Ahmed Doum à “Liberté” : Mechati était “un camarade exceptionnel”

Ahmed Doum à “Liberté” : Mechati était “un camarade exceptionnel”

Ancien membre du Comité fédéral de la 1re Fédération de France du FLN et compagnon de Mohamed Mechati, Ahmed Doum est de ceux qui connaissaient le mieux le défunt membre des 22 qui ont décidé de la date du déclenchement de la Révolution. Dans ce bref entretien, il livre quelques pans de la personnalité exceptionnelle de Mohamed Mechati.

Liberté : Quand et dans quelles circonstances avez-vous connu feu Mohamed Mechati ?

Ahmed Doum : C’était en 1953. Mohamed était venu pour un contrôle de la kasma MTLD de Sochaux, en sa qualité de responsable de la région est de la France. La seconde rencontre eut lieu à Paris, début 1955, en compagnie de Guerras, Bensalem, en vue de la constitution de ce qui allait devenir la Fédération de France du FLN ; j’avais hérité de la responsabilité de Paris et de sa région et Mechati prenait en charge la région est de l’Hexagone.

Cette période avait succédé à ses activités en Algérie, dans l’Organisation spéciale du MTLD ?

Je ne l’ai appris que plus tard, les règles de cloisonnement qui étaient de rigueur au sein de cette structure parallèle ne me l’avaient pas permis. Seul Guerras Abderrahmane était affranchi des activités de Mechati ; il était son responsable dans le Constantinois. Mohamed était venu en France fin 1953 pour s’y soigner ; l’OS avait été découverte en 1950, le MTLD était en crise, et le Crua était né. Mohamed avait été du groupe des 22 à l’origine du déclenchement de la Révolution.

Ensuite ?

Depuis, nous nous rencontrions une fois par mois à Paris pour les besoins de l’organisation, des activités et du développement de la fédération.

Mohamed est arrêté en août 1956.

Nous nous sommes retrouvés à la prison de Fresnes dans la même année puisqu’à mon tour, j’avais été appréhendé à Paris trois mois plus tard. Mechati était enfermé dans des conditions sévères ; il était considéré comme particulièrement dangereux ! Après une longue grève de la faim, nous fûmes transférés à la prison de la Santé où nous allions retrouver les cinq dirigeants du FLN dont l’avion avait été arraisonné dans les conditions que l’on sait.

Nous avons ainsi été logés à la même enseigne durant plus de quatre années. C’est là que débutera entre nous une amitié qui allait résister à tout. Amitié, cela sonne presque comme un lieu commun tellement nous serons liés.

En détention, c’était un camarade exceptionnel, tout de dévouement, de sacrifice même. Il lui arrivait de prendre sur lui les écarts de discipline pénitentiaire des autres et payait ainsi pour eux.

Comment Mechati avait-il vécu après sa libération et comment vous êtes-vous retrouvés ?

Nous nous sommes retrouvés à Alger en 1965, après qu’il fut l’objet d’une misérable cabale qui avait “sanctionné” son souci de veiller aux dépenses de l’ambassade en Allemagne dont il était attaché ; rappelé sans délai à Alger, il s’était retrouvé sans salaire, sans toit, avec une épouse et un nouveau-né ! Il ne dut subsister que grâce à la solidarité de ses amis et compagnons.

Son calvaire aura quand même duré un certain temps avant qu’il retrouve un poste et des conditions de vie correctes et, à son image, modestes.

Je pourrais indéfiniment parler des qualités de Mohamed, de ses faits de courage, de bravoure, de générosité et d’altruisme.

Ce serait un lieu commun de dire qu’il me manquera, tant Mohamed et moi étions liés. Sa fidélité à l’amitié comme à ses principes confinait à l’absurde.

N. F.