Agressions répétées contre les femmes voilées : Lorsque la bêtise se conjugue à l’intolérance

Agressions répétées contre les femmes voilées : Lorsque la bêtise se conjugue à l’intolérance

Etre différents des autres? Quoi de plus normal puisque la nature même des hommes est basée sur leur diversité dans la peau, les coutumes, les modes, la religion, les comportements etc. Revendiquer sa différence et l’assumer? C’est une attitude qui, lorsqu’elle se manifeste, dans le respect des autres et leur considération, ne peut être que fort respectable. Mais s’en prendre aux autres parce qu’ils sont différents, parce qu’ils s’habillent autrement ou mangent autrement ou parlent une autre langue, c’est le plus bas des niveaux que peut atteindre un jour l’humanité.

Le faire au nom de la République et le revendiquer en se tenant debout sur le socle des droits de l’homme, voilà ce qui va au-delà de la bêtise humaine et qui souligne, si besoin est encore une fois, combien les slogans peuvent être faux et combien les desseins peuvent être inavoués. Est-ce un hasard que, en ce mois d’août 2014, on assiste à une montée extraordinaire de ce qu’on pourrait appeler une «voilophobie» chez ceux qui nous matraquent à longueur de siècles avec la nécessité du respect des droits de l’homme, les bienfaits de la République et les vertus de la tolérance.

Bruxelles, jeudi 14 août. Place Violette. Il est à peu près 15 heures. Un homme voit venir vers lui trois femmes voilées, apparemment toutes portaient un niqab. Les femmes étaient des touristes étrangères et voulaient demander leur chemin à cet homme qui, de par sa tenue, leur paraissait normal. Un peu plus bas sur la carte géographique, sur une plage française, en ce 18 août 2014, un couple prend place parmi les estivants. L’homme est en maillot et s’en va se baigner mais la femme, voilée mais sans niqab, reste assise et ne se baigne pas. Elle se contente de regarder la mer.

Deux jours plus tard, le 20 août 2014, un couple se promenait à la place de la Bastille, à Paris, la femme était, là aussi, voilée mais sans niqab et l’homme, un individu comme tous les autres. En termes policiers, on dit sans signes particuliers.

Précisons qu’en Belgique, comme en France, il existe une loi qui interdit le port du niqab dans les endroits publics. Cette loi est là depuis 2011. On peut en penser ce qu’on veut mais une loi est une loi et, une loi cela se respecte ou bien alors, si on est contre, il faut éviter d’aller là où elle existe. Mais lorsqu’une loi existe, il appartient aux agents de l’ordre public, et aux instances, concernées de la faire respecter.

Il n’entre nullement dans les prérogatives de chacun de vouloir faire respecter cette loi car, d’abord, ce n’est pas de son ressort et, ensuite, on n’est pas dans une jungle. La loi a ceci de particulier qu’elle s’applique à tous, que tout le monde doit la respecter mais personne, sauf les instances concernées, ne doit obliger les autres à l’appliquer. Mais l’homme de la place Violette de Bruxelles, au lieu de leur indiquer leur chemin, aux trois femmes, a préféré jouer au justicier. Il n’a pas hésité un seul instant à arracher violemment le niqab de l’une d’entre elles, la blessant au passage à l’oreille.

Pourquoi avait-il agi ainsi? Est-ce sa fonction de chef de protocole de la mairie de Bruxelles qui lui avait donné cette audace? Une telle fonction, à notre connaissance, aurait dû donner plus de sagesse et recommander plus de retenue si celui qui l’occupait était conscient de son importance. Interrogé par la police, l’agresseur avait dit l’avoir fait parce que la loi interdit le port du niqab en Belgique et oublie de dire qu’il était ivre. Faire respecter la loi, comme Zorro, Superman, Spiderman ou tous les autres justiciers dont le cinéma nous gave à longueur de journées: la belle affaire!

De son côté, la turbulente Nadine Morano écrit, ce 18 août 2014, sur ses comptes de réseaux sociaux toute sa haine du voile et justifie cela par le fait qu’elle s’était sentie «agressée» par la vue de cette voilée assise sur le sable d’une plage française. Pour mieux exprimer ce qu’elle ressentait, l’eurodéputée avait publié d’un côté, la photo de cette femme voilée et, de l’autre, celle de Brigitte Bardot, nue sur la plage dans les années soixante. Comme si Brigitte Bardot, dans sa nudité, devait être la référence universelle et comme si porter un voile à la plage était un outrage aux «bonnes moeurs» de Nadine.

On ne comprend d’ailleurs pas pourquoi, d’un côté, elle tient à préciser que ce voile «ne portait aucune atteinte à l’ordre public» alors que, de l’autre, elle fustige la femme qu’elle accuse de porter atteinte à la «culture française». Et na! Mais il n’y a jamais deux sans trois, dit le proverbe et voilà qu’apparaît Amina Sboui (vous vous en souvenez?), cette Tunisienne dont la célébrité soudaine était due au fait qu’elle avait posé seins nus et avait rallié, pour un moment, le mouvement Femen. Elle avait attaqué carrément le couple de la place de la Bastille et essayé d’arracher le voile de la femme.

Certes, le chef du protocole de la mairie de Bruxelles, qui répond au nom de Jean-Marie Pire «était ivre au moment des faits»(1), comme l’a rapporté la presse, et il a vu le tribunal de sa ville lui dresser un PV pour agression sur la voie publique suite aux plaintes déposées par les femmes voilées et dont l’une, celle à qui il avait arraché le voile et les boucles d’oreilles, était une Qatarie de haut rang.

Certes, l’ex-membre du mouvement féministe Femen, Amina, avait été mise en garde à vue en attendant de «comparaître au tribunal correctionnel pour violences en état d’ébriété» (2) et, certes, Nadine Morano a eu sa part de «sifflets» sur les réseaux sociaux, dans son propre parti l’UMP et elle a même eu droit à un excellent édito (3) de la part de Christophe Barbier, le rédacteur en chef de L’Express, mais tout ceci n’empêche pas de poser une question: pourquoi cette haine à l’égard du voile? Pourquoi cette haine à l’égard des femmes voilées? Pourquoi, dès qu’ils voient une femme voilée, certains, comme Nadine Morano, pensent automatiquement à la soumission alors que d’autres, comme le chef du protocole de la mairie de Bruxelles, se croient supérieurs? La haine n’est pourtant pas et ne peut pas être culturelle, d’après ce que l’on nous appris, du moins.

C’est d’ailleurs la même question qui vaut d’être posée à Amina Sboui, bien connue pour son islamophobie extrêmement violente et qui, pour rappel, et en plus de cette affaire place la Bastille, devra être jugée pour ses fantasmes islamophobes puisqu’elle a déposé plainte contre un groupe de salafistes (imaginaire) qui l’aurait agressée et aurait même entrepris de lui raser les cheveux et les sourcils. Or la police parisienne trouve, après enquête, cette déclaration d’agression imaginaire et poursuit la Tunisienne pour dénonciation mensongère (4).

Des questions qui n’ont que trop de réponses malheureusement. Ce que nous savons, en tout cas, c’est que les droits de l’homme ne se sont jamais appuyés sur le déni de l’autre, ni au nom de la démocratie, ni au nom de la modernité, ni encore moins, au nom de quelques stupides fantasmes d’une supériorité que ne ressentent que les idiots et les parvenus car sinon, comment expliquer que certains puissent croire un jour qu’il leur est possible d’affirmer leur différence culturelle en annihilant celle des autres.