En présentant la déclaration de politique générale du gouvernement, ce jeudi devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre Ahmed Ouyahia a donné une vision quelque peu surprenante de l’Investissement étranger en Algérie, surtout pour un pays qui a toujours cherché à attirer les capitaux étrangers.
Le matelas de devises dont dispose le pays, à travers notamment les réserves de change et le Fonds de régulation, semble avoir tranquillisé l’exécutif qui ne court plus derrière les investissements provenant de l’extérieur du pays, mais donne au contraire l’impression d’y tourner le dos, comme le soupçonnent des opérateurs. Ahmed Ouyahia est même allé jusqu’à affirmer que ces investissements étrangers étaient négligeables, y compris avant la promulgation des nouveaux textes de loi régissant l’implication de capitaux étrangers dans l’économie nationale.
S’appuyant sur les données de la Banque d’Algérie, «Institution responsable du suivi des mouvements transfrontaliers des capitaux», il a estimé que les Investissements étrangers hors Hydrocarbures n’étaient pas présents «substantiellement» avant les mesures prises par le gouvernement. En 2000, la valeur de ces investissements était de 21 millions de dollars. Elle est passée à 589,7 millions de dollars en 2005, avant de s’établir à 1,48 milliard de dollars en 2008. «L’année 2009, ayant vu la mise en œuvre des nouvelles dispositions applicables aux investissements étrangers, n’a pas vu un recul des apports étrangers hors Hydrocarbures qui ont atteint 1,66 milliard de dollars», a expliqué le Premier ministre. M. Ouyahia a donc choisi l’APN pour répondre à ceux qui reprochent au gouvernement de museler les Investissements étrangers. «C’est l’occasion, a-t-il dit, de réagir sans polémique au discours critique mais aussi alarmiste faisant croire que le gouvernement risque de priver l’Algérie de l’apport des Investissements étrangers». Ahmed Ouyahia a indiqué que le gouvernement a d’abord la charge de promouvoir les intérêts de l’économie nationale et de faire prévaloir les intérêts macro-économiques en les traduisant en croissance et en emplois. «Tout cela en préservant l’indépendance financière du pays», a-t-il soutenu.
«L’Algérie n’a pas prioritairement besoin actuellement de capitaux étrangers»

Et pour résumer un peu la nouvelle conception que se font les autorités par rapport à la question des Investissements étrangers, le Premier ministre s’est, cette fois-ci, montré très direct. «L’Algérie n’a pas prioritairement besoin actuellement de capitaux étrangers, mais elle est cruellement en manque de savoir faire, de technologie, de management moderne et de partenaires à même d’ouvrir demain d’autres marchés à des productions en association», a-t-il déclaré. L’Algérie n’est donc plus demandeur de capitaux étrangers et semble dans une situation où elle envisage de trier l’entrée dans le pays de capitaux étrangers. Un discours qui découle de la même logique qui a présidé à la promulgation de la nouvelle réglementation sur les Investissements étrangers et dont les dispositions ont notamment été incluses dans la très controversée Loi des Finances Complémentaires 2009.
Pour les prochaines années, le gouvernement compte donc poursuivre la même démarche et le Premier ministre semblait jeudi dans son élément pour défendre une politique qui reste critiquée par ailleurs. Mais, ce n’est apparemment pas cela qui va amener l’exécutif à revoir ses plans. Si l’on se réfère au discours d’Ouyahia, l’Algérie sait exactement ce qu’elle attend des ses partenaires étrangers. L’Algérie, d’après l’orateur, «offre à ceux qui sont disposés à l’accompagner dans son développement des avantages nombreux».
Il s’agit, entre autres, «d’un marché solvable et important» renforcé par une dépense publique d’investissement de plus de 280 milliards de dollars sur cinq ans et d’autres «avantages comparatifs certains», en coût d’énergie, de main d’œuvre qualifiée et même de charge fiscale inférieure à celle des pays développés. Mais, en retour, ajoute le Premier ministre, «l’Algérie attend des investissements mixtes qui seront réalisés chez elle, le recours aux biens et aux services locaux, le développement du taux d’intégration nationale, le réinvestissement de la contre partie des avantages fiscaux obtenus et la réalisation de la balance en devises positive, d’abord par une substitution aux importations, et ensuite par une exportation de productions sous leur propre label». Il a souligné, dans ce contexte, que c’est pour valoriser les atouts nationaux que le code des marchés publics dispose que désormais, toute entreprise étrangère désireuse de soumissionner pour un contrat public de biens ou de services en Algérie, devra accompagner son offre d’une proposition de participation à la modernisation d’une entreprise algérienne.
