L’Arabie saoudite alliée avec l’Égypte et Israël dans la guerre contre Ghaza ? Cette thèse défendue dans une analyse publiée par David Hearst, éditeur du site d’informations «Middle East Eye», et largement reprise par le journal électronique «Huffington Post», suscite une réaction véhémente de la part des autorités saoudiennes.
Dans son article, David Hearst évoquait les liens entre l’Arabie saoudite, l’Égypte et Israë, durant l’offensive de cette dernière contre la Bande de Ghaza. L’ennemi commun des trois pays, le Hamas, serait, selon David Heast, la raison principale de cette alliance émergente.
Les enjeux sont clairs : provoquer l’affaiblissement et éventuellement la chute du Hamas, placer un nouveau gouvernement à Ghaza et faire face à d’autres ennemis en commun, comme l’Iran. David Hearst cite comme arguments des propos d’officiels US et Israéliens. Dan Shapiro, ambassadeur américain à Tel-Aviv, déclarait sur une chaîne de télévision israélienne que son pays cherchait à aider les « forces modérées » à devenir plus fortes à Ghaza.
Les autorités saoudiennes ont réagi à cette analyse, reprise dans plusieurs médias arabes, par un communiqué au ton dur publié par l’ambassadeur d »Arabie saoudite à Londres, le prince Mohammed bin Nawaf Al-Saud, rejetant totalement les propos de David Hearst et les qualifiant de « mensonges sans bases », « dénués de tout fondement ». « Est-ce votre intention d’insulter ou ignorezvous complètement l’Histoire et la politique du Moyen- Orient? », écrit le Prince.
Il y réaffirme le soutien de l’Arabie saoudite aux Palestiniens en dénonçant « la brutalité et la disproportion de l’action israélienne contre la population civile dans la Bande de Ghaza » qui est un « crime contre l’humanité ». Croire que l’Arabie saoudite appuie l’action israélienne à Ghaza est « franchement une insulte grotesque » d’autant, ajoute-t-il, « qu’Israël ne se défend pas mais assassine des enfants sans défense et des familles entière s ». L’ambassadeur n’hésite pas à parler de « génocide ».
De son côté, l’ancien patron des services secrets saoudiens, le prince Turki Al-Fayçal a publié, dans les colonnes d’«Al- Sharq Al-Awsat» une tribune fort intéressante pour ceux qui souhaitent comprendre comment, par les enjeux qu’elle représente, la Question palestinienne est perçue à Riyad et dans d’autres grandes capitales arabes.
Dans cette contribution -il en écrit et publie beaucoup, y compris dans la presse israélienne- le prince dénonce les massacres de Ghaza. Mais il reproche surtout à Hamas d’agir par manque de prudence et de mener une guerre inutile, disproportionnée et qui n’a d’autres résultats que d’offrir à Israël et à son armada l’occasion rêvée de «faire couler le sang palestinien».
En décrypté, le dignitaire et ancien chef espion saoudien reproche au Mouvement islamiste palestinien de s’inscrire dans un combat douteux qui n’a d’autre conséquence que de faire capoter ce qui reste encore du «processus de paix» et d’aggraver surtout la faiblesse de l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas.
Son texte, qui s’intitule «le rêve d’un leadership palestinien plus prudent », n’engage que sa personne certes, et surtout pas la monarchie saoudienne. Mais, il serait naïf aussi de croire qu’il ne transpire pas un peu, sinon beaucoup, du sentiment qui domine actuellement à Riyad sur l’actualité à Ghaza et les choix de Hamas et de son leader Mahmoud Mechâal.
Pour ceux qui en douteraient, le prince Turki Al- Fayçal joue carte sur table et accuse le Mouvement islamiste palestinien de faire le jeu de la Turquie et du Qatar qui, selon lui, veulent faire de la Question palestinienne leur nouvel atout diplomatique et géopolitique pour marcher sur le dos de l’Égypte à laquelle il rend hommage.
Une journée auparavant, vendredi dernier, lors de la Journée Al-Qods, le secrétaire général du Hezbollah tenait un discours à l’opposé de celui du dignitaire saoudien. Hassan Nasrallah a comparé la résistance palestinienne à Ghaza à celle du Hezbollah en juillet 2006, au Liban. Il a jugé qu’elle «a déjà remporté une victoire sur l’ennemi israélien» en tenant bon après 18 jours d’agression.
Il a affirmé que les Israéliens n’ont jamais eu l’intention de rendre un pouce du territoire palestinien ni d’accepter le retour d’un réfugié palestinien. «Les Israéliens, aidés par les Occidentaux et par certains régimes arabes, dont les trônes dépendent de la survie d’Israël, a-t-il accusé, ont établi un plan à long terme pour liquider la Cause palestinienne en pensant qu’il faudra une ou deux générations pour atteindre cet objectif». Pour lui, le monde arabe traverse aujourd’hui la période la plus grave depuis 1948, avec la destruction systématique des États, des armes, des sociétés et des populations.
«En ce temps de discorde et de complots, a-til prévenu, il faut savoir où mettre les pieds et où se battre». La résistance, selon lui, commande aux dépassements de tous les clivages et toutes les fractures politiques et confessionnelles entre les Arabes. Israël et les Occidentaux, a-t-il insisté, veulent détruire non seulement le Hamas, le Jihad et les organisations palestiniennes qui se battent, mais aussi et surtout le sang résistant qui coule dans les veines des Palestiniens.
Mokhtar B.