Le geste qu’il faut au bon moment
Ahcène Saâdi, est sous-directeur du secours médicalisé à la direction générale de la Protection civile. Il a rejoint le corps de la Protection civile le 2 janvier 1993. Depuis, il a exercé comme médecin-chef de 1998 à 2006 à Illizi puis à Boumerdès en tant que chef de bureau. Depuis 2009, il est sous-directeur à la Dgpc.
L’Expression: Qu’est-ce qui a motivé la direction générale de la Protection civile à organiser une campagne nationale de formation en secourisme?
Ahcène Saâdi: C’est un projet qui a germé dans la tête du directeur général, le colonel Mustapha Lahbiri, suite aux constatations et aux rapports établis par nos équipes d’intervention faisant état de difficultés rencontrées au cours des opérations qu’elles effectuent. La transmission des messages d’alerte par les citoyens, témoins d’un accident ou d’un sinistre ne se fait pas convenablement. Ces derniers, dans bien des cas, essayent de faire face eux-mêmes au sinistre, alors que le premier réflexe serait d’appeler ou de faire appeler les secours. Il en est même, durant les opérations de secours de grande envergure dans lesquelles les citoyens s’impliquent volontairement notamment, durant les premiers moments de la catastrophe, pour porter aide et assistance aux victimes. Malheureusement, les gestes prodigués par les citoyens quand bien même ils sont animés de bonne volonté, sont dépourvus de savoir-faire et entraînent des conséquences fâcheuses ainsi que des complications qui aggravent l’état initial de la victime. Suite à ce constat, on s’est rendu compte que la connaissance et la maîtrise des gestes de premiers secours par les citoyens est une nécessité. La Protection civile, de par sa mission de sauvegarde et de protection des citoyens, se doit d’aller à la rencontre de ces derniers afin d’encourager les valeurs d’entraide, d’assistance aux personnes en détresse, d’apprendre aux citoyens les comportements adaptés pour qu’ils puissent faire face aux risques dans la cité, sur les lieux de travail, dans leur environnement et enraciner la culture de secouriste au sein de notre société. Car ignorer les rudiments du secourisme, c’est risquer de faire du mal en voulant faire du bien. Bien entendu, la bonne volonté et l’esprit de solidarité dont font preuve nos concitoyens durant les situations d’accident ou de sinistre, à eux seuls, ne suffisent pas, s’ils ne sont pas accompagnés d’un savoir-faire permettant au témoin du premier instant d’agir convenablement.
Comment comptez-vous utiliser ces secouristes formés?
Nous disposons d’un fichier national de tous les secouristes formés au niveau des wilayas, lequels constituent pour nous un réservoir qui pourra être utilisé, en cas de besoin, lors de la survenue d’une catastrophe. De plus, ces secouristes pourront intervenir individuellement au niveau de leurs foyers, de leurs lieux de travail, dans les stades ou dans toutes les situations quand ils se retrouvent en présence d’une personne en détresse et qui a besoin d’aide. Dans une seconde étape, nous projetons d’impliquer davantage la société civile par la création de groupes de secouristes volontaires de proximité, car nous sommes conscients qu’en cas de catastrophe majeure, les équipes de secours ne seront pas en mesure de parvenir rapidement à l’ensemble des personnes ayant besoin d’aide. La constitution de groupes de secouristes volontaires au niveau des villes ou encore mieux, au sein des quartiers à même d’intervenir en temps zéro du risque, c’est-à-dire le temps qui sépare le début de la catastrophe et du risque et l’arrivée des secours.
Quels sont les buts qui ont été assignés à cette campagne nationale de formation en secourisme?
