrique culturelle de la Chaîne III dira à ce sujet : «S’ils (les maquignons, ndlr) ont revu à la baisse les prix, cela veut dire que les prix initiaux sont imposés et que ce ne sont pas les prix réels.

Cette chute des prix n’est ni fortuite ni banale. Elle est le résultat du comportement des citoyens. » En effet, le seuil de l’entendement vient d’être dépassé. L’année 2012 est une année où les fonctionnaires, comme en 2011, n’ont pas eu des rappels conséquents leur permettant de faire des folies en achetant 2 voire 3 moutons pour le sacrifice.

En 2011, près de cinq millions de moutons ont été sacrifiés. C’est ce qui donna des idées aux maquignons, anciens comme nouveaux. Il y a certains qui le regretteront toute leur vie comme ce jeune homme d’un village de la wilaya de Djelfa qui a acquis 100 jeunes béliers à peine encornés, comme le veulent les Algérois, à raison de 42 000 DA la tête.

Il disait à ses congénères qu’il allait «allait dire adieu à jamais à la misère» et toute la famille s’est mise de la partie pour l’aider. Les grosses manchettes des journaux faisant part des prix atteints par les moutons de la région dans les grandes villes ont été convaincantes. Après quatre jours de «disette», il décide de baisser le prix de 70 000 à 65 000 DA ; il vendra son premier mouton et achète de l’aliment pour le reste du cheptel. Le reste, on vous laisse l’imaginer…

Il y a eu deux millions de têtes sacrifiées. Une bonne chose, diront les connaisseurs, afin d’assurer la reconstitution du cheptel ovin. Si le volume de l’abattage des mâles aurait été comme en 2011, l’irréversibilité de la catastrophe aurait été entamée. Les citoyens demanderont de la viande et les reproductrices : agnelles et brebis passeront alors quotidiennement les seuils des abattoirs.

Les consommateurs n’auront plus de protéines d’origine ovine et se retourneront vers la viande bovine pour enclencher le deuxième et dernier cycle de l’extermination du cheptel. De nouvelles dispositions seront prises par ceux qui veulent s’enrichir rapidement. Ces derniers n’ont aucun état d’âme, l’essentiel pour eux c’est comment écorcher vifs ceux qui ont égorgé la totalité du parc animalier. La reconstitution du cheptel deviendra alors presque une mission impossible.

L’offre s’amenuisera, la demande augmentera et le déséquilibre s’installera. Le prix de la viande fraîche indexé par rapport au nombre de têtes sacrifiées Si on se réfère au passé, on remarquera que cela se produit juste après la fête de l’Aïd El- Kébir durant laquelle le sacrifice était très important en nombre de têtes égorgées. Les éleveurs n’ayant plus de moutons de boucherie quittent la scène et se remettent à reconstituer le cheptel.

Le vide est alors ressenti et le déséquilibre entre l’offre et la demande s’installe. Les prix flambent et les bouchers jouent le jeu en n’abattant qu’une bête par jour. Heureux celui qui acquiert une livre de viande. Les plus égoïstes rafleront les carcasses entières et ne laisseront rien à leurs concitoyens. Par la suite, l’irraisonnable deviendra raisonnable. L’année dernière, les bouchers n’ont remonté leurs rideaux que cinq semaines après l’Aïd. Les prix sont passés de 740 à 1 200 DA.

A ce stade, la viande ovine devient inaccessible et tire vers le haut les prix des viandes blanches, et bonjour les inquiétudes. Il a fallu presque une douzaine d’années pour reconstruire l’Algérie ; tenter de rééquilibrer les rapports économiques sans y arriver, c’est qu’il y a quelque chose qui cloche quelque part. Pour nous, le commerce informel et la corruption des contrôleurs sont les principales causes des retards accumulés et des pertes causées.

Djilali Harfouche