Il est impossible de cultiver certaines parcelles de terre dans les villages enclavés avec les tracteurs, ce qui justifie le recours à une paire de bœufs et une charrue.
En dépit des développements enregistrés en matière de machinisme agricole, le recours à la charrue et aux bœufs demeure indispensable, et même incontournable, dans les localités montagneuses. Le travail de la terre se fait toujours par ces «outils» traditionnels qui parviennent à défier les difficultés d’ordre géographique et permettre de tirer profit des terres inaccessibles par véhicule. En cette période d’automne, la demande est importante de la part de villageois qui tiennent à rentabiliser leurs petites parcelles. Les propriétaires de paires de bœufs et de charrues trouvent, en effet, d’énormes difficultés à satisfaire les sollicitations émanant le plus souvent de personnes âgées pour lesquelles le labour est une valeur sacrée. Ces dernières années, les «professionnels» se font rares, les jeunes préférant quitter leurs villages pour exercer d’autres métiers plus rentables. «Je suis le seul dans toute cette immense région et je dois assurer le travail de toutes les parcelles. Il n’est pas question de décliner les offres surtout en cette période d’automne. Ce qui m’agace le plus est que chacun insiste pour que je commence par lui, ce qui m’est impossible. Je classe alors les demandes et je procède par ordre», témoigne Rabah, la cinquantaine, habitant au village Ath Mansour, à l’est de Bouira. Dans un village, tout le monde se connaît et est lié par des liens de parenté, ce qui met les «professionnels du labour» dans des situations inconfortables. «C’est un métier qui me permet de gagner ma vie. Il est vrai que la demande est très importante en cette période, mais je réussis souvent à persuader les gens d’attendre leur tour. Tout le monde sait que je ne fais aucune faveur dans ce sens, même pour mes oncles. Je me réjouis de l’attachement des personnes âgées à leurs terres, sinon j’aurais été contraint d’aller chercher un emploi ailleurs», se félicite Essaïd, la quarantaine, habitant à Chaabet El-Ameur (Boumerdès). Dans la douzaine de petits villages que compte cette commune, Essaïd trouve son compte car il travaille pour une période de près de deux mois sans arrêt, ce qui lui permet d’engranger une somme d’argent suffisante à satisfaire les besoins de sa petite famille pendant «plus de quatre mois». Généralement, ces laboureurs exigent entre 3 000 et 4 000 dinars pour une journée de travail. Une somme qu’ils jugent raisonnable. «La botte de foin coûte aujourd’hui 700 DA.
Les bœufs consomment près de trois bottes pour être en forme. Et puis, il faut aussi leur donner de l’orge. A vrai dire, mon travail est évalué à seulement 1 500 dinars, l’équivalent de ce que touche un maçon», explique notre interlocuteur. L’assiduité et la qualité du travail effectué par ces derniers sont fortement appréciées par les «employeurs» qui n’hésitent pas à leur offrir, dans la plupart des cas des pourboires en sus d’un petit-déjeuner et d’un déjeuner généralement copieux. Ces travailleurs de la terre jouissent également d’un respect et d’une grande considération de la part des villageois. «C’est grâce à ces braves hommes que les petites parcelles ont préservé leur âme», estime-t-on.
A.H