Cette formation aux premiers secours a pour but de permettre aux citoyens, d’acquérir les connaissances nécessaires à la bonne exécution des premiers gestes de secours à prodiguer aux victimes en attendant l’arrivée des secours spécialisés. Il faut savoir que depuis la survenue d’un accident jusqu’à l’arrivée dans une structure hospitalière, la victime ou le malade passe par plusieurs étapes successives, dont le but est de le prendre en charge convenablement et d’assurer le maintien de ses fonctions vitales. Ces étapes constituent les maillons de la chaîne de secours qu’on appelle également «chaîne de survie», sa mise en pratique dépend essentiellement du citoyen présent sur les lieux de l’accident, vous comprendrez donc, que ce premier témoin, a un rôle prépondérant dans le déclenchement de cette chaîne de secours, c’est de lui que dépendront également les chances de survie, le devenir ou le pronostic, si l’alerte est donnée précocement et si les gestes qu’il doit effectuer sont exécutés d’une manière correcte.
Pensez-vous que cette campagne aura une incidence sur le comportement de nos concitoyens?
Certainement. Nous pensons que cette campagne nationale de formation au secourisme de masse, qui est une action citoyenne, revêt une dimension sociétale capitale, eu égard aux valeurs morales et civiques qu’elle véhicule et qu’elle diffuse. Le secourisme est un excellent moyen de s’intéresser aux autres, d’être socialement utile, efficace et reconnu. Le secourisme, par les connaissances liées au risque et à sa prévention qu’il dispense, par son caractère interindividuel et par la diffusion d’un esprit d’entraide et de solidarité, contribue à rendre le citoyen plus prudent et plus respectueux de son prochain. La sécurité est une affaire de tous et le citoyen doit prendre conscience qu’il doit participer à sa propre sauvegarde, par la connaissance des comportements individuels d’urgence et collectifs appropriés.
Quel bilan dressez-vous depuis le début de cette campagne?
La campagne nationale de formation au secourisme, lancée le 23 novembre 2010 à travers l’ensemble des wilayas du territoire national, sous le slogan «Un secouriste pour chaque famille» a suscité un grand intérêt de la part des citoyens. Présentement, 37 178 citoyens ont été formés dont 5 650 femmes. Pour cela, la Protection civile à ouvert des centres de formation dans toutes les unités des wilayas et a mobilisé plusieurs officiers.
Comment se déroule la formation?
La formation s’étale à longueur d’année et se déroule sous forme de sessions à raison d’une session par trimestre et chaque session comprend trois phases: la première phase est consacrée à la sensibilisation des citoyens par des communiqués affichés dans des lieux publics ou des appels à candidatures à travers les radios locales, à l’endroit des citoyens désireux de se faire former aux gestes de secours, à la récolte des dossiers, la constitution des listes des apprenants et à la préparation des salles et du matériel pédagogique au niveau de toutes les unités de la Protection civile; la deuxième phase, qui est celle de la formation proprement dite, s’étale sur 21 jours et est sanctionnée par un test de contrôle chaque fin de semaine et un examen de contrôle le dernier jour de la formation. L’enseignement axé essentiellement sur le volet pratique se fait durant les jours ouvrables, de 16h à 18h ou de 17h à 19h. La troisième phase est consacrée aux délibérations et à la remise des attestations aux apprenants admis.
Qu’en est-il de la frange d’âge inférieure à 18 ans?
Pour nous, tout citoyen doit pouvoir porter secours. L’école forme des citoyens, ils se doivent donc d’apprendre à porter secours. Nous pensons également que la formation aux premiers secours sera bénéfique à plus d’un titre puisqu’elle aura une incidence positive sur le comportement des élèves en matière de gestion du risque ainsi que sur le développement de leur sens civique et sur la valorisation de leur propre image.
Donc, cette frange d’âge sera prise en charge au niveau des différents paliers scolaires en accord avec le secteur de l’éducation nationale. L’écolier ou le collégien sensibilisé au rôle qu’il peut remplir devient alors un vecteur d’information auprès de son entourage (famille, amis…).
Mais il faut savoir que la Protection civile ne formera que les enseignants, car bien entendu nous ne possédons pas la pédagogie nécessaire pour nous adresser à des écoliers, donc nous transmettons la technique aux enseignants qui seront chargés de la transmettre aux élèves.