Ahmed Benbitour, l’homme qui voulait partir à point

Ahmed Benbitour, l’homme qui voulait partir à point
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Premier candidat déclaré aux présidentielles de 2014, Ahmed Benbitour veut prendre de l’avance. En campagne depuis des mois, il veut mobiliser autour d’un programme ambitieux.

Ahmed Benbitour est en campagne. Depuis qu’il a annoncé, en décembre 2012, sa candidature aux élections présidentielles de 2014, l’ancien chef de gouvernement sillonne le pays, pour tenter de faire connaitre son programme, et de tisser des réseaux en mesure de porter sa candidature.

Certes, sa campagne ne mobilise pas encore les foules, mais M. Benbitour s’en contente pour le moment. D’autant plus qu’il estime avoir pris la bonne décision. Tous les autres candidats potentiels à l’élection présidentielle attendaient de savoir si le président Abdelaziz Bouteflika se présenterait ou non pour un quatrième mandat, avant de se prononcer. Car selon une règle non écrite, si le président en exercice est candidat, il ne laisserait rien aux autres. C’est évident.  M. Benbitour l’a lui-même reconnu publiquement il y a dix ans.

Le calendrier a changé. Il a donné raison à M. Benbitour, qui marque un point. Premier parti, cela peut-il avoir une quelconque influence sur le résultat final ? M. Benbitour ne se fait pas d’illusion. Rien n’est fait, et on ne sait même pas si l’élection aura lieu à son terme, en avril 2014, ou si elle sera anticipée. Vers novembre. Le mieux, ce serait de maintenir le calendrier, pour respecter le jeu institutionnel. Mais pour le bien du pays, le mieux, ce serait d’organiser l’élection le plus tôt possible, affirme M. Benbitour, car pour lui, chaque jour qui passe voit le pays s’enfoncer davantage.

Trop jeune pour avoir fait la guerre de libération, trop âgé pour se lancer dans une nouvelle carrière, M. Benbitour, 67 ans, fait partie de cette génération qui a vécu à l’ombre de celle des moudjahidine. Il s’en est émancipé sur le tard, mis il admet que l’âge constitue pour lui une limite. Il le dit. Et précise que pour lui, la candidature à une élection présidentielle n’est pas une fin en soi. Il a adopté une formule originale. Il veut créer un parti après la présidentielle, en tirant profit de l’élan qui sera né durant la campagne. L’objectif, pour lui, est de porter un programme en lequel il croit.

Un programme très détaillé

S’il n’est pas élu, M. Benbitour affirme qu’il est disposé à soutenir un candidat qui présenterait un programme de renouveau, mais il accordera la priorité à accompagner le mouvement qu’il veut susciter, en vue de préparer d’autres échéances. Pour 2019, peut-être, dit-il. Mais aussi pour passer le relais à d’autres, qui se reconnaitront dans ce programme, qu’il estime en mesure de redresser l’Algérie.  Invité au forum de Radio M, mardi dernier, M. Benbitour se montre justement très critique envers la situation du pays.

L’Algérie est dans un état de « délabrement » auquel il ne peut se résoudre. Il est « urgent » de changer de cap, insiste-t-il. Mais il élude prudemment l’épisode gênant de sa carrière, celui qui l’a vu devenir le premier chef de gouvernement de M. Bouteflika. Il en a tiré plusieurs conclusions, dont la plus importante est qu’il est vital de changer la manière de gérer le pays.

Comment procéder ? M. Benbitour propose des formules. Certaines semblent toutes prêts, trop faciles pour être opérationnelles. Mobiliser les Algériens, aller à leur rencontre, utiliser les moyens modernes. Une fois arrivé au pouvoir, moderniser l’Etat et les institutions, moraliser la vie publique, réorganiser l’économie, revoir l’organisation territoriale de l’Etat, en revenant à une quinzaine de grandes régions qui auraient une large autonomie dans la mise en place de politiques économiques.

Mais M. Benbitour n’est pas un grand orateur. Economiste de formation, il a tendance à privilégier les aspects techniques, et à énumérer les mesures à prendre. Il se rend bien compte que la situation économique du pays va se dégrader, sous l’effet conjugué de trois facteurs, la baisse de la production des hydrocarbures, la hausse de la consommation interne et la chute des prix. Mais il ne veut pas baisser les bras. Le pays dispose encore d’une fenêtre de tir pour changer de cap, et se mettre en orbite dans les délais, dit-il.

Rendre des comptes

L’argent pour conquérir le pouvoir ? Il considère que ce n’est pas vital. Il ne trouve pas non plus gênant de demander aux Algériens de serrer la ceinture, dans une campagne à venir, alors que le pays a appris à consommer sans compter. Il a confiance, les Algériens comprendront. M. Benbitour croit en son étoile. Cet homme discret, un peu timide, a des raisons d’y croire. Il a traversé l’ère Bouteflika sans trop de dégâts, alors qu’il a été son premier chef de gouvernement. Mieux : à côté des stars de l’ère Bouteflika, les sulfureux Chakib Khelil, Amar Ghoul et Mohamed Bedjaoui, il apparait comme un modèle de probité et de modestie. Et il en compte en tirer profit.

M. Benbitour veut expliquer, convaincre. Il parle calmement. Mais il est gêné par certaines questions, qui ne lui paraissent pas prioritaires. Il laisse transparaitre de la colère quand il évoque la nécessité, pour les responsables de rendre compte. Pas uniquement pour leur gestion, mais aussi pour leurs déclarations. Il s’en prend vertement à Louisa Hanoune, présidente du parti des Travailleurs, qui l’a accusé d’être derrière les manifestations de protestation dans le sud. Une accusation liée au fait que M. Benbitour est un Chaambi, né dans la wilaya de Ghardaïda. « On ne peut pas se cacher derrière l’immunité parlementaire pour dire n’importe quoi », se laisse-t-il emporter.