Pas de recours à l’emprunt étranger
Le Premier ministre a, par ailleurs, réaffirmé jeudi que le programme présidentiel d’investissements publics (2010-2014) sera financé par des ressources exclusivement nationales, excluant de nouveau tout recours à l’endettement extérieur dans le futur. Fort de 21.214 milliards (mds) de DA soit 286 mds de dollars (USD) de
dépenses publiques, ce programme sera financé par des «ressources exclusivement nationales», rassure un document du gouvernement. «Tout emprunt extérieur demeurera exclu conformément aux directives déjà prononcées par le président de la République», précise le document, assurant qu’«aucun risque ne découlera de ce programme sur la balance des paiements du pays et donc sur son indépendance financière future vis-à-vis de l’extérieur». Quant au financement local du programme, il sera appuyé par
les ressources du Fonds de régulation des recettes (FRR), estimées actuellement à plus de 4.000 mds de DA (environ 60 mds USD), selon la même source qui souligne toutefois que ce Fonds reste tenu de conserver «une épargne stratégique équivalant 10
mds USD ». Pour le financement de son programme d’investissement, l’Etat fera par ailleurs appel à la place financière locale qui « dispose d’importantes liquidités que l’appareil économique n’arrive pas à absorber», ajoute-t-on. «L’Etat fera appel autant que besoin à cette ressource excédentaire, qui générera en contrepartie une augmentation des revenus de la fiscalité ordinaire», souligne le document. Mais pour maintenir les équilibres du Budget public avec autant de charges, une rigueur budgétaire s’impose. «Réduire les gaspillages et conforter la compétitivité de l’économie nationale sans pour autant remettre en cause la justice sociale» est, selon la même source, «le vrai pari à relever». L’enveloppe financière consacrée à ce programme englobe un «programme en cours», doté d’un Budget global de 9.680 mds de DA soit 130 mds USD et représentant la partie inachevée du précédent programme en plus des projets pour 2010. Elle contient en outre un «programme neuf» de 11.534 mds de DA soit 155 mds USD.
Il s’agit d’abord, selon le document gouvernemental, de soumettre les réalisations financées sur les comptes d’affectations spéciales, lorsque le coût de leurs études, dépassent les 20 mds de DA à la validation de la Caisse de l’Equipement relevant du ministère des Finances. Toute réévaluation d’autorisations de programmes sera par ailleurs conditionnée par la suppression de projets, d’un montant équivalent, de la nomenclature du secteur concerné, ajoute la même source.
Développer l’agriculture et l’industrie et lutter contre le chômage
Le développement de l’agriculture et de l’industrie et la lutte contre le chômage constituent trois «objectifs majeurs» du gouvernement,
durant les cinq prochaines années, a assuré le Premier ministre, dans son intervention devant les députés. «Le gouvernement a trois objectifs majeurs. Il s’agit d’abord de porter la croissance du secteur agricole à 8% annuellement de manière stable et continue et ensuite relever de 5% à près de 10% en 2014, la part de l’industrie dans la valeur ajoutée globale qui se créé annuellement et enfin poursuivre la réduction du chômage bien en deçà de 10% durant les cinq prochaines années», a précisé M. Ouyahia. Pour le secteur agricole, le Premier ministre a rappelé le montant important alloué à l’agriculture estimé à 200 milliards de DA/an, en soulignant que les subventions publiques à ce secteur, dont le ratio est encore inférieur à celui pratiqué dans les pays développés, «pourraient évoluer à la hausse». Concernant l’industrie, il a indiqué que les entreprises publiques seront remises à niveau et accèderont au financement bancaire nécessaire à leur modernisation. Il a précisé, à ce propos que plus de 100 entreprises publiques ont
déjà bénéficié de ce processus et d’autres suivront, en ajoutant que l’Etat «s’active pour mobiliser des partenaires, aux conditions législatives nouvelles, pour participer à la modernisation de ces entreprises». Pour les PME, des dispositions «ont été prises en vue de garantir leurs crédits bancaires, d’alléger leurs charges fiscales et parafiscales en contre partie de recrutements», a-t-il indiqué. Il a rappelé, dans ce sens, que «les entreprises algériennes publiques
et privées sont désormais éligibles à une marge préférentielle pouvant aller jusqu’à 25% sur la commande publique».