Afrique du Sud, fierté du continent noir

Afrique du Sud, fierté du continent noir

In this photo taken on June 2, 2010 South African kids play soccer in an open field in Soweto, South Africa. This week South Africa will be the center of the world. A democracy for just 16 years, the country will be thrust, ready or not, into the global spotlight when the 2010 World Cup kicks off Friday, June 11, 2010. South Africans know, and even if they didn't they wouldn't take long to realize. You can't go 20 meters without being reminded that global sport's biggest event is in town. The country's colorful flag flies everywhere, outside apartment buildings, office blocks, and on countless cars. (AP Photo/Hassan Ammar)

En accueillant la première Coupe du monde en Afrique, le pays s’impose comme leader.

Dans quelques heures, le public du nouveau stade de Soccer City, au cœur de Soweto, affichera la fierté de tout un pays. Devant les caméras du monde entier, l’Afrique du Sud lancera le coup d’envoi de la Coupe du monde de football. Dans les tribunes, autour de la figure de Nelson Mandela – dont tout le monde espère la présence – et d’un aréopage de chefs d’État, on verra sur les visages des sourires et un certain soulagement. Le gouvernement du président Jacob Zuma, à la tête de la première puissance économique d’Afrique, saura alors qu’il a déjà gagné l’essentiel de son pari. Le continent est parvenu pour la première fois à organiser le plus grand et le plus médiatisé des événements de la planète.



Dix stade bâtis

Le défi était de taille. En mai 2004, lors de sa désignation comme pays hôte du Mondial, l’Afrique du Sud avait déjà remporté une victoire. La «nation arc-en-ciel» tenait une occasion de démontrer qu’elle appartient au «premier monde», tant au plan diplomatique qu’économique. Le vote de la Fifa, remporté au détriment du Maroc et de l’Égypte, l’avait confirmée comme première puissance du continent. Les répercussions de cette décision dépassent de loin le cadre du football, au moment où de nombreuses voix, à commencer par celle de la France, souhaitent ouvrir rapidement le Conseil de sécurité de l’ONU à de nouveaux membres permanents. Le président sud-africain Jacob Zuma ne s’y est pas trompé, évoquant une «chance unique de montrer notre diversité et notre potentiel au monde. Nous devons raconter l’histoire d’un continent qui fourmille de possibilités».

Restait encore à gagner le test de la crédibilité. Le pays s’est jeté dans un extraordinaire programme de grands travaux. Dix stades ont été bâtis ou rénovés au travers le pays. Au Cap, les nouveaux échangeurs d’autoroutes désengorgent les abords de la capitale parlementaire. À Johannesburg, le Gautrain, un métro aérien et souterrain qui reliera à terme la capitale économique à la capitale politique, Pretoria, a été ouvert. À Durban, un nouvel aéroport international a été inauguré. Le tout en un temps record, comme pour mieux montrer la confiance et la compétence des Sud-Africains. Ces infrastructures réussies ont déjà changé le visage du pays. Les rares difficultés qui ont surgi, comme une fréquentation de touristes plus faible que prévu ou les problèmes initiaux dans la vente des billets, ont été surmontées. Sepp Blatter, le président de la Fifa, a affirmé cette semaine que la Coupe du monde 2010 serait «la plus belle de l’histoire».

«Bafana Republic»

«On disait qu’on serait incapable de finir les stades! Et puis qu’on n’arriverait jamais à assurer la sécurité. Mais finalement, on est prêt!», jubile Nyathi Mthethwa. Le ministre de la Police avait la tâche délicate de rassurer sponsors, sportifs et supporteurs, d’écarter de leurs esprits les peurs sécuritaires dans un pays qui passe pour le plus dangereux de la planète. La mobilisation de 50.000 hommes des forces de l’ordre y est à peu près parvenue. Nul n’ignore le revers de la médaille : la Coupe va coûter fort cher, près de 5 milliards de dollars. À l’intérieur du pays, on sent déjà poindre l’amertume. «On a vendu le pays à la Fifa», titrait le week-end dernier le journal City Press. Selon ce quotidien, les recettes de la Fédération – 2,2 milliards attendus – ne seront assujetties à aucun impôt. Pour une population qui, dans l’ensemble, a du mal à joindre les deux bouts, ces détails financiers agacent.

«Quand on voit tout ce qu’on est capable de construire pour le foot en deux ans, on se demande pourquoi notre peuple attend des maisons depuis quinze ans !», fait remarquer Eddie Cottle de la campagne «Pour un travail décent, avant et après 2010». Il précise que presqu’aucun gadget de la Coupe du monde n’a été fabriqué en Afrique du Sud. Même Zakumi, la mascotte officielle, est «made in China». Les autorités rétorquent que les sommes engagées sont un gage pour l’avenir. «Cette Coupe du monde débouchera sur une croissance du tourisme, un climat fort d’investissement», affirme Danny Jordaan, le président du Comité d’organisation. La fête éteindra-t-elle la polémique? «Si la question est de savoir si cet argent pouvait être mieux dépensé, la réponse est clairement oui. Mais la vraie question est de savoir si les sommes engagées serviront à l’Afrique du Sud. Et là aussi, la réponse est oui», relève Adam Abib, vice-président de l’université de Johannesburg.

En attendant, l’Afrique du Sud s’enthousiasme et prie pour que rien ne vienne perturber les matchs. «Pour quatre semaines au moins, soyez de bons Sud-Africains», demande Jacob Zuma à son peuple. Patriotes et patients, les Sud-Africains obéissent pour se concentrer sur la «Bafana Republic».