L’annonce de la qualification pour le second tour de l’élection présidentielle égyptienne de l’ex-premier ministre de Moubarak surprend.
Ahmed Chafiq a servi dans l’armée de l’air sous les ordres de Moubarak durant la guerre d’octobre 1973 avant d’entamer une ascension continue sous l’aile du futur président égyptien. Attaché militaire à Rome dans années 1980, il est nommé chef d’état-major puis commandant de l’armée de l’air, avant de se voir confier, en 2002, le ministère de l’Aviation civile. Il se fait alors connaître, et apprécier, en restructurant la compagnie Egyptair puis en faisant construire, grâce à un prêt de la Banque mondiale, un nouveau terminal à l’aéroport du Caire.
Au plus fort de la révolution, Ahmed Chafiq est nommé premier ministre avec la mission d’apaiser la contestation, mais il montre vite ses limites. Ignorant la pression de la rue, qui réclame le départ de Moubarak, il donne le sentiment de mépriser les révolutionnaires en offrant de leur faire «distribuer des bonbons sur la place Tahrir». Quelques jours plus tard, il se montre étrangement silencieux lorsque des nervis de l’ancien régime se lancent à dos de dromadaire contre les manifestants, déclenchant des affrontements qui feront six morts et plusieurs centaines de blessés.
Homme à poigne
Évince le 3 mars suivant, Chafiq annonce sa candidature à la présidentielle début 2012, dans l’indifférence quasi générale. Depuis la chute de Moubarak, l’humeur de la société égyptienne a pourtant bien changé et l’engagement de Chafiq à restaurer «l’ordre» et «la stabilité» infuse doucement. Son profil d’homme à poigne séduit, notamment au sein d’une communauté copte traumatisée par de récents affrontements interreligieux. Les moyens mis à sa disposition par de riches hommes d’affaires et, soupçonne-t-on, par certains piliers de l’ancien Parti national démocratique de Hosni Moubarak, contribuent à le mettre discrètement sur orbite.
Inquiets, les adversaires de Chafiq ont récemment réclamé sans succès son exclusion de la course à la présidentielle en vertu d’une loi qui interdit aux anciens premiers ministres de l’ère Moubarak de concourir. Ces dernières semaines, les accusations de corruption se sont par ailleurs multipliées à son encontre, relayées par certains membres du personnel de l’aviation civile. De son côté, l’armée se refuse officiellement à lui apporter son soutien, jouant la carte de la neutralité. «Chafiq et le maréchal Tantaoui ne se sont parlés qu’une seule fois au cours des derniers mois, lorsque ce dernier a appelé le candidat après la mort de sa femme pour lui présenter ses condoléances», croit savoir l’éditorialiste Hamdy Rizk.
Selon d’anciens militaires, son ascension serait même observée avec une certaine inquiétude en haut lieu. «Chafiq est assurément un bon manager, qui a montré ses capacités d’organisation tant dans le domaine militaire que civil, mais je crains qu’il n’ait pas les qualités politiques requises en cette période cruciale», estime le général à la retraire Talaat Ahmed Mosallam.
Samedi, il a assuré aux jeunes ayant déclenché la révolte de l’année dernière qu’en cas de victoire, il entendait «restaurer la révolution». Un geste d’apaisement avant le second tour de la présidentielle les 16 et 17 juin.