Afghanistan : l’ISAF confrontée au défi grandissant des explosifs improvisés

Afghanistan : l’ISAF confrontée au défi grandissant des explosifs improvisés

Les attaques par engins explosifs improvisés, ou IED (Improvised Explosive Devices) sont l’une des innovations majeures des guérillas modernes.

En Afghanistan, constatent des militaires français rencontrés sur place, ces IED sont de types très divers, mais certains sont très difficilement détectables car ils ne contiennent aucune masse métallique, mais des explosifs en quantité considérable. Parfois composés en partie d’engrais agricoles.



Ces attaques de plus en plus nombreuses visent tous les contingents de l’ISAF (International Security Assistance Force), et ont conduit le Pentagone à mettre sur pied une organisation spécifiquement dédiée à leur analyse et à l’étude de réponses adaptées, le JIEDDO (Joint Improvized Explosive Device Organization) .

L’armée de terre française se penche sur ce problème depuis plusieurs années : plusieurs documents doctrinaux émanant de l’état-major des armées traitent ce sujet, dont le « Concept interarmées traitement du danger munitions et engins explosifs (MUNEX) » de 2007 et le « Concept des opérations contre un adversaire irrégulier » de 2008.

Ces études et les « retours d’expérience » des troupes engagées dans l’ISAF ont conduit les Français à déployer cette année en Afghanistan trois véhicules protégés contre les mines, les MRAP (Mine Resistant, Ambush Protected) Buffalo , dont deux exemplaires sont affectés à la base Morales-Frazier de Nijrab, et un autre en réserve au camp Warehouse de Kaboul.

Mais cet engin lourd sort difficilement des routes, et les Français constatent qu’il est très loin d’être une panacée. Le général chef d’état-major de l’armée de terre, Elrick Irastorza, le rappelait d’ailleurs récemment .

Plus grave : il semble que ces très volumineux et emblématiques engins constituent désormais une cible privilégiée pour les insurgés, conduisant les forces de l’ISAF à les utiliser avec précaution. Côté américain, huit soldats ont été tués et quarante autres blessés depuis le début de l’année lors d’attaques spécifiquement dirigées contre les MRAP, conçus pour bien résister aux mines, mais vulnérables aux attaques au lance-roquette du type RPG-7, très répandus en Afghanistan.

Un rapport récent du Centre de documentation du Congrès américain rappelle les quantités phénoménales des différents modèles de MRAP dont l’acquisition a été décidée par le Pentagone pour la seule année fiscale 2008 : 12.000 pour l’US Army, 2.225 pour les Marines, 544 pour la Navy, 558 pour l’Air Force, 378 pour les forces spéciales (USSOCOM), 133 pour des tests. Total : 15.858 véhicules !

De 2007 à 2009, le Pentagone a consacré à l’étude et à l’acquisition de ces véhicules, conçus pour l’essentiel en Afrique du Sud, près de 27 milliards de dollars, soit 18 milliards d’euros (à comparer aux 17 milliards d’euros de la totalité du budget d’équipement militaire français pour 2010 !) En juillet 2009, 3.200 MRAP étaient présents en Afghanistan, la moitié y ayant été envoyés par avion en urgence.

Où ils se sont révélés utiles dans certaines circonstances, mais finalement peu adaptés aux conditions locales. En juin 2009, le Pentagone a signé pour un milliard de dollars le contrat d’acquisition de 2.544 engins d’un nouveau type, les M-ATV (MRAP-All-Terrain Vehicle) , plus légers, plus manoeuvrables, et donc mieux adaptés au très cabossé terrain afghan. 3.000 autres commandes devraient suivre.

L’industriel français Nexter Systems a lui aussi conçu un véhicule répondant à ces critères, l’Aravis. Dans le cadre du plan de relance pour l’économie, la Direction générale pour l’armement (DGA) a notifié à l’industriel, en avril dernier , la commande de quinze de ces véhicules, pour 20 millions d’euros. Les Aravis équiperont les unités du génie qui accompagnent, en Afghanistan, les véhicules Buffalo et Souvim (Système d’ouverture d’itinéraires minés) , spécialisés dans la lutte contre les engins explosifs improvisés.

Lors de leur commande, l’arrivée des premiers Aravis était annoncée pour décembre 2009.

Par Jean Guisnel (à Kaboul)