C’est à une ambiance de fin de règne à laquelle on assiste cet été. D’aucuns ont vite fait le parallèle avec l’ambiance précédant la déposition de feu Habib Bourguiba.
Tous les ingrédients sont, en effet, réunis pour la reproduction d’un tel scénario, même si l’on ne doit pas négliger les capacités de résistance du clan présidentiel qui voudrait, au pire des cas, avoir son mot à dire sur le successeur du président Bouteflika.
Commentant la récente purge opérée par le président Bouteflika, un ancien responsable, jadis très proche du chef de l’État, dira : “C’est la réaction d’une vieille personne, malade. Normal, il réagit mal lorsqu’on vient lui susurrer à l’oreille de mauvaises nouvelles.”
Le régime, habitué à pareilles convulsions, a su, par le passé, trouver les deals nécessaires pour entretenir un semblant d’équilibre. Mais à présent que l’argent vient à manquer, la donne risque de changer, sachant que chaque partie voudrait éviter, à tout prix, d’en faire les frais, et cela risque de donner lieu à un règlement violent du conflit latent, né de l’arrivée au pouvoir du président Bouteflika.
Ce qui s’est passé dans le périmètre de la résidence d’État de Zéralda, la veille de l’Aïd, semble être d’une gravité telle qu’elle justifierait la purge spectaculaire qui s’en est suivie. Plusieurs versions ont été avancées pour essayer de raconter ce qui se serait réellement passé, sans que la présidence de la République daigne donner sa propre version des faits.
Seule certitude : trois hauts gradés, et pas des moindres, en ont fait les frais. Officiellement, seul le poste de patron de la Garde républicaine a changé de main. Celui de la sécurité présidentielle (DSPP) n’a pas été confirmé, sauf de la part de la famille de l’ex-patron de ce service, pour s’élever contre toutes les interprétations laissant croire qu’il y aurait eu négligence ou faute professionnelle. Une première dans les annales, surtout lorsqu’il s’agit d’un haut gradé de l’armée.
Mais l’énigme reste entière concernant le limogeage annoncé, mais non démenti, du général Bendaoud, qui était chargé de la sécurité intérieure et du contre-espionnage. Ce dernier, nommé à ce poste, il y a à peine deux années, vient de faire les frais d’une purge assez particulière. Pourtant, l’homme, appelé pour remplacer le très influent Bachir Tertag, est connu pour être lié au Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Deux versions sont avancées à ce sujet : l’une parle d’un différend entre les deux hommes, malgré leurs liens familiaux, et l’autre évoque, au contraire, une tentative d’affaiblir le Premier ministre, présenté comme probable prétendant à la succession de Bouteflika et soutenu, notamment par le FLN de Saâdani.
La seconde thèse semblerait la plus plausible, si l’on prend en compte les rumeurs annonçant une redistribution des cartes au sommet de l’État, qui verrait Saâdani récompensé du poste de président du Sénat, histoire de l’imposer comme second homme de l’État et, par voie de conséquence, futur président par intérim, en cas de vacance du poste de chef de l’État.
Ce qui s’est passé à Zéralda est trop grave. En dépit de la floraison de versions autour de cet “incident”, il est clair que ce fut l’élément déclencheur d’une purge qui ne devrait pas s’arrêter là. Car, même si la thèse d’une pure manipulation venait à se confirmer, cela voudrait dire que ceux qui ont pris une telle décision étaient contraints d’opérer un véritable coup de force pour réussir cette difficile manœuvre.
Mais cet “incident”, qui n’a pas encore livré tous ses secrets, n’est pas sans rappeler la série de limogeages surprises opérés ces derniers temps, et qui renseignent, si besoin est, que quelque chose se trame en haut-lieu, et qu’en tout cas, la guerre de succession entre dans une phase cruciale.
A. B